Une synthèse des observations d’alcalinité et de carbone inorganique dissous dans l’océan : la base SNAPO-CO2


Une nouvelle base de données océanique, provenant de campagnes océanographiques françaises conduites entre 1993 et 2022, a été publiée ce mois-ci dans la revue ESSD. Cette base, disponible en ligne sur le site Seanoe (https://www.seanoe.org), rassemble près de 44000 observations d’alcalinité et de carbone inorganique dissous dans l’océan mondial et la Méditerranée. Elle est basée sur les analyses du Service SNAPO-CO2 de l’INSU, hébergé au Laboratoire d’océanographie et du climat: expérimentation et approches numériques (LOCEAN-IPSL/OSU Ecce Terra, SU/CNRS/MNHN/IRD). La base est accompagnée des données du Service d’Observations OISO de l’INSU.

L’océan, par sa capacité à absorber chaque année environ 25 % des émissions anthropiques de CO2 et plus de 90% de la chaleur en excès, joue un rôle crucial pour réguler le changement climatique. Pour réduire les incertitudes sur les prédictions climatiques futures et guider les politiques d’actions et d’adaptations il est important de comprendre l’évolution récente du puits de carbone océanique et les processus qui gouvernent le cycle du CO2 océanique.

Une autre conséquence directe des émissions de CO2 dues aux activités humaines et de son absorption par les océans conduit au phénomène d’acidification (diminution du pH), dont les impacts sur les écosystèmes marins restent à évaluer. L’acidification des océans est maintenant reconnue comme un des 7 index informant sur l’évolution du climat et environnement planétaire (« global climate indicators »), une thématique coordonnée par la Commission Océanographique Intergouvernementale (IOC) de l’UNESCO dans le cadre de l’Agenda Ocean-2030 des Nations-Unies. Pour comprendre, quantifier et simuler le puits de carbone océanique et les changements chimiques associés, il est recommandé de disposer d’observations de CO2 océanique précises et, si possible, dans tous les secteurs océaniques et à différentes saisons, car le cycle du carbone océanique est très variable dans le temps et l’espace, et suivant que l’on se trouve dans les zones au large ou les zones côtières.

Dans ce contexte, pour compléter les bases internationales SOCAT (www.socat.info dédiée aux données de la fugacité de CO2 de surface) et GLODAP (www.glodap.info, dédiée aux données géochimiques dans la colonne d’eau), une nouvelle synthèse des données océaniques d’alcalinité (AT) et de carbone inorganique dissous (CT) a été composée. Cette base intègre près de 44000 observations provenant de campagnes et séries temporelles conduites par des équipes françaises entre 1993 et 2022 dans diverses régions océaniques, zones côtières et en Méditerranée.

 

Figure 1. Distribution des concentrations de carbone inorganique dissous (en µmol.kg-1) dans les eaux de surface de l’océan global composée à partir de la base de données SNAPO-CO2-v1. D. R.

 

Les échantillons d’eau de mer ont été analysés au service national d’analyses SNAPO-CO2 (INSU/OSU Ecce Terra). Cette base unique offre des informations cruciales pour étudier les distributions des concentrations de AT et CT dans l’océan global (figure 1), leur évolution temporelle dans diverses régions (figure 2), valider les modèles couplés climat/carbone (CMIP6) ainsi que les données des capteurs sur mouillages (capteur de CO2 CARIOCA) ou celles des flotteurs autonomes BGC-ARGO équipés de capteurs pH. Les données de la base servent aussi à quantifier les flux air-mer de CO2, le CO2 anthropique dans l’océan, ou évaluer le pH de l’eau de mer. Ainsi, la base SNAPO-CO2 complète la base internationale GOA-ON (Global Ocean Acidification Observing Network, www.goa-on.org/) dédiée à l’étude de l’acidification des océans. La base sera actualisée régulièrement en intégrant les données qualifiées de récentes et nouvelles campagnes ou séries temporelles françaises (e. g. AMAZOMIX, APERO, COCORICO2, MOOSE, OISO, PIRATA, SOMLIT, TARA, etc.).

 

Figure 2. Exemple de l’évolution temporelle des concentrations de carbone inorganique dissous (CT en µmol.kg-1) dans les eaux profondes en Mer Ligure. L’augmentation annuelle de +1.20 (±0.12) µmol.kg-1.yr-1 témoigne de l’accumulation de CO2 anthropique. Les données, ici moyennées autour de 1000 m, proviennent d’une synthèse des campagnes ANTARES, CASCADE, DEWEX, DYFAMED, MOOSE-GE et PEACETIME entre 1998 et 2019. D. R.

 

 

Pour en savoir plus

La version 1 de la base SNAPO-CO2 est en accès libre sur le site SeaNoe :
https://doi.org/10.17882/95414

 

Référence

Metzl, N., Fin, J., Lo Monaco, C., Mignon, C., Alliouane, S., Antoine, D., Bourdin, G., Boutin, J., Bozec, Y., Conan, P., Coppola, L., Diaz, F., Douville, E., Durrieu de Madron, X., Gattuso, J.-P., Gazeau, F., Golbol, M., Lansard, B., Lefèvre, D., Lefèvre, N., Lombard, F., Louanchi, F., Merlivat, L., Olivier, L., Petrenko, A., Petton, S., Pujo-Pay, M., Rabouille, C., Reverdin, G., Ridame, C., Tribollet, A., Vellucci, V., Wagener, T., and Wimart-Rousseau, C.: A synthesis of ocean total alkalinity and dissolved inorganic carbon measurements from 1993 to 2022: the SNAPO-CO2-v1 dataset, Earth Syst. Sci. Data, 16, 89–120, https://doi.org/10.5194/essd-16-89-2024, 2024.

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Nicolas Metzl, LOCEAN-IPSL •

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