Sur les traces de l’eau sur Mars


L’IPSL contribue à l’exploration du système solaire par l’expertise de certains de ses laboratoires, en particulier le laboratoire GEOPS, le LISA, le LMD et le LATMOS, impliqué dans le développement du rover envoyé sur Mars par la NASA en juillet 2020.

L’objectif principal de cette mission est de collecter des échantillons du sol martien, pour en savoir davantage sur d’éventuelles formes de vie. Car si Mars est dans le système solaire la planète qui présente le plus de similitudes géologiques avec la Terre, un élément indispensable à l’apparition ou au développement de toute forme de vie semble jusqu’à présent lui manquer pour en faire une planète habitable : l’eau liquide.

Depuis son premier survol en 1965 par la sonde spatiale Mariner 4, la recherche d’eau est au cœur des programmes d’exploration de la planète rouge. Si les conditions actuelles sur Mars ne permettent pas l’existence d’eau liquide, on pense que Mars a peut-être été par le passé en partie recouverte d’un océan. Pourquoi a-t-il disparu ? Peut-on trouver de l’eau sous d’autres formes ? Sous quelles conditions pourrait-on voir apparaître de l’eau liquide sur Mars ? Quatre experts de l’IPSL apportent leur éclairage sur ces questions.

Une planète aride… ou glacée ?

La température sur Mars est d’en moyenne -63 degrés (Celsius), combinée à une pression atmosphérique 100 fois plus faible que sur la Terre. Si bien que si l’on y emmenait une bouteille d’eau, elle se mettrait à bouillir et s’évaporerait instantanément.

Seule de l’eau sous forme de glace et de vapeur a pu jusqu’à présent être observée sur cette planète. « On trouve de la glace en grande quantité au nord, dans une calotte polaire d’environ 3 kilomètres de haut », indique Aymeric Spiga, chercheur au laboratoire de météorologie dynamique (LMD-IPSL) et spécialiste du climat martien, « mais aussi dans les nuages, sous forme de tout petits cristaux de moins d’1 micromètre ».

Ces cristaux se subliment avant d’atteindre la surface, pour rejoindre l’atmosphère à l’état de vapeur et être transportés par les vents. Comme sur Terre, l’eau sur Mars suit un cycle en fonction des saisons. D’après Aymeric Spiga, ces dernières sont même très contrastées. « L’été sud sur Mars, c’est la saison des tempêtes de poussière. Les particules de poussière absorbent les rayons du soleil et font grimper la température. »

Plus étonnant encore, de véritables tempêtes de neige secouent les nuits martiennes dans certaines régions. C’est ce que le chercheur a récemment démontré avec ses collègues du LMD, en s’appuyant sur les observations faites par le robot Phoenix en 2008. « Mais pas de quoi recouvrir la surface d’un blanc manteau », tempère le scientifique, qui précise que s’ils atteignaient la surface, les flocons ne persisteraient que quelques heures au sol avant de s’évaporer au lever du jour.

Chercher l’eau dans un océan de mystères

Pour trouver de l’eau à l’état liquide sur la surface de Mars, il faudrait remonter plusieurs milliards d’années en arrière, comme l’explique Frédéric Schmidt, chercheur au laboratoire Géosciences Paris-Saclay (GEOPS-IPSL). C’est ce que laissent imaginer certaines structures géomorphologiques, dont l’étude est au cœur de son expertise.

« Depuis les années 1970’s, nous avons identifié la présence ancienne de réseaux de vallées dendritiques : des lits de petites rivières, qui se jettent dans des rivières plus grandes. Ces structures sont formées par de la pluie et donc de l’eau liquide », explique le scientifique. « Ces masses d’eau liquide ont dû s’accumuler dans les plaines du Nord pour former un océan dont il ne reste plus de trace ».

Pour Frédéric Schmidt, des nouvelles preuves de présence de cet océan énigmatique ont été découvertes : « Mes collègues de GEOPS ont étudié les morphologies de dépôts laissées par les tsunamis sur Terre, comme celui de 2011 au Japon, et ils les ont comparées avec Mars. Pour nous, il est très probable qu’une météorite soit tombée dans cet océan il y a trois milliards d’années, provoquant un tsunami, confirmant indirectement la présence d’un océan ».

Pour autant, les calottes polaires, qui font office de réservoirs d’eau glacée, ne sont pas suffisantes pour contenir toute l’eau échappée de cet océan potentiel. François Leblanc, chercheur au laboratoire atmosphères, observations spatiales (LATMOS-IPSL), étudie en partie les causes de cette disparition. Comment Mars est-elle devenue la planète déserte et stérile que l’on connaît aujourd’hui ? « Progressivement, on observe l’amenuisement de minéraux liés à la présence d’eau, au profit de minéraux présents dans des environnements acides, comme si l’atmosphère avait petit à petit perdu en densité », explique-t-il.

 « Une des hypothèses est celle de l’échappement atmosphérique, causée par la puissance du vent solaire, notamment il y a 4 milliards d’année ». C’est la conclusion apportée par la sonde MAVEN, mise en orbite autour de Mars en 2014. Le vent solaire aurait érodé l’atmosphère au fur et à mesure du temps. « Mars n’est pas protégée comme la Terre par un champ magnétique et surtout son champ gravitationnel est bien plus faible » éclaircit le scientifique. « Lorsque les particules émises par le soleil arrivent en interaction avec elle, elles arrachent de la matière. »

L’eau liquide, indissociable de la vie

Cet échappement atmosphérique continu est l’une des raisons qui rend impossible toute vie sur Mars. Cela étant, si ses conditions climatiques passées étaient telles qu’on les imagine, il est fort possible qu’on y découvre un jour des traces de vie antérieure. Cette problématique est au cœur du travail de Cyril Szopa, chercheur au laboratoire atmosphères milieux observations spatiales (LATMOS-IPSL). Il s’appuie sur les archives géologiques de Mars dans l’espoir de trouver dans la roche des fossiles de bactéries.

Or depuis 2018, plusieurs lacs d’eau salées en sous-sol ont été découverts, notamment grâce aux données radar de l’orbiteur européen Mars Express lancé en 2003. Seul hic : cette eau semble bien trop riche en sel, donc très peu propice à conserver des bactéries. Autre piste explorée dernièrement : la présence de méthane dans l’atmosphère martienne. « Si ces traces sont avérées, alors il y a de très grande probabilité que ce méthane vienne de sources hydrothermales dans le sous-sol de Mars, qui sont sur Terre des régions reconnues pour abriter des formes de vie. »

Malgré tout, il est peu probable que la planète rouge ait un jour été peuplée d’espèces à taille humaine. « Les formes de vie que nous recherchons sont de l’ordre du microscopique », rappelle-t-il. « La Terre a bénéficié d’un processus biologique de plusieurs milliards d’années pour arriver à la diversité que l’on connaît aujourd’hui. Or la durée de vie de l’océan sur Mars n’a pas excédé un milliard d’année, ce qui est trop peu pour faire apparaître des formes de vie plus grandes que des bactéries. 

Frédéric Schmidt


GEOPS-IPSL