Une expédition au Canada pour comprendre le dégel des tourbières gelées au pays des ours blancs
Des chercheurs des projets PEPR FairCarboN PEACE et Belmont Forum-ANR PRISMARCTYC, impliquant les laboratoires GEOPS et METIS, se sont rendus sur un nouveau site d’étude à Churchill, au Manitoba (Canada), sur les rives de la baie d’Hudson. L’objectif était de collecter des données sur le dégel du pergélisol (sol gelé en permanence) des tourbières arctiques.

Région du village de Churchill au nord du Manitoba (Canada) où une tourbière gelée (pergélisol) est en train de dégelé sous l’effet du réchauffement climatique. Les tourbières sont des puits de Carbone. Photo aérienne © Antoine Séjourné
Le réchauffement climatique est trois fois plus important en Arctique qu’ailleurs sur la planète. Aujourd’hui, les tourbières gelées (pergélisol) du Nord du Canada sont en train de dégeler. En tant que puits de carbone, les tourbières permettent en effet de réguler la concentration de CO2 atmosphérique et s’avèrent de précieuses alliées dans la lutte contre le changement climatique.
Or le dégel du pergélisol a un impact sur le fonctionnement de celles situées dans les zones arctique et subarctique. Le carbone organique et d’autres éléments inorganiques (50% des stock totaux des sols terrestres), auparavant piégés dans le pergélisol, sont libérés vers les systèmes aquatiques. Les micro-organismes convertissent le carbone organique hautement biodégradable nouvellement disponible en gaz à effet de serre, amplifiant ainsi le réchauffement climatique.
Le projet PEACE a pour but de comprendre comment la dégradation du pergélisol et les changements de végétation induits affectent la dynamique carbone-azote-phosphore (C-N-P) des écosystèmes Arctiques. Pour cela, il fédère des chercheurs de différents laboratoires français (Toulouse, Paris, Saclay, Rennes, Montpellier) et des laboratoires canadiens (Sherbrooke) dans une approche interdisciplinaire centrée sur la zone critique.

Dégel actif du pergélisol (tourbière gelée) le long de polygones sur le bord d’un lac. A noter la nouvelle zone humide (sombre) s’est formé en 1 an suite au dégel du pergélisol. Photo drone. © Antoine Séjourné
Le but de la mission a été d’étudier le long du continuum tourbière-sol-mares le relargage de carbone en mesurant les concentrations de gaz à effet de serre ainsi qu’en déterminant les communautés microbiennes. Le dégel du pergélisol a été caractérisé par relevés drones et la comparaison avec des anciennes images aériennes. La structure du pergélisol a été déterminé grâce à des forages et des prospections géophysiques.
Ce terrain marque également le démarrage de la thèse de César Ciebiera au laboratoire GEOPS consacrée à l’étude du dégel du pergélisol au Canada (co-direction A. Séjourné et M. Pessel).

Mesure sur le terrain : résistivité/conductivité électrique du pergélisol (contenu en glace) et concentration en CO2 et CH4 dans une zone en dégradation. © Antoine Séjourné
Ce nouveau site sera comparé à d’autres déjà étudiés, comme ceux du Yukon, dans l’ouest du Canada. De nouvelles questions émergent : quelles sont les réponses spécifiques de ces tourbières face au dégel du pergélisol ? Quels seront les impacts de ce dégel sur le cycle du carbone et donc sur le climat ? C’est sur ces questions que se penchent les scientifiques du projet.

Sondage dans la tourbière gelée (pergélisol) où la tourbe (sphaigne) et la glace sont mis à jour. © Antoine Séjourné
En bonus aux travaux de recherche, l’équipe franco-québécoise a pu profiter du spectacle des aurores boréales et des ours blancs mais à bonne distance…

Aurores boréales à la station de recherche de Churchill. Ours blancs mâles se reposant après un dîner. © Antoine Séjourné