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Observer la convection océanique profonde depuis l'espace

19-02-2009

Le suivi permanent et à long terme de l'évolution de la convection océanique profonde, qui est l'un des moteurs de la circulation thermohaline, est un enjeu majeur dans le contexte actuel de changement climatique. Des chercheurs du CNRM/GAME, du LEGOS et du LOCEAN viennent de démontrer qu'il était possible d'observer en continu le processus de convection de la Méditerranée Nord-Occidentale au moyen de l'altimétrie satellitaire et de s'affranchir ainsi de la mise en place de systèmes d'observation in situ extrêmement coûteux. Ce résultat constitue une première étape en vue du suivi depuis l'espace des sites de convection profonde de l'océan global. Ces résultats sont publiés dans la revue Geophysical Research Letters.


Les conditions océaniques et météorologiques particulières (évaporation et/ou refroidissement intenses, formation de glace de mer) régnant dans certaines mers du globe sont responsables de la formation en surface d'une eau de densité très élevée car très salée et/ou très froide. La présence de cette eau dense au-dessus d'une eau plus légère provoque alors un mélange vertical des eaux dans la colonne d'eau qui fait s'écouler les eaux denses jusqu'au fond de l'océan : c'est le processus de convection océanique profonde.

Circulation thermohaline

Circulation thermohaline globale.

Ce processus est très important car il est un des moteurs (avec le chauffage solaire à l'équateur) de la circulation océanique globale ou circulation thermohaline que l'on a coutume de schématiser comme un "tapis roulant" et qui permet le transfert en surface, de l'équateur vers les régions polaires, d'eaux chaudes et légères et le transfert en profondeur, des pôles vers l'équateur, d'eaux froides et denses. Les principaux sites de convection profonde sont les mers du Labrador et du Groenland, la mer de Weddell et la mer Méditerranée.


Très sensible aux conditions météorologiques, la convection océanique profonde présente une forte variabilité temporelle à court terme, mais surtout elle est soumise à l'influence à long terme du changement climatique. À l'inverse, toute modification de la convection océanique aura des répercussions sur la circulation thermohaline et donc sur le climat.


Cirulation en Méditerranée

Circulation thermohaline en Méditerranée. L'eau entre en surface depuis l'Atlantique par le détroit de Gibraltar (flèches vertes), se densifie au cours de son parcours dans le bassin par évaporation (petites flèches jaunes vers le bas) ou refroidissement (petites flèches bleues vers le haut) pour former des eaux plus profondes : l'eau Levantine Intermédiaire (flèches rouges, 500 m de profondeur), l'eau Orientale Méditerranéenne Profonde (flèches bleu clair depuis l'Adriatique) et l'eau Occidentale Méditerranéenne (non représentée) qui s'étale dans le fond du bassin Nord-Occidental. La convection profonde est représentée par les flèches bleues dans le Golfe du Lion.

Connaître l'évolution à long terme de ce processus s'avère donc un enjeu crucial. Seulement voilà : la mise en place de systèmes pérennes d'observation de cette convection au moyen de méthodes in situ requiert un investissement massif.
Alors, comment faire ?


Il faut savoir que ce processus de convection profonde, qui se produit surtout en hiver (février-mars) et toujours en des lieux où la circulation est cyclonique (1), s'accompagne d'une baisse locale du niveau de la mer qui a deux origines :

  • un effet stérique : la densification de l'eau dans la zone de convection provoque une diminution du volume total de la colonne d'eau et donc de sa hauteur ;
  • un effet dynamique : lors de la convection, la circulation océanique cyclonique subit une accélération qui se traduit par un abaissement du niveau de la mer au centre du gyre.

Une équipe de chercheurs issus du CNRM/GAME, du LEGOS et du LOCEAN est donc partie à la recherche d'une méthode permettant de suivre la convection océanique à l'aide des observations satellitaires altimétriques qui fournissent de façon continue et depuis plusieurs années des données de hauteur de la mer.


Zones en Méditerranée occidentale

Les zones de Méditerranée occidentale.

La zone test choisie par ces chercheurs pour mener à bien leur étude est la Méditerranée Nord-Occidentale où une convection océanique profonde se produit pendant les épisodes hivernaux de forts coups de vent du Nord (Mistral, Tramontane).

Une simulation pluriannuelle de la circulation océanique en Méditerranée, réalisée au moyen du modèle océanique OPA, a tout d'abord permis de mettre en évidence l'existence d'une relation linéaire entre l'amplitude de l'abaissement hivernal moyen de la surface océanique et les caractéristiques annuelles de la convection profonde : profondeur maximale atteinte, volume total et densité de l'eau dense formée chaque hiver.

Les données de niveau de la mer des satellites Topex/Poséidon et Jason-1 ont ensuite été soumises à un traitement original permettant d'améliorer la qualité du produit altimétrique final, notamment pour les zones côtières.

La relation a alors été appliquée à ces données ce qui a permis de construire une méthode de suivi interannuel de la convection profonde en Méditerranée Nord-Occidentale et in fine d'évaluer la variabilité interannuelle de cette convection entre 1994 et 2008, laquelle s'est révélée en accord avec les observations disponibles.


Ce travail est un premier pas vers le suivi depuis l'espace de la convection océanique profonde. La prochaine étape consistera à adapter cette méthode à d'autres sites clefs de convection profonde.


Abaissement

Évolution de l'abaissement moyen hivernal du niveau de l'océan dans la zone de convection, modélisé (en rouge) et observé (en noir).


Caractéristiques

Caractéristiques hivernales de la convection profonde en Méditerranée Nord-Occidentale obtenues à partir des mesures satellitaires altimétriques : profondeur maximale atteinte par l'eau dense (en haut), taux de formation d'eau dense (au milieu) et densité de l'eau dense formée (en bas).


Note :

  1. Une circulation est dite cyclonique quand il y a formation d'un gyre dont les eaux tournent dans le sens contraire des aiguilles d'une montre.


Source :

Herrmann, M., J. Bouffard, and K. Béranger (2009), Monitoring open-ocean deep convection from space, Geophys. Res. Lett., 36, L03606, doi:10.1029/2008GL036422, in press



Contact :

Karine Béranger (LOCEAN/IPSL), karine.beranger @ locean-ipsl.upmc.fr

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