Séminaire
Quels obstacles à l'action contre le changement climatique ?
Léo Cohen et Maxime Combes
Nouvelle séance du séminaire « Changement Climatique : Sciences, Sociétés, Politique » co-organisé par le Centre Alexandre-Koyré (EHESS-CNRS) et l’ENS (CERES).
Description
Léo Cohen (consultant, ex-conseiller de deux ministres de l’écologie, auteur de « 800 jours au ministère de l’impossible » (Ed. Les Petits Matins))
Transition écologique : face aux blocages structurels, l’urgence d’une nouvelle grammaire de l’action publique
En France, la conduite des politiques écologiques se heurte à des blocages systématiques. Si le manque de volonté des dirigeants politiques est généralement pointé du doigt pour expliquer cette impasse, une partie du problème reste cependant dans l’angle mort de la réflexion.
Notre action publique dans son ensemble n’est pas structurée pour relever le défi du climat. À bien des égards, elle est même contradictoire avec cet enjeu. C’est vrai de notre fonctionnement institutionnel, de notre culture administrative, de nos instruments de politique publique, de nos relations avec les contre-pouvoirs. Si nous voulons relever ce défi, il faut donc « changer les règles du jeu ».
En partant d’exemples concrets, ce propos tentera d’analyser ces blocages structurels, d’esquisser des solutions pour les dépasser et d’ouvrir une réflexion plus large sur la nécessité de bâtir une nouvelle grammaire de l’action publique alignée avec ce défi.
Maxime Combes (économiste, en charge des questions commerce et relocalisation à l’Aitec, auteur notamment de « Sortons de l’âge des fossiles ! » (Ed. Le Seuil)
L’architecture de la mondialisation, un barrage infranchissable, mais intenable, pour l’ambition climatique ?
L’existence d’un pare-feu (presque ?) infranchissable entre les institutions et règles qui organisent la globalisation économique et financière d’un côté et, de l’autre, les instances et accords internationaux sur le climat n’est plus à démontrer (Dahan-Aykut – 2015). Ce schisme de réalité est même constitutif des textes qui fondent les négociations climatiques internationales et la très grande majorité des politiques climatiques mises en œuvre depuis 30 ans à l’échelle de la planète : « Prenez les mesures que vous voudrez, mais ne touchez pas aux règles qui organisent le commerce international » pourrait être la phrase qui résume une part du cadrage politico-institutionnel des politiques climatiques internationales, régionales, nationales et locales.
De la passation des marchés publics locaux à l’arme de dissuasion massive que constituent les tribunaux d’arbitrage investisseurs-États, en passant par les décisions de l’Organisme des règlements des différends de l’OMC et l’existence du Traité sur la charte de l’énergie, on ne manque pas d’exemples des conflits que génère la nécessaire confrontation du droit du commerce et de l’investissement – installé et sûr de sa force – et un droit climatique – balbutiant et hésitant sans force coercitive majeure.
À travers des exemples emblématiques, le propos s’attachera à montrer combien cette situation est intenable… et comment ce pare-feu se fissure de tous côtés. À l’heure où la France est pour la première fois poursuivie au titre du Traité sur la charte de l’énergie, il s’agira d’essayer de montrer combien l’architecture de la mondialisation forme tant un barrage historique qui se lézarde que le cadre étroit dans lequel les tenants du statu quo cherchent à enfermer l’ambition climatique.
Intenable, et reconnue comme telle désormais, cette situation fait perdre un temps plus que précieux. Rien ne garantit par ailleurs que les dépassements en cours organisent un nouveau régime international où le droit climatique naissant viendrait se substituer aux règles organisant jusqu’ici la mondialisation.
Informations supplémentaires
Cette séance se tiendra à l’ENS, salle Dussane, 45, Rue d’Ulm (Paris 5e) de 14h à 17h.