Face au recul du trait de côte, la société doit avancer


Les régions côtières sont soumises à l’érosion et aux submersions. La hausse du niveau marin vient aujourd’hui amplifier ces phénomènes et menace directement les populations établies près de la côte. Renforcer leur résilience face aux risques croissants est devenu un enjeu prioritaire. Benoît Laignel, professeur en géoscience et environnement expose les actions à mener pour y arriver, avant que ça ne soit trop tard.

Depuis toujours, les humains se sont installés près de la mer : des villes entières ont été bâties les pieds dans l’eau, des secteurs économiques se sont ancrés dans les aspérités de nos traits de côte. Désormais, l’avenir instable de ceux-ci, soulève des points d’interrogation quant à l’adaptation à des échelles très diverses.

« L’érosion est un phénomène naturel, qui entraîne une perte de terrain et un recul du trait de côte », affirme Benoît Laignel1, professeur en géosciences et environnement et vice-président de l’Université de Rouen-Normandie. La hausse du niveau marin, liée à l’augmentation de la température océanique et à la fonte des glaciers, amplifie plusieurs mécanismes à l’origine de cette perte de territoire.

Parmi ceux-ci, les phénomènes de surcote lors des grandes tempêtes, qui s’ajoutent aux vagues et amplifient les inondations et l’érosion : « avec l’élévation du niveau des mers provoquée par le changement climatique, le niveau lié à cet effet de surcote sera encore plus haut. De fait, des tempêtes qui n’auraient pas nécessairement entraînées d’inondations ou d’érosion importante vont devenir plus impactantes », prévient le chercheur. Si pour l’instant, rien n’indique une augmentation future de la fréquence des tempêtes sur les côtes françaises, elles gagnent déjà en intensité dans une tendance qui semble s’amplifier.

Ainsi, dans un contexte où le niveau marin est plus élevé, l’ensemble des tempêtes, quelle que soit leur intensité, auront un impact majeur en termes d’érosion, d’inondation et, par conséquent, de dommages sur les biens et les personnes touchées.

 

Des populations plus résilientes

 

L’érosion n’est pas le seul processus qui menace les régions côtières. « Toute une série de phénomènes naturels interagissent entre eux de manière complexe. L’humain peut aussi, par ses aménagements, accélérer l’érosion à certains endroits », précise Benoît Laignel. Il est possible de contenir partiellement les risques d’inondations en laissant l’eau pénétrer dans certaines portions du territoire, vers ce qu’on appelle des zones tampon. Adapter l’urbanisme aux aléas représente également une priorité pour l’avenir.

« En revanche, alerte Benoit Laignel, pour ce qui est du trait de côte, il reculera immanquablement, à des vitesses pouvant varier localement ».

Face à ce constat, le scientifique liste les solutions suivantes, qui s’offrent à la société : « La première serait de laisser faire la mer, mais ce n’est pas ce que préconisent les scientifiques. La deuxième est de protéger les populations du risque par des aménagements. Ce qui n’est pas une option envisageable à large échelle, car il n’est pas possible de construire les infrastructures adaptées partout ».

De plus, la présence de digues peut donner un faux sentiment de protection face aux risques à la population, alors que paradoxalement, elles augmentent sa vulnérabilité. Pour le professeur, cette option ne fait que repousser le problème.

« La troisième solution, qui finira ultimement par arriver, consiste à relocaliser les activités côtières et, plus généralement, à recomposer le territoire », préconise-t-il. Alors que pendant des années, l’objectif était de tendre vers une protection totale des populations, les acteurs territoriaux doivent désormais bâtir ensemble une culture du risque en les préparant aux évolutions climatiques futures mais aussi aux changements concernant la manière d’occuper le sol.

« Nous savons aujourd’hui que le risque zéro n’existe pas, insiste Benoît Laignel. Il faut donc travailler avec les sociologues et les psychologues pour comprendre la perception des populations sur le changement climatique et les risques liées au recul du trait de côte. C’est ce qui nous permettra de les anticiper au mieux et de s’y adapter », conclut-il.

 

1 Benoît Laignel est également co-président du Giec normand, président du Giec de la métropole de Rouen et délégué français au Giec international.

Pour aller plus loin

 

Rédigé par Marion Barbé.

Benoît Laignel


Laboratoire M2C et PI - Volet littoraux-estuaires de SWOT, Université de Rouen