Le réchauffement climatique va accroitre le déclin de la biomasse mondiale d’animaux marins
17 % de la biomasse mondiale d’animaux marins pourrait disparaître d’ici 2100, si les émissions de CO2 se poursuivaient au rythme actuel. C’est ce que révèle la première évaluation globale des effets du changement climatique sur les écosystèmes marins, qui a mobilisé des chercheurs de l’IRD et du CNRS 1 . Ces résultats, qui alertent sur les conséquences en matière de sécurité alimentaire et de préservation de la biodiversité, ont été publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) le 11 juin.
Les chercheurs mettent en garde sur les impacts des changements climatiques sur la répartition et l'abondance de la vie marine depuis de nombreuses années. Cependant, prévoir l’ampleur de ces conséquences restait difficile jusqu’à présent, du fait des incertitudes des modèles utilisés.
En utilisant une combinaison de plusieurs modèles climatiques et écosystémiques?, une équipe internationale de 35 chercheurs, provenant de 12 pays et de 4 continents, regroupée au sein du consortium international
FishMIP
, est parvenue à présenter la première évaluation globale des effets du changement climatique sur les écosystèmes marins.
Scénarios alarmants
Publiée dans PNAS, l’étude révèle que la biomasse mondiale d'animaux marins, c’est-à-dire le poids total des animaux marins dans l'océan (poissons, invertébrés et mammifères marins), diminuera d’ici la fin du 21e siècle, quels que soient les scénarios d'émissions de CO2 envisagés par le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC). En cause : la hausse des températures et la diminution de la production primaire.
Ainsi, si les émissions de gaz à effet de serre suivaient la trajectoire actuelle, la biomasse globale diminuerait de 17 % d'ici 2100 (par rapport à la moyenne des années 1990-1999). Les chercheurs précisent toutefois que si le réchauffement planétaire se limitait à 2°C sur cette période, la biomasse globale ne diminuerait que de 5 %.
L’étude suggère également que les impacts du changement climatique pourraient être plus graves aux niveaux les plus élevés de la chaîne alimentaire. Les poissons et mammifères marins connaîtront des déclins plus importants que le phytoplancton et le zooplancton, du fait du processus "d’amplification trophique", qui conduit à une plus grande vulnérabilité des animaux situés aux extrémités supérieures des chaînes alimentaires marines.
Disparités régionales
La cartographie des changements projetés dans l'océan mondial révèle que la biomasse diminuera très fortement (de 40 à 50 %) dans de nombreuses régions océaniques tempérées et tropicales, où les populations humaines dépendent souvent directement des ressources marines et où la biodiversité marine est déjà fortement affectée par les effets des activités humaines.
Dans ces régions, le changement climatique va constituer un stress majeur pour les écosystèmes marins et les sociétés humaines qui en dépendent. A l’inverse, de nombreuses régions polaires autour de l'Arctique et de l'Antarctique pourraient voir la biomasse augmenter. Ce phénomène offrirait peut-être de nouvelles opportunités d’exploitation des ressources marines, entraînant cependant de nouvelles problématiques en terme de gestion et de conservation du milieu marin.
« Ces résultats montrent, à l'instar du nouveau rapport sur la biodiversité de l'IPBES, que le futur des écosystèmes marins dépendra fortement du changement climatique. Les mesures de préservation de la biodiversité et de gestion des pêches doivent en conséquence être reconsidérées », souligne Yunne Shin, biologiste marin à l’IRD et coordinatrice du chapitre 4 du
rapport global sur la biodiversité publié par l'IPBES en mai
.
Prévenir et anticiper les impacts
Alors que près de 11 milliards d’humains peupleront la planète en 2100, les chercheurs appellent les décideurs à mettre en place des mesures pour une gestion durable des pêches et pour la conservation des écosystèmes. « Les résultats de cette étude peuvent aider à anticiper l’évolution des ressources marines et éclairer les négociations internationales en cours sur le climat et la biodiversité », indique Olivier Maury, spécialiste de la modélisation des écosystèmes marins à l’IRD. « Ils constituent un point de départ pour que les gouvernements élaborent des stratégies de prévention et d’adaptation ».
Références
Note
Centre pour la biodiversité marine, l'exploitation et la conservation (MARBEC, Université Montpellier/CNRS/IRD/Ifremer) et Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE-IPSL, UVSQ/CEA/CNRS)
Contact chercheur
Laurent Bopp , LMD-IPSL (CNRS, ENS/PSL Univ, Ecole Polytechnique, Sorbonne Université)
Source : CNRS-INSU