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La première exoplanète potentiellement habitable, à seulement 20 années-lumière de la Terre.

16-05-2011

Le système planétaire de l’étoile naine Gliese 581, l’une des plus proches voisines du Soleil, est l’objet de nombreuses études depuis plusieurs années, notamment pour y détecter la première exoplanète potentiellement habitable. Après deux premières candidates, écartées depuis, le cas de la planète Gliese 581d, ressurgit aujourd’hui. Une équipe du Laboratoire de Météorologie Dynamique (CNRS, UPMC, ENS Paris, Ecole Polytechnique) de l’Institut Pierre-Simon Laplace à Paris vient en effet de mettre en évidence qu’elle pourrait être propice à la vie telle que nous la connaissons sur Terre. Ces résultats sont publiés dans « The Astrophysical Journal Letters ».


Les planètes autour de l’étoile Gliese 581 ont déjà suscité plusieurs controverses scientifiques au sujet de leur habitabilité. Gliese 581 est apparue une première fois dans les médias en 2007 lorsque Stéphane Udry et ses collègues de l’Université de Genève ont annoncé avoir découvert deux planètes rocheuses situées à la limite de la « zone habitable », la zone où la distance entre les planètes en orbite et leur étoile permet des températures clémentes, compatible avec la présence d’eau liquide en surface, et donc potentiellement avec la vie. Alors que la planète la plus éloignée, Gliese 581d, fut rapidement considérée comme trop froide, les astronomes estimèrent que Gliese 581c, plus proche, pourrait être habitable. Cependant, des climatologues démontrèrent peu après que si cette planète possédait des lacs ou des océans d’eau liquide comme la Terre, la vapeur d’eau produite par leur évaporation entrainerait un « emballement » de l’effet de serre analogue à ce qui a pu arriver sur Vénus, où la température dépasse à présent 460°C et où l’eau a presque totalement disparu.

Le système de Gliese 581 fit de nouveau la Une de l’actualité scientifique en septembre 2010, avec l’annonce de la découverte d’une nouvelle planète Gliese 581g – surnommée « Zarmina’s world » - par une équipe d’astronomes menée par Steven Vogt de l’Université de Californie à Santa Cruz. Pendant plusieurs mois, on a cru que cette planète, de la taille de la Terre et située au cœur de la zone habitable, était la première jumelle de la Terre hors du système solaire. Malheureusement, les analyses qui suivirent, conduites indépendamment par d’autres équipes, soulevèrent de sérieux doutes sur cette détection difficile. Il semblerait finalement que Gliese 581g n’existe pas et que sa fausse détection était le produit de bruits et d’interférences dans les mesures.

A la suite de ces controverses, Robin Wordsworth, François Forget et leurs collègues à l’Institut Pierre Simon Laplace (Laboratoire de Météorologie Dynamique) à Paris prirent le parti de mieux étudier la troisième planète Gliese 581d. Il s’agit d’une planète rocheuse, comme la Terre ou Vénus, dont la masse est d’au moins sept fois celle de la Terre et qui serait environ deux fois plus grande. Au premier abord cependant, Gliese 581d semble être une piètre destination pour la recherche de la vie : elle reçoit trois fois moins d’énergie de son étoile que la Terre du Soleil, et il est fort probable que les forces de marées gravitationnelles ont bloqué la rotation de la planète sur elle-même, comme dans le cas de la Lune autour de la Terre. Une face de la planète serait donc en permanence exposée au rayonnement de l'étoile, et l’autre perpétuellement dans l'obscurité. Dans ces conditions, on pouvait craindre que l’atmosphère et l’eau de la planète ne se condensent totalement coté nuit, interdisant l’existence d’un climat propice à l’eau liquide et à la vie.

Pour tester cette hypothèse, R. Wordsworth et ses collègues ont développé un modèle numérique capable de simuler les climats possibles sur les exoplanètes. Cet outil, d’un nouveau genre, est inspiré des modèles utilisés sur Terre pour la météorologie et l’étude du climat, mais il se base sur des principes physiques plus fondamentaux, aussi universels que possible. Ce modèle leur a ainsi permit d’étudier une gamme de conditions beaucoup plus large qu’avec un modèle classique, avec notamment la possibilité d’inclure n’importe quel mélange de gaz, nuages et aérosols dans l’atmosphère de Gliese 581d.

