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Bulletin pollution de l'air en région parisienne du groupe OCAPI de l'IPSL : épisode de décembre 2016

12-12-2016

Un épisode de forte pollution atmosphérique en condition hivernale anticyclonique a débuté le 29 novembre 2016 en région parisienne. Evénement plutôt singulier, si l’on considère les dix dernières années, tant par les concentrations observées que par sa durée (12 jours). Le groupe de recherche OCAPI, qui opère 4 stations de recherche, a fait des mesures de cet événement pour déterminer le rôle des processus météorologiques et les contributions de diverses sources dans la variabilité des concentrations de polluants au cours de l'épisode de pollution.


Le dispositif OCAPI / IPSL

Le groupe collaboratif de recherche OCAPI du pôle d’observation de l’IPSL s’appuie sur un dispositif de quatre stations de recherche, complémentaires des réseaux opérationnels de surveillance de la qualité de l’air. Les quatre stations mettent en oeuvre des mesures météorologiques et dynamiques, des mesures de la composition de l’aérosol et de certains de ses précurseurs. La station du SIRTA qui fait déjà partie de nombreux réseaux d’observations est une station péri-urbaine, caractéristique du fond régional, alors que la station QUALAIR de l’UPMC (Université Pierre et Marie Curie) est caractéristique du fond urbain et les stations LISA-UPD (Université Paris Diderot) et LISA-UPEC (Université Paris est Créteil) sont plus fortement impactées par le trafic automobile. Cette diversité d’environnements, et donc d’exposition des populations, doit soutenir l’analyse du lien entre composition chimique de l’aérosol et l’impact sur la santé. De plus, la localisation de ces sites permet de mesurer des gradients de concentrations : entre le site QUALAIR au centre de Paris, le site de l’UPD situé dans le 13ème arrondissement, à 4 km au sud-est proche du périphérique, et le site de l’UPEC situé à 5 km au sud-est à Créteil.

Un des objectifs du groupe OCAPI est d’estimer la contribution relative du chauffage au bois et du transport automobile aux pics de pollution des particules fines, notamment en hiver et en début de printemps. On cherche à déterminer la part des fractions primaires et secondaires de l’aérosol organique. Si la contribution primaire a été documentée dans le passé pour l’agglomération parisienne, la contribution des aérosols organiques secondaire, qui peuvent représenter jusqu’à 80% de la masse d’aérosols, est moins connue, et son mécanisme de formation pas encore mis en évidence sur le terrain.



L'événement de pollution de novembre-décembre 2016

Un épisode de forte pollution atmosphérique en condition hivernale anticyclonique a débuté le 29 novembre 2016. Evénement plutôt singulier, si l’on considère les dix dernières années, tant par les concentrations observées que par sa durée.


Figure 1 : Photo prise du toit du bâtiment Lamarck sur le site du LISA-UPD dans le 13ème arrondissement l’après-midi du 08 Décembre


L’épisode est caractérisé par des vitesses de vent faible au niveau du sol ne favorisant pas l’évacuation des polluants produits dans la région Île-de-France. L’absence de nuages durant l’épisode favorise un refroidissement efficace de la surface induisant des inversions de température parfois de plusieurs degrés dans les premières dizaines de mètres de l’atmosphère. La forte stabilité atmosphérique induit des faibles développements verticaux de la couche de mélange qui limite la dilution verticale des polluants émis en surface. L’analyse des observations de PM2.5 et PM10 du réseau AIRPARIF (non montrée) sur cette période montre la même dynamique que les concentrations présentées sur les figures 4a et 4b et avec des moyennes journalières dépassant les seuils d’information (50μg.m-3) voire d’alerte (80 μg.m-3).



