Mission IASI : Orbiter pour mieux veiller


Nombre d’outils permettent aux climatologues de sonder précisément les moindres variations du système climatique. Au Laboratoire Atmosphères et Observations Spatiales (LATMOS), les équipes sont aux premières loges des événements extrêmes grâce aux détections de IASI, instrument qui compte parmi les plus performants à disposition des scientifiques.

Là-haut, à 840 kilomètres d’altitude, trois yeux perçants jettent leurs regards analytiques sur notre atmosphère. Feux de forêts, éruptions volcaniques, pollution : rien ne leur échappe. Cet ensemble d’instruments, constitué de trois exemplaires identiques, est le cœur de la mission IASI (Interféromètre atmosphérique de sondage dans l’infrarouge). L’ambition initiale de ce programme porté par le CNES était d’améliorer les prévisions météorologiques, tout en élargissant son utilisation à celle des chercheurs en chimie de l’atmosphère. Depuis la mise en orbite du premier satellite en 2006, c’est à Sorbonne Université que les données sont reçues, traitées et analysées au LATMOS. C’est aussi dans ce laboratoire que travaille Maya George, ingénieure de recherche : « Nous nous servons des mêmes mesures que les météorologues, mais nous en tirons des informations sur les concentrations de gaz présents dans l’atmosphère » explique-t-elle. Chaque gaz, lorsqu’il est émis en quantité suffisante, joue un rôle de marqueur spécifique à un type de phénomène.

L’équipe IASI du LATMOS se concentre entre autres sur le monoxyde de carbone émis lors de feux de forêts, le dioxyde de soufre lié à l’activité volcanique, l’ammoniac dû aux épandages agricoles et l’ozone, qu’il soit d’origine naturelle ou humaine. Chacun de ces gaz transmet une signature infrarouge particulière en absorbant une partie du rayonnement émis par la Terre. IASI perçoit ces variations et transcrit ces données sous forme de spectre. « Chacun des trois instruments voit l’intégralité de la Terre deux fois par jour. Ça correspond à environ 1,3 million de spectres par jour et par instrument », précise l’ingénieure de recherche. « Les données nous arrivent 2h30 après la mesure : c’est du quasi temps réel. »

Les instantanés du temps long

Cette vision globale permet une surveillance rapprochée de la planète, et ce même dans les lieux les plus inaccessibles : « Beaucoup de volcans sont très surveillés au sol, mais dans des régions reculées ou les zones de guerres, seuls les satellites peuvent fournir des informations rapides sur l’évolution de ces phénomènes. » Pendant l’événement, les scientifiques suivent les émissions de gaz de manière journalière, comme le monoxyde de carbone émis par les feux cet été en Californie : « Tous les jours on traçait des cartes, et on se demandait : “Quand est-ce que ça va s’arrêter ?” » se souvient Maya. Alors que les feux s’éteignent, que les volcans se calment, le travail des chercheurs ne s’arrête pas pour autant : « C’est une fois que l’événement est terminé que nous faisons le choix de nous attarder dessus pour conduire des analyses statistiques. » Aussi, le trajet de certains gaz est suivi dans l’atmosphère, parfois plusieurs mois après, jouant le rôle marqueur de pollution.

Si IASI s’impose comme un outil puissant pour la compréhension des événements extrêmes sur le court terme, seul le temps long permet de prendre la mesure de l’intérêt qu’il représente pour les climatologues. « Pour étudier les tendances, on a besoin d’un minimum de 10 ans de données », ajoute Maya George. « La force de la mission, c’est que ces grandes séries de données ont été mesurées par le même instrument depuis 2007. Grâce à elles, on va pouvoir faire des études sur les tendances climatiques. » Alors que la mission touche à sa fin, le CNES prévoit d’assurer la relève avec un nouvel instrument, IASI-NG, dont le lancement est prévu pour 2023. Deux fois plus précis que IASI, cet outil remarquable saura veiller sur notre atmosphère pour encore de nombreuses années.

 

Par Marion Barbé pour l’IPSL

Pour en savoir plus

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Maya George


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