Accueil > Actualités > Actualités scientifiques > Après l’Accord de Paris, de nouveaux axes de recherche sur le changement climatique

Après l’Accord de Paris, de nouveaux axes de recherche sur le changement climatique pour la communauté scientifique

06-07-2016

Pour les scientifiques du climat, chaque COP est une occasion de faire le bilan de leurs recherches, de prendre acte des questions politiques émergentes, d’identifier les besoins en recherche et de mettre à jour leur programme de travail. Le Groupe Interdisciplinaire sur les Contributions Nationales (GICN), un groupe d’experts académiques ayant apporté des analyses indépendantes à la présidence française de la COP21 et à l’équipe de négociation, propose, dans un article paru dans PNAS 1 le 5 juillet 2016, un bilan des besoins et une réflexion sur les nouveaux axes de recherche mis en exergue par l’Accord de Paris. En particulier, ils y plaident pour un renforcement à la fois des recherches intra-disciplinaires et de la capacité de la communauté scientifique à mener des travaux interdisciplinaires à multiples échelles. Ainsi, l’objectif de limiter l’élévation des températures à 1,5°C, l’articulation entre scénarios d’atténuation à court et à long terme, les émissions négatives, la vérification, les outils financiers, les acteurs non-étatiques et l’adaptation sont autant de sujets mentionnés par les auteurs comme nécessitant des travaux de recherche plus approfondis dans les années à venir.

Tout d’abord, l’objectif du 1,5°C, qui a fait l’objet d’une demande de rapport spécial au GIEC pour 2018 mentionnée dans l’Accord de Paris, offre des perspectives contradictoires et pourrait bien diviser la communauté scientifique. D’un côté, la faisabilité d’une telle ambition est loin d’être assurée, et cet objectif pourrait causer une dispersion des efforts de recherche dommageable pour l’étude des scénarios plus probables de réchauffement. De l’autre, cet objectif peut être considéré comme une base de travail nécessaire pour les négociations climatiques, en particulier concernant le devenir des petits Etats insulaires, très vulnérables à des réchauffements supérieurs. En outre, l’Accord de Paris laisse la porte ouverte à des scénarios « overshoot » permettant de dépasser la limite de réchauffement fixée, puis d’y revenir en utilisant des techniques d’émissions négatives, au potentiel largement incertain ; ceci nécessite de se donner les moyens de continuer à les développer. En tout état de cause, les scénarios 1,5 et 2°C devront être considérés d’un point de vue systémique ; les atteindre nécessitera des changements structurels de nos comportements et de nos modes de production, qui doivent être étudiés.


Par ailleurs, les propositions des pays faites en amont de la COP21 pour limiter leurs émissions de gaz à effet de serre placent le niveau d’émissions global en 2030 nettement au-dessus des trajectoires d’émissions compatibles avec l’objectif 2°C. Par conséquent, les objectifs nationaux à court-terme doivent être réaccordés avec cet objectif de long-terme. A cette fin, des besoins en recherche apparaissent quant aux transformations socio-économiques impliquées par les réductions d’émissions, ainsi qu’aux synergies possibles avec d’autres objectifs politiques. En outre, la gestion des puits de carbone apparaît comme un outil d’atténuation crucial ; cet outil mérite donc des efforts de recherche supplémentaires, notamment pour déterminer son potentiel futur. D’autre part, ce décalage entre propositions nationales et objectif global nécessite des travaux afin de mieux concilier les scénarios mondiaux et nationaux, et d’identifier les leviers permettant d’augmenter leur ambition collective. Cette harmonisation des échelles spatiales passe également par les acteurs non-étatiques et en particulier les collectivités locales, qui jouent un rôle crucial dans la conception de solutions systémiques appropriées telles que la planification urbaine et les transports en commun.


Enfin, la transparence et la vérification des inventaires d’émissions prennent une dimension plus universelle suite à l’Accord de Paris, du fait de l’élargissement de leur caractère obligatoire à tous les pays, ce qui mettra à disposition des scientifiques des bases de données d’émissions plus fiables et transparentes à l’échelle nationale. En outre, il s’avérera nécessaire de réaliser des analyses coûts/bénéfices du renforcement des processus de vérification, afin de calibrer ceux-ci aux besoins et capacités d’action. Par ailleurs, l’urgence de l’action climatique commande un élargissement des processus de transparence et vérification à des indicateurs plus structuraux et à plus court terme, tels que les flux financiers. Enfin, l’adaptation aux changements climatiques ayant pris un rôle primordial dans l’Accord de Paris, des besoins en recherche sur les changements et impacts régionaux sont à souligner.




Notes

  1. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America


Source

Opinion: In the wake of Paris Agreement, scientists must embrace new directions for climate change research, Boucher, O., V. Bellassen, H. Benveniste, P. Ciais, P. Criqui, C. Guivarch, H. Le Treut, S. Mathy, and R. Séférian, PNAS, vol. 113 no. 27, doi: 10.1073/pnas.1607739113



Contacts

Olivier Boucher , LMD-IPSL, Tél. : 01 44 27 47 63

Hélène Benvéniste , IPSL

Retour à la liste actualités scientifiques