Une situation météorologique déterminante

Les périodes du 30 novembre au 2 décembre et des 5-6 décembre sont caractérisées par des vitesses de vent très faible en surface (< 2 m.s-1 à 10 m au-dessus du sol) qui favorisent l’accumulation des particules. Par contre, les 3-4 décembre, la vitesse du vent a dépassé 5 m.s-1 (10 m.s-1) à 10m (100m) d’altitude favorisant la dispersion de polluants. La vitesse du vent a ensuite faibli de manière significative à partir de l’après-midi du 5 décembre. Cette évolution de l’intensité du vent semble bien expliquer les variations des concentrations observées (Figures 4a/4b). Sur cette période, la direction du vent est de secteur Est ou Est-Nord-Est au niveau du sol du 29 novembre au 4 décembre, s’orientant vers un secteur Sud-Est à partir du 5 décembre. Une analyse plus détaillée des rétrotrajectoires et des traceurs de certaines sources permettra d’évaluer l’impact potentiel de sources non locales.


Figure 2. Mesures du profil vertical de vitesse et direction du vent par Lidar Doppler WLS70 réalisées au SIRTA (Palaiseau). Source de données EDF R&D/CEREA


On remarque également qu’il existe probablement un effet de dilution plus marqué pour les dates du 3 et du 4 décembre associé à des hauteurs de couche limite plus importantes. En effet, nous pouvons nous appuyer sur trois télémètres profileurs (CL31) à Paris qui mesurent des profils de rétrodiffusion par les particules (aérosols et nuages) présents dans l’atmosphère de 0 à 6000 m. Les trois sites sont : Palaiseau (SIRTA ou SIR), Paris 13ème Quartier Bibliothèque (LISA-UPD), et Roissy aéroport (CDG). Les trois CL31 ont été configurés pour générer des mesures cohérentes sur les trois sites. Ces trois stations forment le premier mini-réseau de profileurs d’aérosols en région parisienne le long d’un transect Sud-Ouest / Nord-Est d’environ 40 km.


Figure 3. Mesures du profil vertical de rétrodiffusion (« attenuated backscatter » en m-1 sr -1 ; altitude en m au-dessus du sol) par Télémètre automatique CL31 réalisées à Palaiseau (SIR), Paris 13ème (UPD), et Roissy (CDG). Les CL31 de SIR et CDG appartiennent à Météo-France, celui de UPD à l’U. Paris-Diderot


Les mesures CL31 sur les 3 sites montrent des structures (épaisseur de couche limite, couches d’aérosols, couches nuageuses) assez cohérentes entre les sites suburbains distant de 40 km et le site urbain. Les 1 et 2 décembre sont caractérisés par des couches de mélange très peu épaisses inférieures à 100 m la nuit et ne dépassant pas 300 m de jour. L’épaisseur de la couche de mélange de jour est environ 100 m plus épaisse au-dessus du site UPD, par rapport aux sites SIR et CDG. Les 5 et 6 décembre, l’épaisseur de couches de mélange est inférieure à 100 m la nuit et ne dépasse pas 200 m (150 m) de jour à l'UPD (SIR et CDG). Les inversions de température la nuit, les faibles flux de chaleur le jour, et un mélange turbulent faible, induisent des couches atmosphériques peu mélangées et de faibles développements verticaux limitant ainsi la dilution verticale des polluants émis en surface.


Les 3 et 4 décembre, malgré les flux de chaleur sensibles toujours très faibles mais, sous l’effet de vents plus forts et d’un fort cisaillement de vent entre la surface 100m d’altitude, une atmosphère plus instable se met en place. La couche de mélange se développe fortement pour atteindre 750 m l’après-midi du 3 décembre, qui correspond à la journée où la concentration en particule fine chute fortement. On doit évaluer également l’impact des fluctuations d’émissions du trafic liées aux effets du « week-end » (3 et 4 décembre) et de la mesure de circulation alternée (6 au 9 décembre).



Une composition chimique dominée par la fraction organique qui montre un impact fort du trafic automobile et des feux domestiques

En termes de composition chimique des aérosols, c’est la matière organique qui domine la fraction fine des particules (PM1), avec une forte présence de carbone suie et une part non négligeable de nitrate (Figure 4a). La concentration massique de ces particules fines (PM1) évolue de près d’un facteur 10 entre les minimas (<10 μg/m3) et maximas (> 60 μg/m3) sur la période 29 novembre – 8 décembre. Les concentrations massiques maximales sont atteintes les 1, 2 et 6 décembre, avec des valeurs minimales dans l’après-midi du 3 et au matin du 4 décembre (Figure 4a et 4b).


