Vague de chaleur de juillet 2019 : comme en juin, l’Institut Pierre-Simon Laplace est mobilisé pour comprendre le lien avec le changement climatique
Après la vague de chaleur extrême de juin 2019, ayant occasionné un nouveau record absolu de température de 46°C dans le sud de la France, près de 2 degrés au-dessus du précédent record, une nouvelle canicule est en cours en cette semaine du 22 au 29 juillet. Des records historiques de température maximale, dépassant 41°C, pourraient être battus jeudi 25 juillet en région parisienne.
Comme en juin, se pose la question du lien de cet événement au changement climatique. Pour l’épisode de juin, il avait été conclu que les températures observées, moyennées au niveau national et sur les 3 jours les plus chauds, avaient eu au moins 5 fois plus de chance de se produire avec l’influence humaine sur le climat que sans. L’événement avait été largement provoqué par une arrivée massive d’air très chaud d’origine saharienne. L’étude est aujourd’hui disponible sur https://www.worldweatherattribution.org/analysis/heatwave/ . L’épisode présent aura probablement des origines légèrement différentes. Les températures sont restées élevées depuis un mois et les précipitations ont été rares, occasionnant une sécheresse intense des sols. La sécheresse amplifie les températures lors des vagues de chaleur, et pourrait jouer un rôle important dans l’épisode actuel.
Les équipes de l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL), en collaboration avec un réseau scientifique international (notamment le centre météorologique néerlandais et Météo-France) mettent en commun leurs modèles, leurs observations et méthodes statistiques pour comprendre l’action du changement climatique sur l’événement de cette semaine. En particulier, le Centre de modélisation du climat de l’IPSL a réalisé 31 simulations du climat de la terre de 1850 à aujourd’hui, qui diffèrent seulement dans leurs conditions initiales. Celles-ci donnent autant d’évolutions possibles du climat sous l’effet des activités humaines depuis 1850. Ces simulations, qui seront évaluées par rapport aux observations de Météo-France, sont en nombre suffisant pour réaliser des calculs statistiques sur des événements rares comme celui de cette semaine.
Un jeu de données décennal et multi-paramètres est également développé par l’IPSL pour mieux comprendre la mise en place et la persistance de ces vagues de chaleur (base de données Re-OBS, http://sirta.ipsl.fr/reobs.html ). L’IPSL effectue en effet une surveillance du climat régional en Ile de France, avec son observatoire multi-instrumenté (SIRTA).
Pendant la vague de chaleur, 150 instruments y sont déployés pour mesurer les différents paramètres atmosphériques permettant de mieux comprendre les processus en jeu dans la mise en place des phénomènes extrêmes. Ci-dessous un exemple de mesures réalisées au SIRTA : (A et B) anomalie de température de l’ordre de 10°C pour les canicules de juin et juillet 2019 par rapport à la moyenne décennale pour ces mêmes mois, (D et E) rayonnement exceptionnellement fort pour juin et juillet 2019 (+200W/m²) par rapport aux moyennes décennales et (C et F) sol extrêmement sec en 2019 à 5 cm de profondeur (2 fois moins d’humidité par rapport à la moyenne), mais aussi à 50 cm de profondeur, avec une différence s’amplifiant depuis avril 2019 (facteur 1.5 en juillet contre un niveau quasi-normal en mars).
Le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire,viale projet « Extremoscope », et les projets européens EUCLEIA (FP7) et EUPHEME (ERA4CS) ont particulièrement soutenu ces développements. Les équipes ont, entre autres, pu estimer que les vagues de chaleur de 2017, 2018 et juin 2019 auraient eu très peu de chance de se produire en l’absence de changement climatique. En outre, les vagues de chaleur deviendraient nettement plus fréquentes dans un climat plus chaud de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle.
Même s’il va falloir attendre quelques jours pour obtenir un résultat précis, il y a fort à parier que cette vague de chaleur prévue est dans la lignée de celles qui ponctuent les étés européens chaque année depuis 2015 et pour lesquelles le lien sans équivoque avec le changement climatique d’origine humaine a été démontré.
Pour en savoir plus :
The IPSL Climate Modelling Centre (IPSL-CMC)
Contacts
Robert Vautard , LSCE-IPSL
Jean-Charles Dupont , SIRTA-IPSL