Campagne OBS-Austral • Journal de bord, 25 février 2024


Kerguelen : les courants transportent les nutriments des glaciers au large

Les îles Kerguelen, situées dans l’océan Austral, sont un point chaud du changement climatique. La campagne scientifique MARGOCEAN s’intéresse aux changements de trajectoire des nutriments flottants dans les eaux, à l’aide de données satellite à haute résolution et de bouées dérivantes déployées en mer.

Le plateau de Kerguelen accueille un écosystème unique et abrite des espèces endémiques, mais l’érosion des glaciers change la dynamique de circulation et la distribution de nutriments dans la région.

Un des enjeux du programme MARGO (MAtteR of Glacial Origin and its fate in the ocean a case study at Kerguelen) est de comprendre cette dynamique des apports de matière d’origine glaciaire, et leur impact. L’hypothèse : existe-t-il un courant connectant le Golfe des Baleiniers, situé sur la côte Nord de Kerguelen, à l’océan ouvert et qui apporterait au large les nutriments issus de l’érosion du glacier ?

Les images satellite de chlorophylle, reflétant la distribution de la productivité primaire, suggèrent l’existence d’un tel filament. Cependant, jusqu’à récemment, les données satellite de hauteur de l’eau (altimétrie), permettant de reconstituer les courants marins, n’étaient pas assez fiables dans des zones côtières complexes pour confirmer directement l’existence de cette circulation. Depuis mars 2023, le nouveau satellite SWOT (Surface Water Ocean Topography) a été mis en orbite. Ce satellite est capable d’obtenir des données des courants marins, notamment en zone côtière, à une résolution plus haute.

En combinant ces nouvelles données satellite haute résolution – actuellement en cours de validation – aux observations in situ de trajectoires des courants de surface grâce au déploiement de bouées dérivantes dans le panache de chlorophylle, le programme MARGO promet de mieux comprendre les mouvements des nutriments.

 

Des bouées larguées dans la chlorophylle

Dix bouées dérivantes CARTHE (Consortium for Advanced Research on Transport of Hydrocarbon in the Environment) ont donc été déployées afin de suivre les courants de surface qui modulent la trajectoire du panache de chlorophylle de la côte vers le large.

La stratégie de déploiement a été ajustée à l’aide d’images satellite de chlorophylle (Sentinel 3), mais aussi de données satellite de courants de surface, fournies en temps réel à bord du Marion Dufresne, de manière à cibler le filament supposé. Deux séries de cinq drifters ont permis de cibler d’abord la sortie du Golfe des Baleiniers, puis la fin de trajectoire du panache de chlorophylle.

 

Suivi des trajectoires des dix bouées dérivantes le 20/02/2024 (fournies par PacificGyre) superposées à une image de vitesse du vent (sur Windy le 19/02/2024). D. R.

 

Suivi des trajectoires des dix bouées dérivantes le 20/02/2024 (fournies par PacificGyre) superposées à une image de chlorophylle (données satellites traitées par CLS, importées dans GoogleEarth). D. R.

 

 

Le déploiement des bouées dérivantes s’effectue en plusieurs étapes. La première : assembler les bouées, qui sont livrées en pièces détachées. Elles se composent d’un flotteur en surface, dans lequel est niché une batterie et un traceur GPS, et des panneaux qui seront immergés et qui permettront de suivre les courants en surface. Ensuite, les scientifiques activent les bouées quelques heures avant leur déploiement pour vérifier qu’elles émettent effectivement le signal GPS. Celui-ci est émis toutes les dix minutes et repéré par exemple sur le site de PacificGyre, le fournisseur des bouées.

 

Vérification de l’activation des bouées dérivantes à bord du Marion Dufresne. © Clara Azarian

 

La dernière étape consiste à larguer les bouées aux endroits précédemment identifiés. À l’aide d’un bout à l’arrière du bateau, les bouée sont descendues une à une au-dessus de la surface de l’eau, puis larguées. Le déploiement a eu lieu en deux séries : dans la nuit du 5 au 6 février et dans celle du 10 au 11 février 2024.

 

Déploiement d’une bouée à la surface de l’eau. © Héloïse Caraty.

 

Les trajectoires des bouées dérivantes sont désormais suivies en temps réel à distance. À ce jour, elles ont principalement dérivé vers le nord-est, semblant confirmer l’hypothèse initiale. Toutefois, les effets de marées et du vent peuvent aussi moduler leurs trajectoires. Leur aventure continue donc…

 

Pour en savoir plus

Cette opération a été organisée et conduite avec le support du :

  • CNES ;
  • LOCEAN-IPSL à Paris (Alex Nalivaev, Francesco d’Ovidio, Louise Rousselet et Clara Azarian) ;
  • CNR-ISMAR Lerici, Italie (Maristella Berta) ;
  • LOMIC à Banyuls (Stéphane Blain).

Alex Nalivaev, Clara Azarian, Francesco d'Ovidio, Damien Cardinal, Stéphane Blain, Maristella Berta


LOCEAN-IPSL