La Méditerranée : mer sous haute surveillance


Le bassin Méditerranéen a toujours connu des épisodes extrêmes : entre manque d’eau et précipitations violentes, comment le changement climatique risque-t-il de faire évoluer ce territoire déjà en proie à de nombreuses contraintes ?

Le calme de ses vagues ne laisse pas présager son potentiel violent, pourtant la rudesse de son climat est bien connue de ses habitants. En effet, si en Méditerranée les vents charrient une fraicheur bienvenue certains soirs d’été, ils savent aussi déchainer bien des catastrophes. Ces épisodes intenses, la région les doit à sa configuration : « c’est une zone de transition entre un climat aride au sud et un climat tempéré au Nord, et qui est pourvue d’un élément très particulier : la mer Méditerranée », explique Philippe Drobinski, directeur du Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD). Grande source d’humidité, balayée par des vents forts, elle favorise les précipitations. À ces dispositions déjà remarquables, Philippe Drobinski ajoute : « le pourtour méditerranéen a beaucoup de reliefs qui sont des acteurs majeurs dans la formation des précipitations extrêmes. »

Face à ce terrain propice aux pluies, une question se pose naturellement : comment se fait-il que les canicules et sécheresses puissent se multiplier dans une région théoriquement humide ? C’est oublier un élément essentiel : « l’anticyclone des Açores est un acteur majeur du climat dans cette région. Il est très puissant et empêche les précipitations de se former, et migre vers le nord pendant l’été », détaille le chercheur. La configuration spéciale de la région pose également la question de son évolution face à celle du climat : « c’est une région qui s’assèche plus vite qu’ailleurs et qui est très vulnérable », prévient Philippe Drobinski, « par exemple, l’aire de migration de l’anticyclone des Açores semble s’élargir avec le changement climatique. » La vitesse des mutations qu’elle subit en fait un terrain propice à l’étude des impacts grandissants du changement climatique, et c’est une des raisons qui a poussé à la création du projet HyMeX (Hydrological cycle in the Mediterranean Experiment).

Mieux comprendre pour mieux réagir

Dans l’optique d’affiner les connaissances sur les variabilités du cycle de l’eau dans la Méditerranée, des moyens matériels ont été déployés sur plus de 10 ans. Ceux-ci ont permis d’observer la grande variété des phénomènes que la région donne à voir ; autant de précipitations, de vents forts et d’orages ont ainsi été décortiqués par les scientifiques. Au-delà de sa durée, l’une des forces du projet a été de concentrer une multitude de regards. Climatologues, hydrologues et météorologues se sont penchés ensemble sur des événements qui étaient étudiés séparément depuis des années, en mêlant temps long, temps court ; grande et petite échelle. « Une des nouveautés d’HyMeX, ça a été de voir la Méditerranée comme un tout », renchérit Philippe Drobinski.

La richesse de cette approche a notamment permis de préciser le rôle de la mer dans la formation des événements extrêmes : « on a pu mieux identifier les sources d’humidités locales à l’origine de la formation des précipitations sur la mer Méditerranée », précise le chercheur, « nous avons beaucoup travaillé sur les nouveaux systèmes de modélisation et les mesures supplémentaires qui permettent d’améliorer la qualité des prévisions », poursuit-il. L’enjeu est de taille : mieux prédire les épisodes extrêmes permet une meilleure adaptation au risque. Mais pour assurer un effet significatif sur l’impact des prochains événements extrêmes, prévisions physiques et prévention doivent aller de pair : « les dégâts qu’occasionnent ces phénomènes ne dépendent pas que de leur intensité, mais aussi de tout l’aménagement du territoire », explique Philippe Drobinski. « Dans le cadre du projet, des études ont été menées pour comprendre les différents comportements des personnes exposées, améliorer les systèmes d’alerte, et augmenter la conscience du danger chez les populations », conclut-il. Pour l’instant, l’un des principaux leviers d’actions pour faire face aux événements extrêmes reste l’adaptation des populations et des structures humaines.

Par Marion Barbé pour l’IPSL

 

Pour en savoir plus

Retrouvez l’ensemble du projet Mozaïka : Vous avez dit extrême ?

Lire La Méditarranée : Hot-Spot du changement climatique avec Jan polcher

Philippe Drobinski


LMD-IPSL