GIEC : L’océan en surchauffe


Un chapitre du dernier rapport du GIEC, sorti le 9 août 2021, est consacré aux changements de l’océan, du niveau de la mer et de la cryosphère. L’impact du changement climatique sur ces aspects a de nombreux visages, d’ores et déjà observés aujourd’hui. Bien que la machine soit en route et que les océans vont continuer à se réchauffer, l’amplitude de ces changements sera déterminée par les choix faits aujourd’hui. Jean-Baptiste Sallée, chercheur au LOCEAN-IPSL et auteur du GIEC, fait le point sur les informations principales à retenir de ce chapitre.

« Dans ce rapport nous mettons en avant que le changement climatique est observé dans toutes les régions du globe et est causé par les activités humaines, et que l’on s’attend à ce que les effets du changement climatique deviennent plus important avec des températures plus importantes. Et cela inclut d’importants changements dans les océans qui accumulent énormément de chaleur, en absorbant plus de 90% de l’énergie additionnelle due aux activités humaines » déclare Jean-Baptiste Sallée, chercheur au LOCEAN-IPSL et auteur pour le chapitre 9 du GIEC sur les changements de l’océan, de la cryosphère et du niveau de la mer. Cela se reflète notamment dans les vagues de chaleur marines extrêmes, plus fréquentes et plus intenses aujourd’hui qu’elles ne l’étaient dans les années 80. « Leur fréquence va continuer à augmenter durant le XXIe siècle, mais à un rythme qui dépend de nos émissions futures » indique le chercheur. L’augmentation de fréquence de ces vagues de chaleur marines est deux fois plus importante pour un scénario à forte émissions que pour un scenario à faible émissions. Comme pour beaucoup d’aspects du climat mis en avant dans le rapport, cela souligne l’importance d’une action forte, durable, et urgente.

L’arctique a perdu énormément de couverture de banquise au cours des dernières décennies et ce rapport du GIEC évalue de voir d’ici à 2050 un été ou l’arctique sera pratiquement entièrement libre de glace.  « Cela est vrai pour les cinq scénarios considérés dans ce rapport mais la chute de couverture de banquise arctique est bien plus importante pour des températures de la terre élevée » soutient Jean-Baptiste Sallée. « La couverture de banquise Arctique est complètement dépendante de la température moyenne de la Terre, et cela veut dire qu’on peut encore stopper une diminution plus importante en réussissant à stabiliser la température de la terre » reprend-t-il. En revanche d’autres effets du changement climatique, et particulièrement dans l’océan et les calottes glaciaires, sont irréversibles sur de très grandes échelles de temps. « C’est un aspect assez particulier de ce chapitre car ce sont des éléments du système climatique qui s’ajustent très lentement, et rendent les changements liés à l’océan profond et les calottes de glace irréversibles sur des centaines voire des milliers d’années » souligne l’océanographe. Mais cela ne contredit en rien le besoin d’agir rapidement, car l’amplitude de ces changements sera déterminée par les émissions à venir.

Many changes due to past and future greenhouse gas emissions are irreversible for centuries to millennia, especially changes in the ocean, ice sheets and global sea level– IPCC Summary for Policy Makers

« Ce qu’on observe également, qui est clair dans les observations passées et qui va continuer dans le futur, c’est l’augmentation de la stratification de l’océan » ajoute Jean-Baptiste Sallée. L’océan devient plus stable et cela complique les échanges d’oxygène et de nutriments entre la surface et les profondeurs océanique. Le GIEC regarde également les effets du changement climatique et des changements de stratification sur la circulation océanique. Les certitudes sont beaucoup moins fortes sur ce point : le GIEC ne donne qu’une faible confiance au fait que l’AMOC (Circulation méridienne de retournement Atlantique) ait déjà ralentie au XXe siècle. Et bien que l’intensité des changements futurs de l’AMOC sont également difficile à projeter, le GIEC met clairement en avant avec une confiance haute que l’AMOC ralentira au cours du XXIe siècle. Le rapport évalue aussi les risques d’un effondrement de cette circulation et les conséquences que cela engendrerait sur le cycle de l’eau.

Tout comme l’effondrement de la calotte polaire antarctique, un effondrement de l’AMOC fait partie de risques peu probables mais à très fort impact. Cependant, l’impact de ces situations serait si énorme qu’il est essentiel d’en évaluer les conséquences, même si les chances que cela arrive sont minces. Il existe encore de fortes incertitudes concernant ces points car ils sont liés à des processus encore mal connus. Une fonte accélérée des calottes polaires, au-delà de ce que l’on pense probable, aurait de grandes conséquences sur le niveau global des mers par exemple. Si on exclut ces processus à faible probabilité, le rapport évalue une augmentation du niveau global des océans de 28cm à 55cm pour 2100 pour un scénario de faible émission, ou de 63cm à 1,02 mètre pour un scénario de fortes émission. Mais si les processus à faible probabilité sont inclus, le niveau global des mers pourrait atteindre 2 mètre en 2100, ou 5 mètres pour 2150 dans des scénarios de fortes émission. « Les choses sont plus ou moins figées d’ici à 2050 sur le niveau global des mers, mais pour la suite les actions et décisions collectives que nous prenons aujourd’hui vont être déterminantes » rappelle Jean-Baptiste Sallée.

 

Qui est le GIEC ?

Créé en 1988 par l’ONU, le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a pour mission d’étudier les risques climatiques qu’encourent les sociétés des pays en voie de développement et des pays développés dans un futur proche et moyen. L’organisme a été fondé par deux institutions de l’ONU : l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) et le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). En tentant de mettre en perspective les activités humaines et les modifications récentes du climat, le GIEC a également une force de proposition. Il collecte des travaux scientifiques menés dans le monde entier, et les experts réfléchissent à des stratégies pour permettre aux sociétés d’éviter ou de s’adapter aux conséquences du changement climatique.

Pour aller plus loin :

Partez à la découverte des fonds marins avec Casimir de Lavergne, chercheur au LOCEAN-IPSL : Sous l’océan

Comment observe-t-on l’océan ? Découvrez les services d’observation nationaux OISO avec Claire Lo Monaco et SSS avec Gilles Reverdin

Retrouvez toute la série Détour vers le futur – L’IPSL à l’heure du GIEC

 

Jean-Baptiste Sallée


LOCEAN-IPSL