A leur grande surprise, les chercheurs ont découvert que, dans le cas d’une atmosphère dense de dioxide de carbone (un scénario très probable sur une aussi grande planète si on se base sur notre expérience dans le système solaire), Gliese 581d pouvait non seulement éviter la condensation de son atmosphère, mais son climat pouvait aussi facilement être chaud au point de permettre la formation d’océans, de nuages, et de pluie.

Une des clés de ce climat est liée à la « diffusion Rayleigh » de l’atmosphère, le phénomène qui donne au ciel terrestre sa couleur bleue. Autour d’une étoile comme le soleil, la diffusion Rayleigh limite le chauffage des planètes dotées d’une atmosphère épaisse car une fraction importante du rayonnement bleu est réfléchie dans l’espace par l’atmosphère. Dans le cas d’une étoile naine comme Gliese 581, le rayonnement est essentiellement rouge et donc peu sensible à cet effet. Il peut pénétrer profondément dans l’atmosphère et chauffer la planète efficacement grâce à l’effet de serre du gaz carbonique, renforcé sur Gliese 581d par celui des nuages de glace carbonique dont on prédit la formation à haute altitude. Par ailleurs, la modélisation de la circulation atmosphérique montre que le chauffage par l’étoile est efficacement réparti tout autour de la planète par l’atmosphère, ce qui empêche la condensation de l’atmosphère et de la glace d’eau du côté nuit ou aux pôles.

Les chercheurs sont particulièrement enthousiasmés par le fait que Gliese 581d est située à seulement 20 années-lumière de la Terre, ce qui fait d’elle une de nos plus proches voisines hors du système solaire. Pour l’instant, bien sûr, il n’est pas question de rêver d’un voyage interstellaire (la sonde la plus lointaine envoyée par l’homme, Voyager 1, mettrait plus de 300,000 ans pour parcourir la distance). Cependant, cette proximité pourra permettre aux télescopes de demain de détecter directement l’atmosphère de Gliese 581. En effet, s’il est possible que cette planète puisse être habitable, on peut aussi imaginer qu’elle ait pu conserver une épaisse couche d’hydrogène (comme Uranus et Vénus) ou qu’à l’inverse, dans la première partie de son existence, le fort vent solaire de la jeune étoile ait autrefois complètement soufflé son atmosphère. Pour trancher entre ces différents scénarios, R. Wordsworth et ses collègues proposent quelques observations tests que les astronomes pourront réaliser dans un avenir proche à l’aide d’un télescope suffisamment puissant.

Si Gliese 581d se révélait effectivement habitable, ce serait un endroit bien étrange à visiter : son atmosphère dense et son épaisse couche nuageuse plongerait la surface dans une pénombre rougeâtre et la gravité y serait double de celle de la Terre. Le cas de Gliese 581d illustre la grande variété des climats possibles sur les planètes de la galaxie, une diversité encore bien plus grande que ce à quoi nous sommes habitués dans le système solaire. Il nous montre aussi que pour être propice à la vie, une planète ne doit pas nécessairement ressembler à la Terre.


Simulation numérique du climat possible sur Gliese 581d. Les couleurs correspondent à des températures de surface froides (bleue) à chaudes (rouge). Les flèches représentent les vents à 2 km d’altitude.


Cartes de température à la surface modélisée pour Gliese 581d avec une atmosphère de 20 bars de CO2 et pour différentes vitesses de rotation de la planète. Ces différentes simulations permettent d’envisager le cas où Gliese 581d tourne lentement sur elle-même ou celui où les forces de marées gravitationnelles l’ont figé avec un côté jour permanent et l’autre plongé perpétuellement dans la nuit. Dans tous les cas, la température permet la présence d’eau liquide sur la planète.



Source

"Gliese 581d is the first discovered terrestrial-mass exoplanet in the habitable zone”, R. D. Wordsworth, F. Forget, F. Selsis, E. Millour, B. Charnay, J-B. Madeleine. The Astrophysical Journal Letters, 12 mai, 2011.



Plus d’informations sur Gliese 581:

http://www.insu.cnrs.fr/co/ama09/decouverte-de-l-exoplanete-la-moins-massive-seulement-deux-fois-la-masse-de-la-terre

http://www.insu.cnrs.fr/a1618,detection-une-exoplanete-masse-neptune-autour-une-naine-rouge.html



Contacts

François Forget, forget@lmd.jussieu.fr , 01 44 27 47 63

Robin Wordsworth, robin.wordsworth@lmd.jussieu.fr , 01 44 27 53 47

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