Mayotte : scientifiques et citoyens unis pour sauver les coraux


À Mayotte, une équipe de recherche interdisciplinaire coordonnée par Aline Tribollet – directrice de recherche au LOCEAN-IPSL et à l’Institut de Recherche pour le développement (IRD) – conduit depuis 3 ans le projet Future Maore Reefs, financé par France Relance et l’OFB. Objectif : tester des solutions bas-carbone basées sur la nature pour restaurer durablement les récifs coralliens, avec la participation de la population de l’archipel.

Le 15 avril 2024, l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) a annoncé qu’un nouvel événement mondial de blanchissement des coraux est en cours depuis février 2023. Le deuxième épisode en moins de dix ans et le quatrième après ceux de 1998, 2010 et 2016.

 

Vue satellite publiée par la NOAA le 15 avril 2024, montrant les niveaux d'alerte concernant le blanchissement (« bleaching ») des coraux dans le monde, sur la période du 1er janvier 2023 au 10 avril 2024. Source : NOAA

Vue satellite publiée par la NOAA le 15 avril 2024, montrant les niveaux d’alerte concernant le blanchissement (« bleaching ») des coraux dans le monde, sur la période du 1er janvier 2023 au 10 avril 2024. Source : NOAA

 

À Mayotte, en avril 2024, le risque de blanchissement des coraux était au « niveau d’alerte 1 », synonyme d’un risque important de mortalité. Pour tenter de limiter les impacts des activités humaines locales sur les récifs de l’archipel, une équipe de recherche coordonnée par Aline Tribollet et soutenue par le Parc naturel marin de Mayotte conduit le programme Future Maore Reefs, en étroite collaboration avec les universités de Mayotte et de La Réunion.

 

Jusqu’à 90 % des coraux menacés d’ici la fin du siècle

Le blanchissement est la conséquence de diverses sources de stress, la principale étant le réchauffement des océans. En réaction, le corail expulse les microalgues présentes dans ses tissus avec lesquelles il est en symbiose, ce qui lui fait perdre ses couleurs. Cet état transitoire peut entraîner la mort de l’animal si ce stress thermique est intense et prolongé. Les coraux étant les principaux constructeurs de récifs, leur mortalité massive menace directement les écosystèmes côtiers tropicaux.

D’après le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « les vagues de chaleur marines ont presque doublé en fréquence depuis la fin des années 80 ». En conséquence, le rapport spécial du GIEC de 2019 sur l’océan et la cryosphère (SROCC) prévoit que, même si le réchauffement était limité à +1,5 °C par rapport à l’ère pré-industrielle, 70 à 90 % des récifs pourraient dépérir d’ici 2100. Ce taux dépasse 99 % pour un réchauffement de + 2 °C.

Les récifs coralliens sont pourtant des écosystèmes essentiels : ils abritent 25 % de la biodiversité marine et forment des barrières naturelles qui protègent les îles et les côtes tropicales de l’assaut des vagues et des tempêtes. De plus, la survie d’un être humain sur quinze dans le monde repose sur les récifs, particulièrement dans les pays en voie de développement.

À Mayotte, la population dépend des récifs à travers la pêche, activité économique importante de l’archipel, mais aussi parce qu’elle entretient un fort rapport culturel et religieux avec le lagon. Elle est donc directement affectée par les effets du changement climatique qui pèsent sur les coraux dans la région.

 

Une « transition socio-écologique » au service des coraux

Future Maore Reefs est un projet interdisciplinaire : il réunit des chercheurs et chercheuses en écobiologie récifale, biogéochimie marine, paléoclimatologie mais aussi en anthropologie et en sciences de l’éducation. L’un des objectifs est d’identifier de nouvelles méthodes de restauration des récifs coralliens : « en étudiant la dynamique naturelle de récifs plus ou moins soumis aux impacts des pressions anthropiques locales et au changement climatique et en s’inspirant des espèces coralliennes les plus structurantes pour essayer de recréer des écosystèmes aussi fonctionnels, diversifiés et résilients que possible », explique Aline Tribollet.

Une seconde approche vise à comprendre la relation entre la population locale et le lagon, afin qu’elle soit plus impliquée dans sa protection et sa restauration, et à évaluer l’efficacité de nouvelles méthodes de sensibilisation des scolaires à la protection des récifs coralliens – incluant par exemple des ateliers de bouturage de coraux. « Il faut arriver à accompagner la population pour réaliser une transition socio-écologique, afin de limiter a minima les impacts des activités locales, sans quoi les solutions identifiées pour restaurer les récifs dégradés resteront inefficaces », résume la chercheuse.

L’équipe poursuit ses recherches de solutions basées sur la nature pour protéger et restaurer les écosystèmes, à Mayotte, à la Réunion et à Madagascar.

 

Pour en savoir plus

Le site web du projet

La vidéo de présentation du projet et de ses objectifs

Pierre-Alexandre Lhotellier pour ICOM


ICOM-IPSL