Pas de progrès sans partage


Depuis ses débuts, l’histoire des sciences du climat s’est vue ponctuée d’avancées techniques ouvrant de nouvelles voies aux chercheurs. Avec l’arrivée de la modélisation, l’amélioration des outils d’observation ou le traitement plus efficace des données, ce sont en réalité les méthodes et les perspectives des scientifiques qui ont évolué.

« Notre capacité à comprendre la composition chimique de l’atmosphère, à quantifier la concentration des gaz et des particules qui s’y trouvent ainsi que leur évolution dans le temps s’est largement améliorée ces dernières décennies », affirme Martial Haeffelin, directeur-adjoint scientifique de l’infrastructure de recherche ACTRIS-FR et de l’observatoire atmosphérique SIRTA (Site Instrumental de Recherche par Télédétection Atmosphérique). Pour mesurer les variables essentielles à l’étude de l’environnement et du climat, deux types de dispositifs complémentaires existent : les outils déployés à la surface de la Terre (océaniques, terrestres ou atmosphériques) et l’observation par satellite.

Au fil des années, le chercheur a constaté la diversification et la spécialisation des techniques d’observation dans tous les domaines des sciences du climat : « La capacité d’interpréter des signaux avec une très grande précision et une haute résolution a beaucoup progressé. Pour l’observation dans l’environnement, les appareils sont plus automatisés, moins encombrants, moins coûteux, ce qui a permis leur développement en nombre, et donc une couverture spatiale plus importante. » Cependant, bien que de meilleures données amènent à une analyse plus fine des mécaniques terrestres, la technique seule ne suffit pas. Pour Martial Haeffelin, l’évolution la plus conséquente de sa carrière scientifique s’est jouée ailleurs que sur l’écran d’un appareil de mesure.

Le partage de connaissances, une avancée scientifique et politique

« L’un des progrès majeurs de ces vingt dernières années, c’est le partage des données et de savoir-faire à l’échelle internationale, » note le chercheur. « Ça a complètement changé le paysage des systèmes de mesure. » L’arrivée d’internet a largement contribué à l’évolution des pratiques chez de nombreux chercheurs, simplifiant les transmissions de données et les échanges entre laboratoires. Cependant, pour le directeur adjoint de l’IPSL, cet outil seul ne peut expliquer la nouvelle effervescence qu’a connue la recherche internationale : « C’est une volonté presque politique, notamment en Europe, qui a poussé les chercheurs à se constituer en réseaux et à développer des structures pérennes pour aller vers plus de valeur ajoutée dans les systèmes de mesure et des données. »

Le contexte de mesure, la méthode employée, le réglage des outils ou les outils eux-mêmes sont autant de variables rendant certains jeux de données incomparables, alors même qu’ils portent sur un même phénomène. Dans le monde de la recherche, ce défi est de taille. L’homogénéisation des pratiques et les échanges qu’elle a engendrés à l’échelle internationale ont largement participé à affiner les analyses, découlant désormais de jeux de données gigantesques, plus rigoureux et fiables. « C’est un moyen de tirer tout le monde vers un meilleur niveau en uniformisant, dans le bon sens du terme, les capacités et les méthodes, » affirme Martial Haeffelin. « C’est ce qui nous permet de progresser ensemble. Un tel partage des connaissances et des données, sans enjeux de compétitivité, est une spécificité précieuse du domaine scientifique. »

Par Marion Barbé pour l’IPSL

 

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