Paris 2024 : protéger les athlètes de la chaleur


[PODCAST] Le climat, une question de…sport

Coup de chaud, pollution à l’ozone… La hausse des températures expose les athlètes à de nombreux risques. Alors que les températures pourraient bien avoisiner les 40 degrés lors des Jeux olympiques à Paris cet été, certaines techniques d’acclimatation permettent d’augmenter leur résistance aux fortes chaleurs. Les conséquences de la pollution de l’air sur leur santé et leurs performances sont en revanche mal connues.

Jouer sous 40 degrés ? On doit s’y préparer !

Responsable du département d’accompagnement à la performance de la Fédération française de Rugby, Julien Piscione sait que les athlètes seront confrontés à un adversaire redoutable, l’été prochain : la canicule. Pendant les Jeux olympiques, il est possible que Paris suffoque sous des températures pires que celles de l’été 2023.

À Marcoussis, dans l’Essonne, le centre national de Rugby dispose d’une chambre environnementale où les sportifs peuvent s’entraîner, faire de la musculation ou s’exercer avec un rameur en simulant des conditions météo particulières : chaleur, humidité…

L’objectif ? Favoriser l’acclimatation des athlètes, une pratique qui s’est développée avec la mondialisation du sport et la prise de conscience du réchauffement climatique causé par les activités humaines. À l’origine, la fédération de Rugby s’y est intéressée pour améliorer la performance des équipes, notamment, lorsqu’elles jouent dans des pays où il fait plus chaud qu’en France. Et puis on s’est rendu compte que cela allait devenir indispensable dans le futur pour protéger la santé de nos athlètes, y compris à domicile, raconte Julien Piscione.

Une acclimatation indispensable

Après avoir fait l’objet de nombreuses études scientifiques, l’acclimatation compte parmi les principales recommandations pour les sportifs du groupe de travail sur la chaleur du Comité international olympique (CIO)1, créé en 2018. En France, les fédérations qui ne sont pas équipées peuvent se tourner vers l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep), qui met à disposition sa chambre environnementale et son expertise avant les épreuves.

L’acclimatation vise d’un côté, à améliorer les performances et surtout de l’autre à éviter le coup de chaud qui contraint certains athlètes à déclarer forfait à deux doigts d’une possible victoire. Parmi les derniers exemples marquants : l’évacuation sur un fauteuil roulant de la joueuse de tennis espagnole Paula Badosa lors des Jeux olympiques de Tokyo, en 2021, ou l’abandon du Français Diniz, alors champion du monde en titre, aux mondiaux d’athlétisme à Doha en 2019.

Éviter le coup de chaud

Sur le plan médical, le coup de chaud est défini comme une hyperthermie, soit une hausse anormale de la température corporelle, lors d’un exercice physique : en général, elle dépasse les 40,5 °C. Ses symptômes se manifestent progressivement : rougeur, nausées, vomissements, atteinte du système central (cérébral), malaise, syncope… Et les risques sont très sérieux : s’il n’est pas pris en charge en moins de 30 minutes, un coup de chaud peut être mortel.

Les experts du CIO ont publié des recommandations dans le British Journal of Sports Medicine (BJSM) afin d’améliorer sa prise en charge. Ils préconisent notamment de mettre en place des dispositifs particuliers à proximité des tentes médicales pour rafraîchir les athlètes dans un bain glacé, jusqu’à ce que leur température redescende en dessous de 39 °C, avant de les évacuer à l’hôpital, si nécessaire.

Pour des conditions de préparation optimales, Franck Brocherie, chercheur à l’Insep, suggère de « s’entraîner tous les jours pendant deux semaines à des températures et des taux d’humidité proches de ceux de la compétition à venir, sans faire d’efforts trop importants ». Dans l’idéal, ces séances doivent durer une heure à une heure et demie. Dans les faits, « on s’adapte aussi en fonction de l’emploi du temps des sportifs », reconnaît-il Franck Brocherie.

