Les feux d’Amérique du Nord affectent-ils la qualité de l’air à Paris ?
La qualité de l’air s’améliore à Paris depuis ces dernières années, pourtant les concentrations de certains polluants dépassent encore les seuils réglementaires européens imposés pour la santé humaine. Ces épisodes de pollution sont un réel enjeu sanitaire pour la population locale car ils aggravent les maladies respiratoires comme l’asthme et augmentent les risques d’accidents cardiovasculaires.
De plus, depuis une vingtaine d’années, les feux se sont intensifiés à l’échelle globale à cause du changement climatique, avec des feux de forêt plus importants en Amérique du Nord. Une étude a été menée au LATMOS pour évaluer l’impact des feux Nord-américains transportés à longue distance sur la pollution de l’air à Paris.
Ces méga-feux génèrent d’importants panaches de polluants, notamment le monoxyde de carbone (CO) et d’aérosols (particules fines de tailles égales ou inférieurs à 10 ou 2,5 µm, PM10 et PM2.5) qui sont transportés par les vents sur plusieurs milliers de kilomètres le long de l’Atlantique, parfois jusqu’en Europe et en région parisienne. Lors du transport, des réactions chimiques ont lieu dans les panaches, ce qui peut conduire à la formation d’ozone (O3), qui est un polluant très nocif pour la santé humaine.
L’identification des événements a été réalisée grâce à un algorithme utilisant la synergie de différents instruments de mesures issus de la plateforme QUALAIR (https://qualair.fr/) et des mesures satellitaires. Cette approche a permis de détecter 13 événements de feux passant au-dessus de Paris entre 2008 et 2023.

Photo des différents instruments d’observation de l’atmosphère à QUALAIR utilisés pour la détection automatique des événements de feux au-dessus de Paris. D. R.
Pour compléter notre analyse, nous avons étudié les séries temporelles des concentrations de polluants mesurés à la surface par le réseau des stations d’Airparif (https://www.airparif.fr/). Nos résultats révèlent une augmentation des concentrations des polluants en surface en réponse aux événements extrêmes détectés (figure 1).

Figure 1. Climatologie des concentrations mensuelles de CO calculées entre 2013 et 2024 (gauche) à partir de la station de mesure les Halles de Airparif (droite), respectivement. Les points de couleur reflètent l’année (en couleurs) et les valeurs de concentrations mesurées à la surface lors des différents événements extrêmes de feux. D. R.
Lors des 13 événements de feux détectés au-dessus de Paris, une augmentation significative des concentrations de CO est observée à la surface. On montre que 78 % des événements de feux ont impacté l’atmosphère urbaine parisienne avec des concentrations de CO dépassant de plus de 200 % leur valeurs normales, c’est-à-dire leurs climatologies mensuelles.
L’événement de feux le plus marquant est celui de septembre 2020 (flèche rouge, figure 1), pour lequel les concentrations de CO et de PM à la surface ont largement dépassé leurs concentrations normales (figure 2). Ces valeurs sont caractéristiques d’une journée polluée, notamment car les concentrations des polluants atteignent des seuils quasi dangereux pour la santé humaine, soit de 50 µg.m-3 pour les PM10 et 120 µg.m-3 pour l’O3 (Airparif, https://www.airparif.fr/la-reglementation-en-france). La distribution verticale des aérosols montre bien l’existence d’un panache de feu dans la troposphère libre (entre 5 et 8 km) le 12 septembre 2020 et souligne la descente puis l’infiltration du panache de feux dans la couche atmosphérique urbaine dans les jours qui suivent (carré rouge, figure 2). Cet événement de feux provenant de Californie reflète bien les mécanismes du transport à longue distance qui affecte la qualité de l’air locale de Paris.

Figure 2. Figure composite de l’événement extrême de feu du 12 septembre 2020. En haut sont représentées les concentrations journalières des polluants (magenta : CO, bleu foncé : O3, vert : PM2.5, cyan : PM10). En bas à droite sont figurées les valeurs des écarts par rapport à la climatologie. En bas à gauche figurent les profils verticaux du micro-Lidar avec le temps en abscisse, l’altitude en ordonnée (km) et le coefficient de rétrodiffusion (m-1.s-1) en couleur (forte rétrodiffusion en rouge). Le Lidar mesure la contribution relative globale des différents types d’aérosols au signal de fond de l’air ; en encadré rouge est représentée l’infiltration du panache d’aérosols. D. R.
La plateforme QUALAIR dispose d’une matrice instrumentale dense autour de l’étude des aérosols. La convergence de diagnostics optiques, de composition chimique et de granulométrie fine ouvre à une caractérisation forte des événements extrêmes en région parisienne. Ces données enrichissent à la fois les études de processus et d’analyse statistique et sont une source utile à de nombreux acteurs du secteur.
Pour en savoir plus
Références
D’Evelyn, S., Jung, J., Alvarado, E., Baumgartner, J., Caligiuri, P., Hagmann, R., Henderson, S., Hessburg, P., Hopkins, S., Kasner, E., Krawchuk, M., Krenz, J., Lydersen., J., Marlier, M., Masuda, Y., Metlen, K., Mittelstaedt, G., Prichard, S., Schollaert, C., Smith, E., Stevens, J., Tessum, C., Reeb-Whitaker, C., Wilkins, J., Wolff, N., Wood, L., Haugo, R., Spector, J., 2022. Wildfire, Smoke Exposure, Human Health, and Environmental Justice Need to be Integrated into Forest Restoration and Management. doi:10.1007/s40572-022-00355-7
Jaffe, D., O’Neill, S., Larkin, N., Holder, A., Peterson, D., Halofsky, J., Rappold, A., 2021. Wildfire and prescribed burning impacts on air quality in the United States. Journal of the Air Waste Management Association. doi:10.1080/10962247.2020.1749731
Contacts Laboratoire Atmosphères, Observations Spatiales (LATMOS-IPSL)