Inventaire des principales sources d’émissions pour l’atténuation du changement climatique


Une équipe internationale de chercheurs a publié une nouvelle étude dans One Earth identifiant les principales sources d’émissions de carbone et d’autres polluants climatiques, par région et par secteur, qui sont importantes pour lutter contre le changement climatique. En se concentrant sur des scénarios de faible forçage correspondant à l’agenda de l’accord de Paris, cette évaluation complète est une aide précieuse pour les décideurs pour concentrer leurs efforts de décarbonation de manière efficace.

Les différentes régions du monde et les différents secteurs d’activité émettent en différente quantités des gaz à effet de serre et d’autres polluants affectant le changement climatique. Connaître les détails de ces contributions peut aider les décideurs politiques à savoir où concentrer leurs efforts pour atteindre leurs objectifs concernant les accords de Paris. Ce traité, signé en 2015, a fixé des objectifs visant à limiter le réchauffement de la planète bien en dessous de 2°C et à poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels, afin d’éviter les impacts dangereux du changement climatique. Les différents pays et secteurs (énergie, transports, agriculture) émettent différentes quantités de gaz à effet de serre et d’autres polluants dans l’atmosphère. Chacun de ces gaz interagit de différentes manières avec la chaleur (ou le rayonnement) entrante et sortante et détermine ensemble l’ampleur du réchauffement (ou du refroidissement) et du changement climatique que nous subissons. Il est donc important de comprendre comment ces interactions avec la chaleur, ou « forçages radiatifs », peuvent évoluer dans le temps entre les régions et les secteurs, afin de pouvoir atténuer efficacement le changement climatique.

C’est l’objectif d’une équipe de chercheurs[1] qui a mené une étude sur la manière dont ces contributions provenant de différentes régions du monde, de différents secteurs ou de différents types de forçages climatiques peuvent varier. Et leur étude couvre à la fois les contributions historiques et les scénarios futurs qui ont été élaborés par des groupes de recherche du monde entier, avec deux objectifs de forçage faible de 1,9 W/m-2 (forçage radiatif correspondant à une augmentation de la température de 1,5°C) et de 2,6 W/m-2 (2°C). Ils utilisent une importante ressource informatique pour calculer les contributions des différentes régions, des différents secteurs et des différents forçages climatiques à l’aide d’un modèle climatique. Les auteurs indiquent que leur analyse est plus large que les études précédentes, ajoutant qu’aucune étude n’a encore évalué les contributions des différentes régions, des différents secteurs et des forceurs du climat à plusieurs moments du passé et du futur dans un cadre analytique unique. Leur évaluation exhaustive de l’attribution montre que l’obtention de ces faibles niveaux de forçage dépend fortement des émissions négatives de CO2, liées aux méthodes de capture et de stockage du carbone, dans le cadre des scénarios futurs qu’ils ont évalués. Elle montre également que la plupart des régions en développement et certains secteurs, tels que le logement et le transport, peuvent produire des forçages plus importants en 2100 qu’aujourd’hui, même s’il est prévu qu’ils investissent des efforts substantiels pour se décarboner. Enfin, elle souligne que la Chine, suivie par les États-Unis, a un rôle crucial à jouer pour réussir à réduire la trajectoire actuelle afin d’atteindre ces objectifs.

Contributions régionales

This first figure from the study puts forward three regions accounting for nearly half of the total radiative forcing, both for the historical and future scenarios: the USA, China and the European Union. While the USA (green) and the European Union (violet) shares are projected to decrease in both low forcing scenarios, China’s contribution is projected to increase, as for many developing regions (India, Middle East and North Africa, Sub-Saharan Africa and Other Asia).

Cette première illustration met en avant trois régions qui représentent près de la moitié du forçage radiatif total, tant pour le scénario historique que pour le scénario futur : les États-Unis, la Chine et l’Union européenne. Alors que les parts des États-Unis (en vert) et de l’Union européenne (en violet) devraient diminuer dans les deux scénarios de faible forçage, la contribution de la Chine devrait augmenter, tout comme celle de nombreuses régions en développement (Inde, Moyen-Orient et Afrique du Nord, Afrique subsaharienne et autres régions d’Asie).

