Projet HELP – La relation hôte-parasite en eaux troubles
Et si les polluants perturbaient la relation entre les parasites et les poissons, au profit des organismes hôtes ?
C’est l’hypothèse avancée par Aurélie Goutte, écotoxicologue et spécialiste des milieux aquatiques à l’EPHE, dans l’Unité de recherche METIS de l’Institut Pierre-Simon Laplace et Léa Lorrain Soligon, postdoctorante à Sorbonne Université (METIS-IPSL), au Centre de Recherche en Écologie Expérimentale et Prédictive (CEREEP) de Saint-Pierre-lès-Nemours.
Dans les mésocosmes de ce centre expérimental en Île-de-France, les deux chercheuses s’interrogent sur le potentiel d’accumulation de substances polluantes par les acanthocéphales, les parasites intestinaux des chevesnes.
Les eaux de surface épongent toute sorte de polluants : les pesticides répandus dans les champs agricoles, les phtalates utilisés par l’industrie pour rendre les plastiques plus flexibles, les résidus pharmaceutiques… « En rivière, les poissons baignent dans un cocktail de polluants différents », affirme Aurélie Goutte.
L’écotoxicologue, spécialiste de l’évolution et des effets des polluants dans les écosystèmes aquatiques, a lancé, en février 2023, un projet de recherche financé par l’Agence nationale de la Recherche appelé HELP, pour Helpful Parasites in Polluted Environments.
L’expérimentation vise à reproduire un environnement pollué, proche de la réalité des fleuves et des rivières, afin de comprendre comment la relation entre les chevesnes, une espèce de poisson d’eau douce très commune en Europe et leur parasites acantocéphales, change selon la présence de polluants dans les eaux.
Ensemble avec Léa Lorrain Soligon, postdoctorante, l’équipe de recherche HELP se concentre en particulier sur une molécule très commune dans les cours d’eaux : l’imidaclopride, un insecticide désormais interdit, mais qui a eu la vie belle dans les années 90.
Selon les deux chercheuses, dans les milieux pollués les parasites pourraient accumuler davantage de polluants afin de préserver la santé des organismes hôtes, dans la limite de l’équilibre coûts-bénéfices entre les deux organismes. La présence des polluants n’aurait donc pas seulement un impact sur le comportement des poissons, mais également sur leur santé.
Les individus parasités seraient moins contaminés que les individus non-parasités, présenteraient des niveaux de stress oxydant plus faibles et auraient une meilleure condition corporelle. Autant d’éléments qui font basculer la relation de parasitisme vers une relation de mutualisme.