En cas de fortes chaleurs, les organisateurs des JO ont déjà prévenu qu’ils pourraient décider de reprogrammer certaines compétitions en extérieur, au cas par cas. Mais pourquoi ne définissent-ils pas des températures et des taux d’humidité limites à ne pas dépasser ? Outre les enjeux économiques (le moindre imprévu coûte très cher), tous les corps ne réagissent pas de la même manière à la chaleur.

Le risque zéro n’existe pas »

« Les réactions à la chaleur et à l’humidité sont extrêmement variables en fonction de l’âge, du sexe, du climat auquel on a l’habitude d’être exposé, de la condition physique et de l’effort réalisé », fait valoir Sébastien Racinais, responsable de la cellule stress environnemental du CREPS de Montpellier et membre du groupe du travail du CIO sur la chaleur. Des températures corporelles supérieures à 41 degrés ont déjà été mesurées sans que cela n’affecte la santé ou les performances de certains sportifs. À l’inverse, d’autres font des malaises alors que leur température est moins élevée. Et ce, malgré une période d’acclimatation.

En 2019, lors des Mondiaux d’athlétisme à Doha, Sébastien Racinais a mené une étude pour mesurer le lien entre acclimatation à la chaleur, performance, hausse de la température corporelle et le nombre de prises en charges médicales lors des compétitions.

Résultat : plus de 30% des athlètes qui ne s’étaient pas acclimatés ont déclaré forfait, ou fait l’objet d’une intervention médicale lors d’une course, contre seulement 19% des athlètes acclimatés. De fait, « les études scientifiques montrent que l’acclimatation améliore la performance, mais sur le plan sanitaire, le risque zéro n’existe pas », admet Sébastien Racinais.

Pollution à l’ozone

Avec la hausse des températures, les athlètes s’exposent à un autre danger : la pollution à l’ozone (O3). Celle-ci se forme en présence d’autres polluants (particules fines, oxydes d’azotes, composés organiques volatils…) sous l’effet du rayonnement solaire, par exemple l’été. Et en plus de participer au réchauffement planétaire, cette pollution est connue pour irriter le système respiratoire et les yeux.

À l’occasion des Jeux olympiques, des aspirateurs à pollution seront installés de façon expérimentale sur la place du village des athlètes, en Seine-Saint-Denis. L’objectif est de leur offrir une bouffée d’air pur bien méritée, puisque ceux-ci logeront tout près de l’A86 et de ses émissions. Mais les sportifs sont aussi exposés pendant leurs performances : « Ils respirent alors davantage de polluants, en raison du volume important d’air inspiré », explique Gilles Forêt, enseignant-chercheur au Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques (Lisa).

Le chercheur s’apprête à lancer une nouvelle campagne avec l’Insep, Pollusport, pour mieux comprendre comment la pollution de l’air affecte les sportifs. « On peut imaginer qu’elles et ils seront davantage exposés à la pollution à l’ozone avec le réchauffement planétaire, mais on ne sait pas encore exactement quelles conséquences cela aura sur leur santé et sur leurs performances », expose Gilles Foret. La campagne devrait démarrer juste après les Jeux Olympiques, à la rentrée 2024.

« Paris 2024, ce sera un nouveau test grandeur nature concernant les méthodes que nous développons pour améliorer la résistance des athlètes au stress thermique », conclut Sébastien Racinais, les yeux déjà rivés vers les prochaines compétitions : les Jeux Olympiques de la Jeunesse à Dakar en 2026, les JO d’été de Los Angeles en 2028…  En ce qui concerne la pollution de l’air, la campagne Pollusport devrait aussi être riche d’enseignements. « Nos recherches concernent les sportifs de haut niveau, mais nous espérons qu’elles permettront d’émettre des recommandations utiles pour toutes celles et ceux qui font du sport en ville », conclut Gilles Forêt.

 

Sources

1 Sébastien Racinais (2022), IOC consensus statement on recommendations and regulations for sport events in the heat, British Journal of Sports Medicine.

Photo de couverture : Steven Lelham, Unsplash.

 

Pour en savoir plus

Écoutez l’épisode du podcast « Le climat, une question de…sport »

Gabrielle Trottmann pour ICOM-IPSL


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