Alouestes – Étape 7 : Guatemala, à la rencontre des « bons voisins »
Le 3 mai 2023, Tiphaine et son compagnon de voyage Glen, débarquent à Anchorage en Alaska, 7 500 kilomètres à l’ouest – ou Alouestes – de la France.
Depuis, ils roulent à vélo entre les Montagnes Rocheuses et l’océan Pacifique, cap sud vers le Panama, aux portes de l’Amérique du sud. D’étape en étape, le binôme s’arrête à des endroits spectaculaires, bien préservé ou, au contraire, menacés par l’impact anthropique. Des sols gelés dans la vallée du Yukon (Canada) aux plateaux désertiques de la Basse-Californie (Mexique), en passant par les glaciers et les forêts de la Colombie-Britannique (Canada), celle de Tiphaine et Glen n’est pas qu’une aventure humaine, mais aussi un périple scientifique.
Pour ce septième épisode d’Alouestes, quoi de nouveau ?, Tiphaine traverse les Hautes-Terres du Guatemala. Dans la région de Chimaltenango, elle rencontre l’association Los Buenos Vecinos, œuvrant au développement d’un accès à l’eau potable et une éducation aux mesures d’hygiène pour les communautés rurales.
Les Hautes-Terres du Guatemala, dans la région de Chimaltenango, s’étalent au-delà des volcans Fuego et Acatenango, qui dominent le paysage à presque 4.000 mètres de hauteur. Ici, entre les villages d’Acatenango et San Andrés Iztapa, Tiphaine a rencontré Elmer Arriaga, co-fondateur et président de l’association Los Buenos Vecinos et Jérémy Bajacol, membre du conseil local et président de l’association Entre Cerros y Volcán. À quelques dizaines de kilomètres du site UNESCO d’Antigua, où l’eau coule à flots des fontaines ornementales de l’ancienne capitale du Royaume de Guatemala, les villages avoisinants n’ont pas l’eau courante.
Des solutions low-tech
« Los Buenos Vecinos s’est développée avec le COVID-19, simplement pour être capable de se laver les mains » explique Elmer Arriaga dans les locaux à San Andrés Iztapa. La solution mise en place est simple : des stations Tippy-Taps. Simples et peu coûteuses, ces stations de lavage des mains sont un succès : « à ce jour nous avons installé des stations Tippy-Taps pour 1 200 familles, 120 écoles, 16 cliniques et des filtres pour 450 familles et 14 communautés » affirme Elmer. Avec le soutien financier et technique des Rotary Clubs, du Rotary International et d’autres groupes, l’association s’est développée et fabrique également des filtres bio-sables. Là encore, une solution low-tech peu coûteuse, facile à développer et délivrant un accès à l’eau potable pour les communautés les plus vulnérables.
Derrière l’ensemble de ces initiatives, le cœur de l’association est de répondre au besoin d’éducation sanitaire. Los Buenos Vecinos compte « près de 2 000 personnes formées aux mesures d’hygiène » affirme Elmer. Les activités impliquent des sessions de formation aux mesures WASH de l’UNICEF. Les membres des communautés formées deviennent ainsi des Wash-champions, engagés à leur tour pour changer de manière durable les comportements. Cela répond à l’objectif de développement durable 6 de l’ONU : garantir l’accès de tous à des services d’alimentation en eau et d’assainissement gérés de façon durable. Pour certifier l’efficacité du processus, l’eau filtrée est testée par un laboratoire qui assure de l’absence de contamination bactériologique ou virale.
Faciliter l’accés aux communautés rurales
Dans ces petits villages ruraux au cœur du Guatemala, l’accès à l’eau est difficile et la ressource est souvent polluée. À Xeparquiy, les filtres individuels ont été installés chez plusieurs familles depuis quelques années. Sur le chemin, le directeur Elmer Arriaga explique que ces communautés, qui vivent en altitude, ne bénéficient pas des eaux naturelles qui affluent des volcans proches. Pour ses habitants, l’accès à l’eau courante ne se fait que deux jours par semaine, et pour quelques heures seulement. Ici vivent Delmar et sa famille, qui disposent d’un filtre depuis deux ans.
Sans cela, les alternatives sont de couper du bois pour faire bouillir de l’eau et la rendre potable, ce qui cause des maladies pulmonaires liées aux fumées de combustion et participe à la déforestation, payer pour de l’eau propre en bouteille, très coûteux, ou, dernière possibilité, boire de l’eau contaminée, avec des conséquences néfastes pour la santé. Delmar, qui travaille dans une ferme avoisinante, raconte qu’il apporte de l’eau filtrée le matin pour partager avec les autres ouvriers, qui sont toujours très contents de le voir arriver.
Optimiser la consommation d’eau
L’association Los Buenos Vecinos se bat pour améliorer la santé, surtout des plus jeunes, afin qu’ils passent plus de temps à l’école. Au Guatemala, les maladies gastro-intestinales sont courantes et généralement liées à la qualité de l’eau. Les épisodes de diarrhée chronique comptent parmi les causes de décrochage scolaire. Des filtres plus grands sont mis à disposition des écoles, mais aussi des centres de santé et des services d’urgences tels que les pompiers, ambulances, cliniques…
L’école de la Pompa, proche d’Acatenango, accueille 125 élèves et dispose de deux filtres et de stations Tippy-Taps. Ces derniers sont pensés pour limiter la consommation d’eau : une seringue laisse passer l’eau au compte-goutte. Ensuite, l’eau est recyclée dans les bassines et utilisée pour les chasses des toilettes.
Le village voisin de San Antonio Nejapa accueille le tout premier filtre communautaire développé par l’association. Installés dans la salle commune, trois énormes bidons de 450 litres chacun remplis de sable, filtrent suffisamment d’eau pour alimenter 200 familles. « Une excellente chose », annonce Jérémy Bacajol, avant de souligner que le village compte près de 800 familles et que trois autres seraient nécessaires à l’ensemble des habitants.
Malgré le potentiel d’amélioration, ce premier démonstrateur de taille est une réussite pour Los Buenos Vecinos. Parmi les projets pour 2024, il y a l’installation de filtres et Tippy-Taps dans les écoles, mais également le programme de projets d’éducation autour de l’hygiène menstruelle, par exemple.
Pour en savoir plus
- Alouestes, Étape 1 : Les sols en dégel entre l’Alaska et le Canada, avec le chercheur Antoine Séjourné.
- Alouestes – Étape 2 : La grande fonte des glaciers nord-américains, avec le glaciologue Etienne Berthier.
- Alouestes – Étape 3 : Dans le sillage des grands feux, avec Karen Hodges, biologiste et écologue de la conservation à l’Université de la Colombie-Britannique à Kelowna (Canada) et Juan Cuesta, chercheur en physique de l’atmosphère au Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques (LISA-IPSL).
- Alouestes – Étape 4 : À travers le grenier des États-Unis, avec Josué Medellín-Azuara, professeur associé au Département d’ingénierie civile et environnementale à l’Université de Californie, à Merced (USA) et Nicolas Vuichard, chercheur CEA au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL)
- Alouestes – Étape 5 : Entre les dunes et les falaises de la côte ouest, avec Judith Gauriau, doctorante à l’université de Californie du Sud (USC) et Gonéri Le Cozannet, spécialiste de risques côtiers au BRGM et co-auteur du volet II du 6ème rapport du GIEC.
- Alouestes – Étape 6 : Une piste dans le désert, avec Lynn C. Sweet, écologue au Center for Conservation Biology de l’Université de Californie Riverside.
- Suivez le parcours de Tiphaine & Glen sur Instagram ou sur le blog de voyage Alouestes !