Île de Mayotte : les ressources en eau et en sol menacées par la pression démographique et la déforestation associée


En à peine 10 ans, les changements d’occupation des sols et l’intensification des pratiques agricoles ont entrainé une dégradation prononcée de la ressource en sol et en eau sur l’île de Mayotte, soumise à une pression démographique et migratoire particulièrement forte. C’est ce que vient de révéler une équipe de chercheurs du LSCE (CEA-CNRS-UVSQ) et du BRGM dans un article publié dans la revue Science Advances.

Depuis la départementalisation de l’île de Mayotte en 2011, ce territoire enregistre une forte croissance démographique qui s’explique en partie par un flux migratoire important venu des îles voisines. La surpopulation qui en résulte conduit à de profonds changements d’usage des sols qui se manifestent par une urbanisation anarchique de l’île, des changements d’occupation des sols dont une accélération de la déforestation et l’abandon des pratiques agricoles traditionnelles (le « jardin mahorais », un type d’agroforesterie) au profit de monocultures intensives de banane et de manioc.

Ces changements induisent des pressions environnementales importantes. Les phénomènes érosifs s’accélèrent, augmentant l’apport de sédiments vers les retenues destinées à l’alimentation en eau potable de l’île et au lagon. Le comblement de ces réservoirs par un apport excessif de sédiments réduit de fait leurs capacités de stockage, dans un contexte de crises de l’eau qui se succèdent depuis 2016. La déforestation et les changements d’usages des sols menacent aussi la biodiversité unique de cette île et y amplifient le risque de catastrophes naturelles (ex. inondations, glissement de terrain).

Dans le cadre de cette étude, des carottes sédimentaires ont été collectées dans la retenue de Dzoumogné, l’un des principaux réservoirs de l’île destiné à l’alimentation en eau potable. Ces archives sédimentaires ont permis de reconstruire l’impact des pressions humaines récentes sur la dégradation des ressources en eau et en sol en couplant une approche originale utilisant des analyses d’ADN environnemental, de traçage sédimentaire et de rétro-observation de l’érosion.

 

Bassin versant de Dzoumogné, septembre 2021. © Olivier Evrard

 

Les principaux résultats de cette étude soulignent l’occurrence de deux périodes d’accélération de l’érosion des sols : la première juste après la départementalisation de l’île de 2011 à 2015, suivie par une seconde augmentation entre 2019 et 2021, due aux pressions migratoires et démographiques soutenues. La diminution des flux érosifs entre ces deux périodes coïncide avec une diminution des précipitations qui ont plongé l’île dans les crises de l’eau de 2016 et 2017.

Les analyses d’ADN environnemental ont permis de mettre en évidence des changements de communautés biologiques avant/pendant et après ces changements d’occupation des sols, qui ont augmenté la connectivité entre des parties du paysage jusque-là peu affectées par l’érosion (ex. forêt, cultures traditionnelles) et le réservoir. Ces mesures soulignent également l’impact de l’intensification des pratiques agricoles et de la diminution de la hauteur d’eau du réservoir après 2016 sur la dégradation de la qualité de l’eau. Des mesures de conservation urgentes sont nécessaires pour éviter l’occurrence de crises socio-environnementales majeures et protéger les ressources de ce territoire pour les générations futures.

 

Pour en savoir plus

Uncontrolled deforestation and population growth threaten a tropical island’s water and land resources in only 10 years, est une étude menée dans le cadre du projet LESELAM (Lutte contre l’Erosion des Sols et l’Envasement du LAgon de Mayotte) financée par l’Europe (Fonds européen agricole pour le développement rural), l’État (Contrat de Convergence), l’Agence Régionale de la Santé de Mayotte et le BRGM.

Référence

Contacts

Anthony Foucher, Olivier Evrard


Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE-IPSL)