Stefan Aykut (Université de Hambourg) et Amy Dahan (CNRS)
Boomerang géopolitique : peut-on relever encore le défi géopolitique global ?

Dans notre ouvrage Gouverner le Climat ? 20 ans de négociations climatiques (2015), nous avions fait le constat d’un cadrage trop étroit des politiques climatiques et mis en évidence le schisme séparant la gouvernance climatique de celle d’autres enjeux (énergies fossiles, commerce et échanges, dérégulations économiques, etc.), qui rendait inopérantes ces politiques.

Aujourd’hui, on est moins que jamais dans l’optique d’une transition ordonnée graduelle vers un monde vert. L’agression de Poutine contre l’Ukraine a fait brutalement voler en éclats ces illusions, et son effet boomerang met à nu les contours de dynamiques désordonnées et inégales, opérées par des forces contradictoires, dans un paysage très conflictuel. Elle nous oblige à reconsidérer toute cette construction.

Nous tenterons de caractériser le moment présent, tant à l’échelle globale qu’à l’échelle européenne : qu’est-ce qui est précisément en crise aujourd’hui, changeons-nous de mondialisation, comment imaginer pouvoir encore relever le défi climatique ? Autant de questions, encore en chantier, dont nous souhaitons débattre dans cette séance du séminaire.

Thomas Melonio (Directeur Exécutif, AFD)
L’âge des conséquences climatiques, vers de nouvelles divisions

L’aide publique au développement fut longtemps la principale politique publique globale structurant les rapports entre pays développés et pays en développement.

La distinction entre pays à hauts revenus et pays à faibles revenus était particulièrement marquée dans les années 1960 et 1970, ce qui donnait une forte légitimité aux transferts financiers des premiers vers les seconds, dans une logique de solidarité, mais aussi d’influence.

L’émergence d’une très importante classe moyenne mondiale, en Chine et en Inde mais pas seulement, conduit à une contestation grandissante de cette forme de description du Monde et des politiques publiques qui y sont associées.

L’accélération désormais très visible du dérèglement climatique crée aussi de nouvelles tensions entre Etats et alimente des revendications grandissantes lors des conférences internationales telles que les COP, l’axe de tension n’étant plus nécessairement « Nord-Sud ».

Le changement climatique provoque ainsi une accélération des recompositions en cours de la gouvernance globale, lorsqu’elle existe, et rebat les catégories de pays utilisées pour structurer le financement du développement. La carte des pays émetteurs de carbone et des pays vulnérables crée une nouvelle géopolitique, porteuse de conflits et d’alliances nouvelles, dans un équilibre encore instable.

Cette séance se tiendra au Campus des Cordeliers (15, rue de l’École de Médecine, 75006 Paris), Amphi Farabeuf, de 14h à 17h.