Fonte des glaces : les calottes barbotent


La fonte des calottes polaires impacte directement l’évolution du climat à l’échelle globale. Hausse du niveau marin, accélération du réchauffement aux pôles, ralentissement de la circulation océanique… À quelle vitesse les calottes vont-elles fondre ? Avons-nous atteint un « point de non-retour » ?

« Même si de grandes incertitudes subsistent quant aux estimations, à l’échelle du siècle, la hausse du niveau marin est évaluée à environ un mètre », énonce Aurélien Quiquet, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL).

La fonte des calottes de glace représente un défi d’adaptation pour les sociétés humaines. Au sein de l’équipe CLIM, qui modélise les évolutions passées du climat, le chercheur s’intéresse plus particulièrement à l’incertitude liée à la fonte des calottes de glace.

Appréhender le rythme de fonte de ces immenses réserves d’eau douce représente un enjeu de taille pour quantifier son impact futur, notamment sur les autres rouages de la machinerie climatique.

 

Groenland, Antarctique… les extrêmes se rejoignent

 

Dans le cas du Groenland, la glace se situe dans des zones climatiques tempérées où, tous les étés, une partie de la glace fond. « C’est une situation normale, mais la fonte s’accélère avec le changement climatique, et les périodes de fonte s’allongent, expose le chercheur. Concernant cette calotte, la plus grande incertitude est liée la vitesse à laquelle le climat va se réchauffer, qui dépend beaucoup des scénarios d’émission de gaz à effets de serre ».

En Antarctique, la situation est différente. Du fait des très basses températures à ces latitudes, la fonte de surface y est très marginale, même durant l’été austral. En revanche, les glaciers s’étendent jusqu’à l’océan, source de chaleur qui les fait fondre par le dessous.

Dans cette situation, le processus de recul est donc principalement dû à des effets d’écoulement liés à la fonte des glaces flottantes. Cela tend à générer des déséquilibres dans la structure du glacier, pouvant atteindre des points de non-retour dans son évolution. « Dans nos modèles, la plus grande incertitude concernant l’Antarctique vient de phénomènes d’instabilité où, une fois le processus de recul enclenché, il est inexorable », constate Aurélien Quiquet.

Lorsqu’un glacier recule, l’eau de mer s’accumule dessous, vers l’intérieur de la calotte, amplifiant son réchauffement et déstabilisant sa structure. « A ce stade, même si le climat se refroidit ou que l’océan devient plus frais, l’instabilité mécanique persiste et fait que la calotte recule quoi qu’il arrive », insiste le paléoclimatologue.

 

L’emballement des grands glaciers

 

Les glaciers de Thwaites et de Pine Island, en Antarctique de l’ouest sont deux exemples particulièrement impressionnants de ce type d’instabilité. Le premier s’étend sur près de 175 000 km² et le deuxième, d’une superficie de 192 000 km², est le plus grand glacier de la région.

Il est estimé que l’eau douce en réserve dans l’ouest de l’Antarctique pourrait, à elle seule, contribuer à une élévation du niveau des mers de 5 mètres, dont 3 mètres seraient attribuables au glacier de Pine Island 1,2.

Bien qu’un tel phénomène soit projeté pour s’étendre sur des centaines d’années au moins, l’instabilité de ces deux glaciers est très surveillée par les glaciologues, car le réchauffement rapide de l’océan les a potentiellement déjà précipités dans une phase d’emballement.

Ces processus, avérés, sont encore peu connus car les représenter dans les modèles reste une difficulté pour les chercheurs. En effet, le temps d’observation relativement court, de quelques dizaines d’années seulement, n’est pas suffisant pour quantifier un processus aussi long. « De mon point de vue de paléoclimatologue, c’est pour cette raison qu’il faut chercher ces informations dans le passé pour voir si de tels phénomènes ont pu arriver et ainsi quantifier leur vitesse. Pour l’instant, celle-ci est encore en débat », explique Aurélien Quiquet. 

Ainsi, de nombreux modèles de calotte polaire ont été confrontés à des évolutions climatiques différentes pour comparaison mais une grande diversité de résultats persiste. « Ces recherches sont encore à approfondir pour comprendre comment ces mécanismes interagissent entre eux », conclut le chercheur.

 

Sources

1 Shepherd, A., Wingham, D. J., Mansley, J. A., & Corr, H. F. (2001). Inland thinning of pine island Glacier, West Antarctica. Science, 291(5505), 862-864.

2 Vaughan, D. G., Smith, A. M., Corr, H. F. J., Jenkins, A., Bentley, C. R., Stenoien, M. D., … & Luchitta, B. K. (2001). A review of the ice-sheet dynamics in the Pine Island Glacier basin, West Antarctica: Hypotheses of instability vs. Observations of change. The West Antarctic Ice Sheet: Behavior and Environment, Antarct. Res. Ser, 77, 237-256.

Pour aller plus loin

 

Rédigé par Marion Barbé.

Aurélien Quiquet


Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE-IPSL)