Ruissellement urbain : repenser des villes plus perméables ?
Le pourcentage de population mondiale vivant dans les villes ne cesse d’augmenter : de 30% en 1950, le pourcentage a grimpé jusqu’à 55% en moins de 70 ans, et on s’attend à 68% en 2050. Cette concentration de personnes et de l’activité économique rend la ville particulièrement vulnérable à l’intensification des risques liés au dérèglement climatique comme les canicules ou les inondations.
Le risque d’inondation des zones urbanisées est aussi accru par l’imperméabilisation des sols qui génère des ruissellements urbains et augmente les vitesses d’écoulement de l’eau. Les évènements récents en Belgique et en Allemagne à l’été 2021 et la crue de la Seine en juin 2016 nous ont rappelé que ces événements, pourtant à faible probabilité d’occurrence, peuvent se produire même pendant les saisons « chaudes ».
Réduire le ruissellement urbain dépend de l’équilibre entre le flux d’eau issu des précipitations, le flux d’eau qui peut être évacué par les réseaux d’assainissement, et le volume d’eau que l’on peut stocker temporairement. Le principal levier semble aujourd’hui être la capacité de stockage de l’eau en période de précipitation. Le stockage « naturel » dans le sol consiste à favoriser l’infiltration de l’eau en redonnant aux surfaces urbaines une plus grande perméabilité. En ce sens, la végétalisation des espaces urbains en est une des mesures phare : en plus d’avoir un effet atténuateur sur les canicules, elle facilite l’infiltration de l’eau dans le sol et donc le stockage.
Mais beaucoup de connaissances restent encore à acquérir en ingénierie écologique : les impacts constatés à petite échelle le sont-ils à des échelles plus grandes ? Quelle localisation et quelle forme de ces espaces végétalisés (murs, toitures, etc.) ? Quelles espèces utiliser (résistance, efficacité, entretien, etc.) ? Pourra-t-on irriguer ces espaces végétalisés alors que la ressource en eau en milieu urbain est également fortement impactée par le dérèglement climatique ?
En France, les tests de ces mesures se limitent aujourd’hui à des aménagements d’éco-quartiers mais des projets à plus grandes échelles voient aussi le jour, comme la transformation de grandes métropoles chinoises en « villes éponges ». Des politiques d’aménagement du territoire sont nécessaires pour mettre en place ces solutions. Les limites de gestion du ruissellement en zone urbaine peuvent cependant encore être repoussées par certaines avancées scientifiques. Des études montrent que la ville ne fait pas que subir le climat, elle peut aussi le modifier, en impactant la distribution, l’occurrence et la quantité de la pluie.
Tenir compte de ces impacts nécessite de développer des modèles capables de représenter les interactions entre la ville et le climat. La ville, de par sa concentration de population, offre aussi des opportunités de collecte d’informations nouvelles comme l’estimation des précipitations à partir d’ondes de réseaux de communication cellulaire. Les signaux micro-ondes transmis d’une tour de téléphonie mobile à l’autre sont affectés par les conditions atmosphériques, notamment le brouillard, la vapeur d’eau et, surtout, la pluie. En mesurant les changements de qualité des signaux à une tour de réception, il est possible d’estimer la pluviométrie moyenne le long du chemin entre les tours.
Pour en savoir plus
Ludovic Oudin est maître de conférences au laboratoire Milieux environnementaux, transferts et interactions dans les hydrosystèmes et les sols (METIS-IPSL) •
Morgane Lalonde est doctorante au laboratoire Milieux environnementaux, transferts et interactions dans les hydrosystèmes et les sols (METIS)
Source : CNRS-INSU.