Figure 4a. Données des instruments AE33, et ACSM en PM1 ("extrapolable" aux PM2.5 = PMfine) réalisées au SIRTA (Orme-des-merisiers). Source de données LSCE et INERIS.


Les particules primaires issues de la combustion d’hydrocarbures et de biomasse représentent environ 40% de l’ensemble des PM10 en moyenne pour cet épisode, avec une prédominance des émissions par le chauffage au bois (Figure 4b). Les émissions de particules primaires à l’échappement automobile sont incluses au sein de la contribution liée à la combustion d’hydrocarbures. A noter néanmoins que ces contributions n’incluent pas les émissions liées à l’abrasion des routes, des pneus, des freins, etc … et que les émissions gazeuses à l’échappement participent également à la formation de particules secondaires (dont nitrate d’ammonium et aérosols organiques secondaires), dans des proportions ne pouvant être estimées par la mesure en temps réel présentée ici.


Figure 4b. Interprétation des données AE33 pour séparation des émissions primaires de combustion en deux grandes familles, où PMfossile représente les émissions de dérivés du pétrole (essentiellement transport routier) et PMbiomasse représente les émissions issus du chauffage au bois (et charbon, mais négligeable à Paris). Source de données LSCE et INERIS


Les mesures de traceurs de la combustion comme le CO (mesuré sur le site QUALAIR de l'UPMC) montrent également des valeurs fortes au cours de l'événement avec une diminution marquée pour les 3 et 4 décembre 2016 confirmant le fort impact de la combustion comme source de pollution au cours de cet épisode


Figure 6 : Photo représentant un filtre quartz après 24h de prélèvement effectué sur le site du LISA-UPEC entre le 06 et le 07 décembre


En complément à ces mesures en ligne s’ajoutent des prélèvements sur filtres de la fraction grossière (PM10) de l’aérosol sur les sites du SIRTA, du LISA-UPEC et du LISA-UPD. L’analyse ultérieure des filtres, prélevés lors de cet épisode, par spectrométrie de fluorescence des rayons X, par chromatographie ionique et par méthode thermo-optique permettra respectivement de mesurer la composition élémentaire (métaux), les principaux ions contenus dans la fraction soluble et la fraction organique (OC) et élémentaire (EC) des aérosols.



Contributions

Gilles Foret (LISA/IPSL -UPEC), Martial Haeffelin (IPSL - CNRS), Matthias Beekmann (LISA/IPSL -CNRS), Renaud Bodichon (IPSL - CNRS), Juan-Antonio Bravo-Aranda (IPSL - CNRS), Marc-Antoine Drouin (LMD/IPSL - CNRS), Jean-Charles Dupont (IPSL - UVSQ), Olivier Favez (INERIS), Aline Gratien (LISA/IPSL - UPD), Valérie Gros (LSCE/IPSL -CNRS), Vincent Michoud (LISA/IPSL - UPD), Yao Té (LERMA/IPSL - UPMC).



Remerciements

Nous souhaitons remercier les équipes ayant réalisé les mesures sur les sites SIRTA (Palaiseau et Orme-des-merisiers), QUALAIR (Jussieu), LISA-UPD, LISA-UPEC, l’équipe ESPRI-IPSL pour la gestion des données, et la cellule de prévision OCAPI qui s'occupe quotidiennement de l'activation du réseau de mesure OCAPI, en se basant sur les prévisions ESMERALDA, PREVAIR, et Copernicus/CAMS, en collaboration étroite avec AIRPARIF. Nous remercions Météo-France, l’INERIS et EDF R&D pour l’accès à certaines données.



Contacts chercheurs

Gilles Foret - LISA/IPSL - Tél : 01 45 17 13 89

Martial Haeffelin - IPSL - Tel : 01 69 33 45 19

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