Contributions régionales au forçage dans le cadre du scénario historique et de deux scénarios futurs à faible niveau de forçage

Figure 1: Regional forcing contributions under the historical and two future scenarios with low forcing levels

 

Contributions par secteurs

This second figure shows that energy and industry would remain the two main sectors contributing to radiative forcings in both low forcing scenarios. In addition, the negative CO2 emissions (grey) would be essential to keep these low forcing levels in 2100, with technologies of carbon capture and storage or BECCS (Bioenergy with carbon capture and storage). As shown by the figure, the major contribution to radiative forcing is CO2 (red). The researchers mention this is related to the life-expectancies of the gases. The scenarios assume that measures to reduce emissions of air pollutants will continue in the coming decades, but the radiative forcings of methane and tropospheric ozone associated with these measures are relatively short-lived (in decades), leaving little impact in 2100. However, CO2 is a long-lived gas, and even though strong emission reductions are assumed under both scenarios, they will still have a strong footprint on radiative forcing at the end of the century. This highlights the need for putting cutting CO2 emissions as the first priority for long-term climate mitigation. It is interesting to note that the agricultural sector still holds an important share by 2100, reflecting that reducing emissions in this sector (mainly methane and nitrous oxide) would still be a difficult task by the end of the century.

Cette deuxième illustration montre que l’énergie et l’industrie resteraient les deux principaux secteurs contribuant aux forçages radiatifs dans les deux scénarios à faible forçage. En outre, les émissions négatives de CO2 (en gris) seraient essentielles pour maintenir ces faibles niveaux de forçage en 2100, avec des technologies de captage et de stockage du carbone ou BECCS (bioénergie avec captage et stockage du carbone). Comme le montre le graphique, la principale contribution au forçage radiatif est le CO2 (rouge). Les chercheurs expliquent que cela est lié à l’espérance de vie des gaz. Les scénarios supposent que les mesures de réduction des émissions de polluants atmosphériques se poursuivront au cours des prochaines décennies, mais les forçages radiatifs du méthane et de l’ozone troposphérique associés à ces mesures ont une durée de vie relativement courte (en décennies), laissant peu d’impact en 2100. En revanche, le CO2 est un gaz à longue durée de vie et, même si les deux scénarios prévoient de fortes réductions des émissions, celles-ci auront encore une forte incidence sur le forçage radiatif à la fin du siècle. Cela souligne la nécessité de faire de la réduction des émissions de CO2 la priorité pour l’atténuation du climat à long terme. Il est intéressant de noter que le secteur agricole détient toujours une part importante en 2100, ce qui montre que la réduction des émissions dans ce secteur (principalement le méthane et le protoxyde d’azote) serait encore une tâche difficile d’ici la fin du siècle.

Cette étude internationale impliquant le LSCE-IPSL est une évaluation complète montrant la contribution au forçage radiatif par région, secteur et forceur climatique, à la fois pour les scénarios historiques et futurs. Elle constitue un outil précieux pour déterminer comment déployer des efforts efficaces pour s’aligner sur ces scénarios à faible forçage et atteindre les objectifs visant à limiter le réchauffement climatique bien en dessous de 2°C.

 

Figure 2: Contributions au forçage sectoriel dans le cadre du scénario historique et de deux scénarios futurs à faible niveau de forçage

Figure 2 : Contributions au forçage sectoriel dans le cadre du scénario historique et de deux scénarios futurs à faible niveau de forçage.

 

Pour aller plus loin

Lien en accès libre (jusque début Janvier): https://authors.elsevier.com/c/1g6JV9C~ItyM1k
DOI: https://doi.org/10.1016/j.oneear.2022.10.009

[1] Xuanming Su, Kaoru Tachiiri, Katsumasa Tanaka, Michio Watanabe, Michio Kawamiya,

Katsumasa Tanaka


LSCE-IPSL