Le phytoplancton, capteur de CO2 à l’avenir incertain


L’océan constitue un puits de carbone considérable, porteur d’enjeux majeurs dans l’évolution du climat mondial. En proie au changement climatique, sa chimie, sa physique et les organismes qui le peuplent s’en trouvent gravement impactés, altérant sa capacité à absorber le CO2 d’origine anthropique.

« Depuis le début de l’ère industrielle, les océans captent environ 25 % des émissions de CO2 anthropiques chaque année », énonce Laurent Bopp, directeur de recherche CNRS au Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD-IPSL). Si la capacité d’absorption de ce puits de carbone est considérable, celle-ci pourrait s’amoindrir dans les décennies à venir. Plusieurs phénomènes expliqueraient cette baisse, notamment le réchauffement global qui impacte la solubilité du CO2 dans les eaux de surface. « Si l’on veut projeter la vitesse du changement climatique dans les prochaines années, il faut pouvoir projeter la façon dont l’océan va capturer du carbone », explique le chercheur. Il apparaît alors essentiel de connaître la quantité de carbone captée par l’océan, et comment celle-ci pourrait évoluer dans le futur.

Pour parvenir à une telle estimation, tous les processus physico-chimiques et biologiques influençant la répartition du carbone dans l’océan sont modélisés. Parmi eux, la dynamique des populations de phytoplancton tient un rôle clé : « En surface, parce que le phytoplancton fait de la photosynthèse, il absorbe du CO2 atmosphérique en fabricant de la matière organique constituée de carbone », détaille Laurent Bopp. « A la mort de l’organisme, une partie de cette matière sédimente dans l’océan et chute dans la colonne d’eau. » Ce mécanisme, dit de « pompe biologique », amène le carbone depuis la surface vers l’océan profond, où il reste hors de contact avec l’atmosphère et peut être stocké pendant des centaines d’années.

Des organismes menacés

Si cette pompe influence grandement le cycle du carbone, elle est elle-même impactée par les fluctuations de son milieu. « Avec le changement climatique, on sait que l’océan se stratifie et se stratifiera de plus en plus », rappelle le chercheur. « Or, les éléments nutritifs sont principalement concentrés dans les eaux profondes. S’il y a moins d’échanges entre la surface et le fond, il y a moins d’éléments nutritifs en surface, donc moins de plancton. » De nombreuses perturbations s’ajoutent à ce phénomène : réchauffement et baisse de l’oxygénation des eaux de surface, acidification globale des océans… Ces modifications du milieu marin menacent et altèrent l’efficacité de la pompe biologique, comme le montrent les modélisations effectuées par Laurent Bopp : « Nos résultats montrent que le changement climatique pourrait engendrer une baisse de la production phytoplanctonique au cours des prochaines décennies. »

Au-delà de ses effets sur le climat mondial, cette dynamique risque également d’impacter l’ensemble de la chaîne alimentaire, du fait que le phytoplancton en constitue la base. Pour autant, il reste complexe d’en quantifier les effets, car plusieurs phénomènes semblent la compenser partiellement. Notamment, l’évolution d’un milieu engendre celle des organismes qui le peuplent, sélectionnant les espèces les plus résistantes face à la brutalité des changements : « Une grande partie des recherches se concentre sur une meilleure compréhension de l’écosystème planctonique car il existe plusieurs types d’espèces, qui ont des propriétés différentes. Il faut comprendre comment cet écosystème va évoluer », estime Laurent Bopp.

Par Marion Barbé pour l’IPSL

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