Pampa uruguayenne : une première reconstruction des impacts de l’expansion agricole depuis la seconde guerre mondiale


Une étude portée par le LSCE avec ses partenaires a permis de reconstruire l’impact de ces changements sur la dégradation des sols.

La communauté internationale manque de données pour reconstruire l’impact de l’expansion agricole depuis la seconde guerre mondiale. Ce manque de données est particulièrement criant en Amérique du Sud qui a pourtant connu une croissance très forte de l’agriculture, aux dépens des biomes naturels, pendant cette période. Si la dégradation de l’Amazonie fait souvent la une des médias, d’autres biomes qui constituent des réservoirs extraordinaires de carbone et de biodiversité sont beaucoup moins étudiés. C’est le cas de la Pampa qui recouvre de vastes étendues de prairies naturelles à travers l’extrême-sud du Brésil, le nord-est de l’Argentine et l’Uruguay. Ces prairies, traditionnellement utilisées pour faire de l’élevage extensif, sont peu à peu remplacées par les plantations de pin, d’eucalyptus et de soja.

Ainsi, l’analyse multi-proxies d’une carotte sédimentaire prélevée dans le réservoir du barrage de Rincón del Bonete, en Uruguay, inauguré en 1945 et considéré comme l’un des plus anciens barrages du continent, a permis de reconstituer l’évolution des flux sédimentaires et des transferts de pesticides dans la région. Cette approche met en évidence l’empreinte claire des transformations agricoles et révèle une succession de phases distinctes dont deux étapes marquantes : une période caractérisée par une érosion minimale grâce à l’implémentation du semis direct et à la rotation des pâturages (1991-2007), suivie d’une phase d’accélération de l’érosion sans précédent (2007-2023), liée à la conversion importante des terres et à l’intensification de l’usage des pesticides. Cette dernière dynamique reflète notamment la forte demande internationale en denrées comme le soja et le bois, qui accroît les pressions sur les zones naturelles, leur conversion en terres agricoles et plantations, et accentue ainsi l’érosion des sols.

La détection récente d’une remobilisation de DDT, un insecticide interdit depuis plusieurs décennies en raison de sa toxicité, souligne par ailleurs la persistance dans les sols de polluants hérités d’activités passées qui peuvent être remobilisés en cas de changement d’usage des sols. L’ensemble de ces résultats met en évidence l’empreinte durable de l’agriculture intensive sur les paysages sud-américains et alerte sur les menaces induites par l’intensification actuelle des pratiques agricoles pour les ressources en sol et en eau.

 

Pour en savoir plus

Pour la première fois, une étude portée par le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-CEA/CNRS/UVSQ), en collaboration avec ses partenaires d’Amérique du Sud (Instituto de Ecologia y ciencas ambientales and Laboratorio de Radioquimica, in Montevideo,Uruguay), de France (laboratoire Edytem et le BRGM) et de Suisse (Environmental Geosciences, Basel and Nuclear Chemistry Division, Spiez) a permis de reconstruire l’impact de ces changements sur la dégradation des sols dans le cadre du projet de recherche international (IRP) CNRS CELESTE Lab et du projet ANR franco-suisse AVATAR.

 

Référence
Bardelle, A., Gastineau, R., Guillevic, F., Foucher, A., Chaboche, P. A., Corcho-Alvarado, J. A., … & Evrard, O. (2025). The hidden consequences of agricultural development: Soil degradation and pesticide contamination in the South American Pampa. Science of The Total Environment, 1002, 180584. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2025.180584

Contacts
– Amaury Bardelle, LSCE-IPSL •
Olivier Evrard, LSCE-IPSL •

Liens utiles
– Projet ANR franco-suisse AVATAR
– Projet de recherche international du CNRS (IRP) CELESTE Lab

Source : UVSQ.

Amaury Bardelle et Olivier Evrard


Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement - LSCE-IPSL