La première série temporelle de CO2 dans l’océan austral informe sur l’acidification


Depuis plus de cent ans les émissions de CO2 liées aux activités humaines perturbent les environnements atmosphérique (réchauffement) et océanique (réchauffement et acidification), une perturbation qui ne ralentira pas dans les décennies à venir. L’océan austral, au sud de 50°S, est reconnu pour capturer de grandes quantités de CO2 anthropique. Toutefois, dans cette région éloignée, les observations sont encore rares et les estimations déduites des modèles océaniques et de climat restent incertaines. Aussi, les biais des représentations numériques des processus dynamiques ou biologiques peuvent conduire à des simulations douteuses pour le futur et cela quelques soient les scénarios d’émissions anthropiques.

Pour mieux évaluer la qualité des modèles à estimer le puits de CO2 océanique ou l’évolution du pH en surface et en profondeur, il est nécessaire de disposer de données régulières et, si possible, sur au moins une dizaine d’années. Or, dans l’océan austral, il n’y avait jusqu’à présent des observations répétées qu’en surface pour évaluer les flux air-mer de CO2. Grace au service d’observations OISO de l’INSU, il a été possible de constituer depuis 1998 une série temporelle unique sur la colonne d’eau dans l’océan austral, comme celles initiées dans les années 1990 dans les zones subtropicales (stations BATS, ESTOC et HOTS) ou en Méditerranée (station DYFAMED).

Position des stations INDIGO en 1985 et OISO-KERFIX entre 1991 et 2021 au sud des Iles Kerguelen. Les profils de pH estimés sur la colonne d’eau pour la période préindustrielle, en 1985 et en 2021 montrent la diminution de pH expliquée par l’accumulationde CO2 anthropique au cours du temps. Adapté de Metzl et al. (2024).

 

Les résultats obtenus par les scientifiques au sud-ouest des îles Kerguelen montrent, depuis 1985, une accumulation progressive des concentrations de CO2 anthropique dans l’océan sur toute la colonne d’eau. Ce processus contrôle en grande partie l’évolution du flux de CO2 à l’interface air-mer et l’acidification de l’océan observée en profondeur (voir figure ci-dessus). Cela conduit à une remontée progressive des niveaux de saturation des carbonates (aragonite et calcite). De plus, les données historiques ont permis d’analyser l’évolution du CO2 et du pH océanique sur la période 1962-2021 et de projeter leur changements dans le futur suivant différents scenarii d’émission anthropiques. Il apparaît que les eaux de surface pourraient devenir « corrosives » à partir de 2050 ce qui impacterait les écosystèmes marins et la chaîne trophique dans la région des îles Kerguelen, une zone marine protégée.

 

Pour en savoir plus

Les laboratoires CNRS impliqués

  • Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN-IPSL-ECCE TERRA)
  • Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE-IPSL-OVSQ)

Référence
Nicolas Metzl, Claire Lo Monaco, Coraline Leseurre, Céline Ridame, Gilles Reverdin, Thi Tuyet Trang Chau, Frédéric Chevallier, and Marion Gehlen, Anthropogenic CO2, air–sea CO2 fluxes, and acidification in the Southern Ocean: results from a time-series analysis at station OISO-KERFIX (51° S–68° E), EGUsphere, 2024.

Contact
Nicolas Metzl, LOCEAN-IPSL •

Source : CNRS Terre & Univers.

Nicolas Metzl


LOCEAN-IPSL