Alouestes – Étape 5 : Entre les dunes et les falaises de la côte ouest


Le 3 mai 2023, Tiphaine et son compagnon de voyage Glen, débarquent à Anchorage en Alaska, 7 500 kilomètres à l’ouest – ou Alouestes de la France.

Depuis, ils roulent à vélo entre les Montagnes Rocheuses et l’océan Pacifique, cap sud vers une destination encore inconnue. D’étape en étape, le binôme s’arrête à des endroits spectaculaires, bien préservé ou, au contraire, menacés par l’impact anthropique. Des sols gelés dans la vallée du Yukon (Canada) à l’immense champ de blé qui semble être l’État de Washington (USA), en passant par les glaciers et les forêts de la Colombie-Britannique (Canada), celle de Tiphaine et Glen n’est pas qu’une aventure humaine, mais aussi un périple scientifique.

Pour ce cinquième épisode d’Alouestes, quoi de nouveau ?, Judith Gauriau, doctorante à l’université de Californie du Sud (USC) et spécialisée en tectonique active et géomorphologie et Gonéri Le Cozannet, spécialiste de risques côtiers au BRGM depuis 2006 et co-auteur du volet II du 6ème rapport du GIEC, dialoguent avec les photos de Tiphaine, envoyées depuis l’Oregon et la Californie.

La Route 101 borde l’océan Pacifique pour 2 400 kilomètres, de l’État de Washington jusqu’à la Californie. Son parcours offre des vues imprenables sur l’océan Pacifique, surtout au nord : les falaises succèdent aux immenses dunes de sable dans cette partie du littoral très peu habitée.

« Là, on a une côte assez énergétique : c’est probablement un des endroits les moins vulnérables à l’élévation du niveau de la mer », estime Gonéri Le Cozannet, spécialiste de risques côtiers au BRGM, les yeux rivés sur les clichés de Tiphaine. Selon le chercheur, ce trait de côte subit une érosion relativement faible et présente très peu d’enjeux en ce qui concerne l’exposition des populations et des infrastructures à l’élévation du niveau de la mer et à l’érosion côtière.

L’érosion est un phénomène physique dans lequel des matériaux sont déplacés par l’eau et les vagues : du sable, l’abrasion des falaises… « Il est difficile de modéliser ce phénomène, tout comme l’impact de l’élévation du niveau de la mer. Aujourd’hui, l’idée est celle d’un équilibre entre le profil de la plage et le régime de vagues qu’elle reçoit. Si cet équilibre est rompu et que la mer monte d’un mètre, la plage devra alors reculer entre 10 et 100 mètres. C’est quelque chose qui reste théorique et soumis à la conformation spécifique de chaque trait de côte », affirme Gonéri Le Cozannet.

La frontière entre l’Oregon et la Californie marque aussi la limite sud de la faille de Cascadia, l’endroit sous-marin où la plaque Juan de Fuca s’enfonce sous la plaque nord-américaine. Au bord de la route, des panneaux blancs et bleus signalent la présence de zones à risque de tsunami.

« Le potentiel de tsunami pourrait venir de cette zone de subduction, explique Judith Gauriau, doctorante l’université de Californie du Sud (USC). Dès lors qu’il y a un séisme, cela peut engendrer un mouvement vertical. C’est ce mouvement qui va déplacer des volumes d’eau importants par la suite ».

Le dernier grand tsunami, lié à la faille de Cascadia, aurait eu lieu en 1700 : « des géologues ont retrouvé des traces de cette vague, enregistrés dans les sédiments de la côte », ajoute la spécialiste de tectonique active et de géomorphologie.

Une traversée bouleversante pour la cinquième étape d’Alouestes !

