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Le "paradoxe du Soleil jeune" exploré avec un modèle climatique

07-10-2013

Comment la Terre primitive a-t-elle pu éviter une glaciation globale, incompatible avec le développement de la vie, alors qu’elle recevait 20 à 30 % moins d’énergie qu’aujourd’hui de la part du Soleil ? Afin d’étudier ce « paradoxe du soleil jeune », une énigme majeure des sciences du climat, une équipe du Laboratoire de météorologie dynamique (LMD/IPSL, CNRS / UPMC / ENS / École Polytechnique) vient de réaliser des simulations à l’aide d’un nouveau modèle climatique spécialement adapté aux conditions terrestres extrêmes de cette époque. Elle a montré que la Terre primitive a pu échapper à une glaciation globale et rester propice à l'apparition et au développement de la vie.

L'intensité du rayonnement émis par le Soleil ne cesse d’augmenter depuis sa naissance. Ainsi, durant les deux premiers milliards d'années du système solaire, elle était 20 à 30 % plus faible qu’aujourd’hui. En conséquence, si l’atmosphère terrestre avait eu alors sa composition actuelle, la Terre aurait dû geler complètement en quelques siècles. Cependant, l'étude de roches datant de cette époque indique que la jeune Terre était couverte, au moins en partie, d'eau liquide. Ceci constitue le "paradoxe du Soleil jeune".


Plusieurs hypothèses ont été proposées pour expliquer ce non englacement global de la Terre primitive :

  • une faible couverture nuageuse qui aurait permis à la planète d'absorber plus de rayonnement solaire ;
  • et/ou l’absence de continents émergés qui aurait également permis à la planète d'absorber plus de rayonnement solaire, les océans absorbant plus que les continents ;
  • et/ou une pression atmosphérique plus élevée qu’aujourd’hui due à une plus forte teneur atmosphérique en diazote qui aurait augmenté l'effet des différents gaz à effet de serre, une hypothèse qui vient d’être invalidée ( nouvelle du 22-09-2013 ) ;
  • et/ou une vitesse de rotation de la Terre plus rapide à cette époque qui, en limitant le transport de chaleur par l’atmosphère de l’équateur vers les pôles, aurait permis aux régions équatoriales d’être plus chaudes.

Jusqu'à présent, ces hypothèses n’avaient été testées qu’avec des modèles climatiques simplifiés et unidimensionnels qui estiment la température moyenne de la Terre en n'utilisant que des grandeurs moyennées sur toute la planète et qui ne prennent en compte ni les "rétroactions" fondamentales du climat (produites notamment par les nuages et la glace de mer), ni le transport de chaleur par l'atmosphère et l'océan. Il en est ressorti qu’un puissant effet de serre, généré par de grandes concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane (CH4), semblait indispensable pour expliquer ce paradoxe, mais que les limites imposées à ces concentrations par les analyses chimiques de roches formées à cette époque ne semblaient pas permettre d'éviter la glaciation globale.


Pour tester plus précisément ces hypothèses, des chercheurs du LMD ont utilisé un modèle numérique capable de mieux simuler les climats possibles de la Terre primitive, à savoir le modèle qu’ils avaient précédemment développé pour étudier les atmosphères de planètes variées. Dérivé du modèle LMDZ de l’IPSL utilisé pour étudier le climat actuel, ce modèle permet de faire varier de nombreux paramètres comme la composition atmosphérique, la distribution des continents ou encore la vitesse de rotation de la Terre.


Les chercheurs ont ainsi pu montrer qu'avec des quantités de dioxyde de carbone et de méthane compatibles avec les contraintes géologiques (10 à 100 fois la teneur actuelle du dioxyde de carbone et au plus 1000 fois la teneur actuelle du méthane), la Terre primitive a pu connaître un climat tempéré proche du climat actuel.


À leur grande surprise, ils ont aussi découvert qu'avec de faibles quantités de gaz à effet de serre (seulement deux fois la concentration en CO2 actuelle), la Terre éclairée par le Soleil jeune a pu résister à la glaciation globale avec le maintien d'une bande d'océan non gelé à l'équateur. Dans le modèle utilisé, cette stabilité est due à une diminution de la couverture nuageuse au-dessus des océans tropicaux. Cette résistance face à une glaciation globale atténue fortement le paradoxe du Soleil jeune. Elle pourrait en outre expliquer que la vie ait prospéré durant des milliards d'années malgré de nombreux changements climatiques.


Simulations numériques du climat qu’aurait la Terre actuelle (à gauche), une Terre sans continent et avec 2 fois plus de CO2 atmosphérique qu’aujourd’hui (au milieu) et une Terre sans continent et avec 25 fois plus de CO2 et 1000 fois plus de CH4 qu’aujourd’hui (à droite), si elle était éclairée par le Soleil d'il y a 3 milliards d'années. La couleur blanche indique la présence de nuages, de neige ou de glace.



 

Référence

Exploring the faint young Sun problem and the possible climates of the Archean Earth with a 3D GCM. B. Charnay, F. Forget, R. Wordsworth, J. Leconte, E. Millour, F. Codron, A. Spiga, Journal of Geophysical Research



Contacts

Benjamin Charnay , LMD/IPSL: 01 44 27 49 72

François Forget , LMD/IPSL: 01 44 27 47 63



Source INSU

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