Les infos personnalisées du GIEC pour les régions


Robert Vautard est directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace, chercheur au LSCE-IPSL et auteur coordinateur sur le dernier rapport du GIEC. Le chapitre qu’il coordonne fait le point sur l’information que possèdent les chercheurs sur les climats régionaux et les risques et les impacts auxquels ils s’exposent avec le changement climatique. Ces informations sont capitales pour que les décideurs puissent faire des choix précis et efficaces pour s’y préparer et s’y adapter.

Illustration du GIEC sur les vagues de chaleur extrêmes

 

Dès aujourd’hui, les impacts du changement climatique sont observés à travers toutes les régions du globe. C’est ce que déclare le nouveau rapport du GIEC sorti le 9 août dernier, et ce qu’illustre l’image ci-dessus indiquant en rouge les régions où une augmentation de vagues de chaleur extrêmes a été observée. Le rapport signale avec une grande confiance que les températures ont augmenté dans toutes les régions continentales et vont continuer de grimper, et cela plus rapidement que la moyenne globale. Mais toutes les régions ne sont pas affectées de la même manière. Le chapitre 12 de ce rapport du groupe de travail 1 sur les bases physiques met d’ailleurs l’accent sur l’information régionale en présentant une synthèse la plus précise possible. « C’est l’un des points essentiels de ce nouveau rapport, d’apporter plus de renseignements sur les conditions climatiques à une plus petite échelle que dans les précédents rapports pour que les décideurs puissent prendre des décisions plus adaptées à leur région » pointe Robert Vautard, directeur de recherche au CNRS et de l’Institut Pierre-Simon Laplace et coordinateur de ce chapitre.

Evaluer l’évolution du climat au niveau régional est une étude complexe des interactions entre la variabilité interne « normale » du climat et des pressions externes. L’impact des émissions anthropiques de gaz à effet de serre est atténué ou amplifié au niveau régional par des rétroactions, liées par exemple aux interactions entre température et sécheresse (l’un amplifiant l’autre), ou température et couverture neigeuse ou englacée. Il est aussi modulé par l’occupation des sols, la concentration d’aérosols et se superpose à des fluctuations décennales et multi décennales.

Et la variabilité interne du climat est plus forte au niveau régional qu’au niveau global. Des incertitudes sont aussi présentes sur les observations, les modèles et les pressions externes, ce qui rend plus difficile l’évaluation de l’impact propre aux gaz à effet de serre, de l’ozone stratosphérique et des différents aérosols. Cela dit, le rapport annonce que l’impact des activités humaines est un moteur principal des changements de moyennes de températures depuis 1950 dans de nombreuses régions subcontinentales du monde. Cet impact englobe les émissions de gaz à effet de serre et d’aérosols, mais aussi l’utilisation des sols et l’irrigation par exemple. Cette nouvelle évaluation du GIEC précise d’ailleurs que les évolutions des facteurs d’impacts climatiques (qui affectent les sociétés et les écosystèmes) seront plus fort à 2°C qu’à 1.5°C, et encore plus forts et généralisés pour des niveaux de réchauffements plus importants. « L’objectif reste de limiter le réchauffement à 1.5°C, et si nous n’y arriverons pas nous viserons 1.6°C, ce qui sera mieux que 1.7°C et ainsi de suite » souligne le chercheur. Robert Vautard insiste que « le point crucial est la baisse de nos émissions dans la décennie qui vient, c’est absolument fondamental. Les actions qui vont être prises dans la décennie à venir vont être déterminantes pour la suite ».

With further global warming, every region is projected to increasingly experience concurrent and multiple changes in climatic impact-drivers. Changes in several climatic impact-drivers would be more widespread at 2°C compared to 1.5°C global warming and even more widespread and/or pronounced for higher warming levels– IPCC Summary for Policy Makers

Le rapport précise que ces mécanismes peuvent aussi donner lieu à de plus forts extrêmes de températures comparé aux températures moyennes. Pour un réchauffement de 2°C, ces vagues de chaleur extrêmes atteindraient des seuils critiques pour la santé, l’agriculture et d’autres secteurs plus fréquemment pour le milieu du XXIe siècle. Ces informations sont essentielles pour pouvoir comprendre les risques propres à une région. Le GIEC a mis à disposition un Atlas interactif en ligne pour donner à chacun la possibilité de s’approprier les données, et visualiser les évolutions à l’échelle régionale. L’utilisateur peut explorer les données sur le passé, le présent et le futur, qu’il s’agisse des observations ou bien des projections climatiques. Des fiches récapitulatives des informations régionales sont aussi disponibles, comme ici pour l’Europe.

Cette nouvelle information régionale a été possible grâce aux avancées récentes dans les observations et les modèles de climat. La dernière génération de modèles dispose d’une bien meilleure résolution (dizaine de kilomètres) incluant des phénomènes climatiques de petite échelle, comme la prise en compte des effets des massifs montagneux, et la future génération vise l’échelle kilométrique. Cela donnera accès à de nouveaux phénomènes comme les phénomènes orageux, ceux liés à la topographie marquée, les effets côtiers ou urbains, ou à mieux préciser des interactions comme celles entre l’occupation des sols et le climat, jouant un rôle important dans le climat régional et notamment pour les évènements météorologiques et climatiques extrêmes. Mais dès aujourd’hui, le rapport du GIEC présente déjà une riche évaluation de l’ensemble des régions de notre planète et souligne le besoin pour tous de se préparer à de multiples risques.

Illustration du GIEC sur les risques régionaux

Toutes les régions vont devoir se préparer à de multiples impacts.

 

Qui est le GIEC ?

Créé en 1988 par l’ONU, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a pour mission d’étudier le changement climatique, ses causes physiques, les risques climatiques qu’encourent les sociétés des pays en voie de développement et des pays développés dans un futur proche et moyen, et les moyens d’atténuer ce changement climatique. L’organisme a été fondé par deux institutions de l’ONU : l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Pour ce premier groupe de travail du rapport AR6 qui s’intéresse aux bases physiques, ce sont 234 chercheurs qui ont analysés l’ensemble de la littérature scientifique sur le sujet pour présenter cette première évaluation. Les deux évaluations suivantes prévues pour 2022 seront respectivement concentrées sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité et enfin l’atténuation.

Pour en savoir plus :

Comprendre comment les chercheurs améliorent la résolution avec Davide Faranda : Voir les régions, une question d’échelle

Le cas particulier du bassin méditerranéen avec Jan Polcher : La Méditerranée, Hot-Spot du changement climatique

Retrouvez toutes les informations et documents en ligne sur l’AR6 sur le site du GIEC

Retrouvez toute la série Détour vers le futur – L’IPSL à l’heure du GIEC

Robert Vautard


IPSL & LSCE-IPSL