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Les diatomées à l'épreuve de la variabilité climatique aux hautes latitudes

18-03-2013

Une étude récemment menée par des chercheurs du Laboratoire d'Océanologie et Géosciences (LOG, CNRS / Université de Lille 1 / Université du Littoral Côte d'Opale) en association avec des chercheurs du Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE/IPSL, CNRS / CEA / Université Versailles St-Quentin), du Tyndall Centre for Climate Change Research (Norwich, UK), du Plymouth Marine Laboratory (UK) et de la Sir Alister Hardy Foundation for Ocean Science (SAHFOS) a permis de mettre en évidence la réponse rapide d'un groupe de phytoplancton clef, les diatomées, aux variations climatiques rapides aux hautes latitudes.

Du fait des changements de température, de lumière et de nutritifs disponibles qu’elles engendrent, les variations climatiques modifient la composition, la structure et le fonctionnement des écosystèmes marins. Ces changements impactent à leur tour de nombreux cycles biogéochimiques, à l'échelle locale et à l'échelle des bassins océaniques. L'un des maillons majeurs de ces cycles est le phytoplancton, et tout particulièrement le groupe des diatomées qui influence fortement la capacité des océans à jouer le rôle de puits ou de sources de carbone. Cependant, les fluctuations de composition du phytoplancton dues aux variations climatiques restent très peu connues, notamment à l'échelle des bassins et aux hautes latitudes, en raison du manque de données et de la difficulté à les analyser.

Afin d’étudier la réponse des diatomées aux événements extrêmes de deux modes rapides (pluriannuels) de variabilité climatiques, l’Oscillation Nord Atlantique 1 et le Mode annulaire austral 2 , une équipe de chercheurs franco-anglais a réalisé une analyse comparative des trois jeux de données indépendants suivants :

  • les cartographies de diatomées obtenues à partir des mesures quotidiennes prises par le capteur SeaWiFS (satellite SeaStar, NASA) au cours des 12 dernières années, en utilisant la méthode PHYSAT qui permet d’identifier les principaux groupes de phytoplancton présents dans l’océan lorsqu’ils sont dominants en terme de biomasse ;
  • les observations in situ réalisées depuis 1931 dans le cadre du Continuous plankton recorder (CPR), un programme de mesure en continu des communautés planctoniques dans l’Atlantique Nord (mesures réalisées sur des bateaux de commerce) ;
  • les sorties d’un modèle, issu du couplage du modèle d’océan physique NEMO au module de biogéochimie marine PISCES qui permet de prendre en compte les principaux groupes de phytoplancton.


Ces analyses, qui conduisent à des résultats identiques pour chacun des jeux de données, ont permis aux chercheurs de mettre en évidence une réponse rapide (quelques mois) des diatomées aux événements extrêmes de la NAO et du SAM. Globalement, au niveau de chacun des bassins, le groupe des diatomées devient plus fréquemment dominant lors des extrêmes positifs de ces modes de variabilité. Toutefois, la situation est plus contrastée au niveau régional, surtout aux hautes latitudes australes où, sur de larges zones, le groupe des diatomées devient au contraire moins fréquemment dominant.


Carte des différences (en %) de fréquence de détection des dominances des diatomées (nombre de jours par mois où les diatomées dominent en terme de biomasse) entre les phases extrêmes positives et les phases extrêmes négatives des modes de variabilité climatiques NAO (haut, Atlantique Nord) et SAM (bas, Océan Austral), établie à partir des observations satellitaires (capteur SeaWiFS, NASA/GSFC/DAAC) et de la méthode PHYSAT pour la période 1998 -2010.




Les modélisations réalisées avec PISCES montrent que le fait que le groupe des diatomées devienne plus fréquemment dominant dans certaines régions est lié aux conditions environnementales plus venteuses et turbulentes associées aux extrêmes positifs des modes de variabilité climatique, lesquelles sont propices à des remontés de nutritifs favorables à la croissance des diatomées. D’autres travaux sont nécessaires pour expliquer l’existence de zones où le groupe des diatomées devient au contraire moins fréquemment dominant.

Ces travaux montrent que des changements à grandes échelles des conditions climatiques peuvent engendrer des modifications rapides de la composition phytoplanctonique, dont il convient de tenir compte dans les études visant à étudier la sensibilité de différents cycles biogéochimiques marins aux variations climatiques.


Ce travail a été financé par les projets européens "Eur-Oceans" et "GreenSeas" et le projet PHYTOCOT du programme TOSCA du CNES.

 


Notes : 

  1. L’oscillation Nord Atlantique (NAO pour North Atlantic Oscillation) est le phénomène météorologique associé au balancier de pression existant dans l’Atlantique Nord entre la dépression d'Islande et l’anticyclone des Açores. On parle de phase positive lorsque ces deux centres d'action sont simultanément intensifiés et de phase négative lorsqu'ils sont simultanément affaiblis.
  2. Le mode annulaire austral (SAM pour Southern Annular Mode) est le principal mode de variabilité de l'hémisphère austral dont les phases sont associées à l’expansion/contraction du vortex polaire stratosphérique.


Pour en savoir plus : 

La méthode PHYSAT , License APP n°: IDDN.FR.001.330003.000.S.P.2012.000.30300.

 


Sources : 

Rapid climatic driven shifts of diatoms at high latitudes, Séverine Alvain, Corinne Le Quéré, Laurent Bopp, Marie-Fanny Racault, Grégory Beaugrand, David Dessailly, Eric T. Buitenhuis, Remote Sensing of Environment, 123 (2013) 195-201

 


Contact :

Laurent Bopp , LSCE

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