Le télescope James Webb révèle la composition d’un disque protoplanétaire
Une équipe de recherche internationale impliquant des scientifiques du CNRS, de l’Université Paris-Saclay et du CEA soutenus par le CNES vient de révéler la composition chimique d’un disque de matière en rotation autour d’une jeune étoile, où se forment de nouvelles planètes.
Étonnamment, celui-ci est riche en hydrocarbures, deux molécules de cette famille ayant même été détectées pour la première fois dans un disque. Ces résultats publiés le 11 mai 2023 dans la revue Nature Astronomy ont été obtenus grâce à l’instrument MIRI développé par un consortium de laboratoires en Europe et aux États-Unis.
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C’est ici que naissent les planètes, au cœur des disques de poussière et de gaz qui se forment autour d’une jeune étoile après sa naissance. La matière s’y agglomère pour former des « protoplanètes » qui poursuivent leur croissance en amassant les matériaux qu’elles rencontrent dans le disque. Mais les connaissances sur ce processus restent limitées.
Parmi les mystères qui entourent encore les disques protoplanétaires, les scientifiques de 11 pays européens regroupés au sein du consortium MINDS (MIRI mid- Infrared Disk Survey) viennent de lever en partie le voile sur leur composition chimique. Les observations de la très jeune étoile J1605323 et de son disque, menées avec le télescope spatial James Webb, a mis en évidence des hydrocarbures étonnamment abondants. Certains sont même détectés pour la première fois dans un disque.
L’équipe de recherche s’est appuyé pour cela sur le spectromètre MIRI du télescope. En disséquant la lumière infrarouge émise par le gaz dans le disque de J160532, l’instrument a permis de révéler une quantité très importante d’acétylène (C2H2), une molécule d’hydrocarbure simple et très réactive. La découverte de molécules jusqu’alors inconnues dans les disques protoplanétaires a également créé la surprise : deux autres hydrocarbures, le benzène (C6H6) et le diacétylène (C4H2) ont en effet été identifiés.
Ainsi, le disque J160532 semble extrêmement riche en molécules carbonés sous forme de gaz, avec très peu d’eau et de dioxyde de carbone, alors que ces deux molécules contenant de l’oxygène sont régulièrement détectées dans d’autres disques. Les auteurs de cette étude avancent l’hypothèse selon laquelle que le carbone solide dans le disque J160532 serait passé à l’état de gaz en raison de l’activité intense de la jeune étoile. Cela impliquerait que les planètes rocheuses formées à partir des grains de poussière du disque devraient avoir une composition minérale pauvre en carbone, tout comme la Terre Au contraire, les planètes gazeuses devraient être riches en carbone.
Le spectre MIRI de l’étoile J160532. Les raies d’émission du benzène (C6H6), du diacétylène (C4H2) et du dioxyde de carbone (CO2) apparaissent comme des pics étroits dans le spectre. L’acétylène est si abondant qu’il produit deux larges bosses dans le spectre. Cela témoigne de la prédominance des hydrocarbures dans le disque. L’émission d’eau, couramment observée dans d’autres disques, est faible ou absente. © Benoît Tabone/MINDS consortium/NASA/ESA
Le consortium avait choisi de s’intéresser à J160532 en raison de sa faible masse, de l’ordre de cinq à
dix fois plus faible que celle du Soleil. En effet, les observations de ces dernières années ont montré que
les exoplanètes rocheuses sont très abondantes autour de ces étoiles « légères ». Ces exoplanètes se forment en outre souvent dans la zone habitable de leur étoile comme en témoigne le célèbre système
d’exoplanètes Trappist-1.
Ces résultats sont un premier aperçu du potentiel du télescope spatial James Webb pour connaître les
conditions physiques et chimiques qui règnent lors dans la formation des planètes. Les scientifiques
souhaitent désormais étudier toute la diversité des disques protoplanétaires pour comprendre comment
les mêmes processus physiques qui opèrent dans tous les disques conduisent aux différents types de
planètes observées dans l’Univers, y compris celles de notre Système solaire.
Pour en savoir plus
Sous la maîtrise d’œuvre du CEA et la maîtrise d’ouvrage du CNES, plusieurs laboratoires français ont joué un rôle clef pour fournir l’imageur de MIRI : le laboratoire Astrophysique, instrumentation, modélisation (CEA/CNRS/Université Paris Cité), l’Institut d’astrophysique spatiale (CNRS/Université Paris-Saclay), le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris-PSL/CNRS/Sorbonne Université/Université Paris Cité), le Laboratoire d’astrophysique de Marseille (CNRS/Aix Marseille Université).
En France, ces recherches ont impliqué des scientifiques de l’Institut d’astrophysique spatiale (CNRS/Université Paris-Saclay), du laboratoire Astrophysique, instrumentation, modélisation (CNRS/CEA/Université Paris Cité), du Laboratoire d’études du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (Observatoire de Paris–PSL/CNRS/Sorbonne Université/Université de Cergy-Pontoise) et du Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS/ENS-PSL/École polytechnique/Sorbonne Université), ainsi qu’un soutien financier du CNES. 3- J160532 s’est formée il y a environ trois millions d’années, contre plus de quatre milliards pour le Soleil à titre de comparaison.
Référence
A rich hydrocarbon chemistry and high C to O ratio in the inner disk around a very low-mass star.
Tabone et al. Nature Astronomy, le 11 mai 2023. DOI:10.1038/s41550-023-01965-3
https://www.nature.com/articles/s41550-023-01965-3
Contact
Agnès Perrin, LMD-IPSL •
Source : CNRS.