 

Galerie photos

Vue du refuge de vie sauvage en arrivant sur la ville de Brandon, Oregon Islands National Wildlife Refuge, 10 août 2023 © T.Claveau

Vue du refuge de vie sauvage en arrivant sur la ville de Brandon, Oregon Islands National Wildlife Refuge, 10 août 2023 © T.Claveau

 

Les bâtiments situés en hauteur sont relativement peu exposés à l’élévation du niveau de la mer. Il y a une falaise bien végétalisée, ce qui suggère qu’il n’y ait pas trop d’érosion. Avec la montée des eaux, c’est surtout la plage aux pieds de la falaise qui risque de disparaître.

– G. Le Cozannet

 

La route 101 longe la côte de l'Oregon le long des falaises, proche de Gold beach, Oregon, le 11 août 2023 © T.Claveau

La route 101 longe la côte de l’Oregon le long des falaises, proche de Gold beach, Oregon, le 11 août 2023 © T.Claveau

 

Ce sont des régions avec très peu d’enjeux humains et où les traces d’érosion sont rares : il n’y a pas de rupture de pente en bas, par exemple.

– G. Le Cozannet

 

Dunes cachées à travers la forêt de Siuslaw proche de l'aire de récréation nationale des dunes de l'Oregon, USA. 8 août 2023 © T.Claveau

Dunes cachées à travers la forêt de Siuslaw proche de l’aire de récréation nationale des dunes de l’Oregon, USA. 8 août 2023 © T.Claveau

 

Ici, les dunes sont très mobiles et se déplacent à travers un mode de transportation de sable un peu particulier : la saltation. Les grains de sable font des petits sauts et lorsqu’ils impactent la dune, ils éjectent les autres grains de sable. Quant à la végétation, l’effet est celui de stabiliser la dune.

– G. Le Cozannet

 

Au bord des dunes cachées à travers la forêt de Siuslaw proche de l'aire de récréation nationale des dunes de l'Oregon, USA. 8 août 2023 © T.Claveau

Au bord des dunes cachées à travers la forêt de Siuslaw proche de l’aire de récréation nationale des dunes de l’Oregon, USA. 8 août 2023 © T.Claveau

 

On voit que la dune est mobile par la végétation progressivement enterrée, comme pour la dune du Pilat, en France. Très peu habitée, cette zone a créé un tampon entre l’océan et les infrastructures, un espace pour les sédiments et l’écosystème. En France, les zones côtières sont densément peuplées : l’enjeu est de réussir à préserver les espaces ou en recréer des nouveaux, pour retrouver une mobilité sédimentaire.

– G. Le Cozannet

 

 Cormorans pélagique et de Brandt et Guillemot de Troïl sur les falaises proche de Newport, Oregon, USA. 7 août 2023 © T.Claveau

Cormorans pélagique et de Brandt et Guillemot de Troïl sur les falaises proche de Newport, Oregon, USA. 7 août 2023 © T.Claveau

 

Pour les espèces d’oiseaux qui nichent sur la plage, la disparition progressive de celle-ci à cause de la montée des eaux pourrait avoir un impact négatif.

– G. Le Cozannet

 

 Panneau "Tsunami Hazard Zone", très courant le long de la côte de l'Oregon et de la Californie. Manchester, Californie, 15 août 2023 © T.Claveau

Panneau « Tsunami Hazard Zone », très courant le long de la côte de l’Oregon et de la Californie. Manchester, Californie, 15 août 2023 © T.Claveau

 

Près de la côte, il y a beaucoup de panneaux « tsunamis zone ». À l’origine de ces tsunamis il pourrait y avoir les mouvements de la faille de Cascadia, mais aussi des séismes qui auraient lieu de l’autre côté de l’océan Pacifique, au niveau du Japon. La vague exceptionnelle peut alors se propager jusqu’à la côte ouest des États-Unis. C’est ce qui est arrivé en 2011, avec le séisme de Tōhoku, connu pour avoir engendré l’accident de Fukushima. Ou en 2021, suite à l’éruption volcanique dans les îles Tonga, plus au sud, pour laquelle la ville de Los Angeles a été mise en alerte.

– J. Gauriau

 

Pour en savoir plus

Daniel Peyronel


ICOM-IPSL