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Soutenance de thèse

Mathilde Ropiquet

LISA

Les croûtes noires des monuments, des archives de la pollution atmosphérique ancienne

Date 03/07/2024 14:00
Diplôme Université Paris-Est Créteil
Lieu Auditorium MSE, UPEC, Créteil

Résumé

Les croûtes noires sont une altération principalement observée dans les zones abritées de la pluie des monuments en calcaires et en marbre. Elles sont majoritairement composées de gypse (CaSO4.2H2O) et se forment par réaction de la calcite (CaCO3) contenue dans la pierre avec le dioxygène de soufre (SO2) de l’atmosphère. La coloration noire est apportée par les polluants atmosphériques particulaires piégés dans la couche de gypse formée.

Les concentrations en SO2 ayant fortement diminué pendant les dernières décennies, les croûtes noires sont considérées comme des altérations du passé. Cependant, leur étude a un intérêt majeur. Non seulement, la compréhension des mécanismes de formation est primordiale pour aider les conservateurs et restaurateurs à trouver des solutions adéquates afin de préserver le patrimoine bâti, mais également, en emprisonnant la pollution atmosphérique particulaire, les croûtes noires agissent comme des préleveurs passifs. Ainsi, elles peuvent être utilisées pour documenter la pollution atmosphérique ancienne et notre histoire industrielle.

Afin de valider la candidature des croûtes noires en tant qu’archives de la pollution atmosphérique ancienne, des échantillons ont été prélevés sur les tombes anciennes (~1820-1850) du cimetière du Père Lachaise. Elles ont ensuite fait l’objet de multiples analyses (DRX, Raman, ATG-DSC, Rock-Eval, ICP-AES, MC-ICP-MS) afin d’étudier leur composition et la variabilité du signal pollution enregistré par ce type d’altération.

Une fois la carte d’identité des croûtes noires du cimetière du Père Lachaise établie, un protocole spécifique a été appliqué afin d’analyser différentes strates : par microscopique électronique à balayage couplée à la spectrométrie à dispersion d’énergie (MEB-EDS) et, après minéralisation, par ICP-AES et ICP-MS. Les résultats montrent une évolution du contenu particulaire au sein des croûtes noires laminaires, avec différentes contributions des cendres volantes issues de la combustion du charbon et de la combustion du pétrole qui correspond en tout point à l’évolution des usages des combustibles fossiles. L’analyse des concentrations en éléments traces métalliques confirme ces résultats. Cette étude démontre donc que les croûtes noires laminaires préservent une stratigraphie interne, hypothèse cruciale pour reconstruire et étudier la pollution atmosphérique ancienne.

Par ailleurs, pour mieux comprendre les mécanismes de formation des croûtes noires et expliquer la préservation de cette stratigraphie, des expériences en chambre atmosphérique ont permis de simuler les conditions dans lesquelles se forment les croûtes noires. Dans un premier temps, des coupons de calcaire sain de Saint-Maximin ont été altérés pendant 6 mois puis analysés par microscopie numérique et spectrométrie de fluorescence des rayons X (SFX) pour évaluer le rôle des gaz (SO2, O3) et des particules (suies, sel NaCl) sur la vitesse de croissance des croûtes noires. Dans un second temps, des croûtes noires anciennes ont été remises en altération dans les mêmes conditions en injectant du SO2 marqué en 34S puis analysés par nanoSIMS afin de localiser les sites de formation du gypse. Des zones marquées au 34S ont été retrouvées au niveau de l’interface croûte noire-atmosphère, démontrant ainsi une croissance vers l’extérieur de la croûte noire concomitante du dépôt. Ces résultats permettent donc de démontrer que la formation des croûtes noires résulte de la dissolution de la calcite, de la migration du calcium vers la surface et de sa réaction avec le SO2 dissous.

 


Black crusts are a weathering pattern mainly observed in sheltered area from the rain on limestone and marble monuments. The formed gypsum (CaSO4.2H2O) layer is the result of the reaction between the calcite (CaCO3) of the stone and the sulphur dioxide (SO2) from the atmosphere. The black coloration is explained by airborne particulate matter trapped inside the gypsum crust.

Although black crusts are considered as a weathering form from the past, as SO2 has decreased during the last decades, their study is still relevant. Firstly, to have a good understanding of the formation mechanisms of black crusts can help curators to find adequate solutions to preserve the build heritage. Secondly, black crusts act like passive sampler of air pollution. Therefore, they can be used to document air pollution in the past and our industrial history or in areas where no data are available.

To validate black crusts nomination as air pollution archives, samples of black crusts were collected at the Père Lachaise cemetery on ancient tombs (~1820-1850). They were then analysed using multiples techniques (XRD, Raman, TGA-DSC, Rock-Eval, ICP-AES, MC-ICP-MS) to study their composition and the pollution signal variability registered in such weathering pattern.

Once the id-card of Père Lachaise cemetery black crusts was done, a specific protocol was adapted to separate strata for each other. Each of them was characterized using SEM-EDS and after digestion by ICP-AES and ICP-MS. The results show a different particulate content as a function of the depth, with different contributions of fly-ash typical of coal and oil combustion. This is confirmed by the chemical analyses as the trace metal concentrations are in agreement with those first results. This study demonstrates that laminar black crusts have an internal stratigraphy, this hypothesis is crucial to reconstruct past air pollution.
To better understand black crusts formation mechanisms and explain the observed stratigraphy, atmospheric chamber experiments were performed to simulate the conditions in which the black crusts were formed. Pristine Saint-Maximin limestone samples were weathered for 6 months and then analysed by numerical microscopy et by X rays fluorescence (XRF) to evaluate the role of gas (SO2, O3) and of particulate matter (soots, salts NaCl) on the black crust growth rate. Ancient black crusts were again weathered, in the same conditions as the pristine Saint-Maximin, by injecting 34S marked SO2 and analysed by nanoSIMS in order to localise the site of new gypsum formation. 34S marked areas were found at the black crust-atmosphere interface, showing then a growth directed toward the exterior of the black crust, coexisting with the atmospheric deposit. Those results show that black crust formation is the result of the dissolution of calcite and the migration of calcium toward the surface and of its reaction with dissolved SO2.

Informations supplémentaires

Lieu
Auditorium MSE, UPEC, Créteil

Visio
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Composition du jury

  • Edwige PONS-BRANCHU, Professeur des universités, UVSQ (Rapportrice)
  • Wolfram KLOPPMANN, Directeur de recherche, BRGM (Rapporteur)
  • Erwan MARTIN, Maître de conférences, Sorbonne Université (Examinateur)
  • Yannick MELINGE, Professeur des universités, Université de Cergy-Pontoise (Examinateur)
  • Matthias BEEKMANN, Directeur de recherche, CNRS (Examinateur)
  • Anne CHABAS, Professeur des universités, UPEC (Directrice de thèse)
  • Aurélie VERNEY-CARRON, Maître de conférences, UPEC (Directrice de thèse)