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La diminution du CO2 atmosphérique serait la première cause de la formation de la calotte Antarctique, il y a 34 millions d’années.

16-10-2012

L’ère glaciaire dans laquelle nous nous trouvons a été initiée il y a environ 34 millions d’années, aux alentours de la limite Eocène/Oligocène. En utilisant un modèle numérique du climat prenant en compte la géographie existant à l’Oligocène, une équipe de chercheurs français et norvégien a mis en évidence un lien direct entre la concentration en CO2 dans l’atmosphère et la circulation océanique dans l’océan Austral. Ils suggèrent que l’entrée en glaciation pourrait être directement liée à la baisse du CO2, cette dernière entrainant la mise en place du courant circulant autour de l’Antarctique (ACC), favorisant d’autant plus le refroidissement de ce continent. Ces résultats viennent d’être publiés en ligne dans la revue Paleoceanography.


Intensité du courant circumpolaire

Intensité du courant circumpolaire (Sv) en fonction de la concentration en CO2 dans l'atmosphère dans la simulation de contrôle (CTRL-1X, en haut à gauche) et dans les simulations oligocènes (Dop-1X à Dop-3X, 3X signifiant 3 fois le taux de CO2 pré-industriel égal à 280 ppmv).


La calotte de glace posée sur le continent Antarctique est apparue au cours du Cénozoïque et plus précisément au cours de l’Oligocène (34 – 23 Ma). Les mécanismes supposés être à l’origine de cette entrée en glaciation font appel à deux principaux forçages. Le premier est d'ordre géographique, lié aux ouvertures des passages océaniques entre l’Amérique du Sud et l’Antarctique (Passage de Drake) et entre l’Australie et l ‘Antarctique (passage de Tasmanie). En supprimant toute barrière continentale, ces nouveaux passages ont permis la mise en place du courant antarctique circumpolaire, circulant d’Ouest en Est sous l’effet des vents d’Ouest à 45°S. L'apparition de ce courant puissant, jusqu’à 135 fois le débit de tous les fleuves du monde dans le Passage de Drake, aurait entrainé un isolement de l’Antarctique vis-à-vis des eaux tropicales chaudes et donc un refroidissement de ce continent, ce qui aurait permis la mise en place de la calotte glaciaire.


Le second forçage tient compte de la diminution du CO2 atmosphérique mise en évidence par les isotopes du carbone contenu dans le phytoplancton fossile. Cette diminution entraîne une baisse de l’effet de serre et donc un refroidissement du climat, également favorable à l’englacement de l’Antarctique. Si ces forçages sont bien connus pour influencer le climat, les nombreux travaux de modélisation numérique ne convergent pas vers un seul et même coupable.


A l’aide du GCM 1 FOAM 2 , l'équipe de chercheurs a étudié la relation entre la circulation du courant circumpolaire et la concentration en CO2 dans une configuration Oligocène, c'est-à-dire où les passages de Drake et de Tasmanie sont ouverts et où la calotte polaire est inexistante. Les résultats de cette étude montrent que lorsque les taux de CO2 sont  très élevés et proches de ceux mis en évidence à la fin de l’Eocène et au début de l’Oligocène (env. 1000 ppmv 3 ) l'ACC s'avère alors très faible. En revanche, lorsque les taux de CO2 approchent la valeur préindustrielle (280 ppmv) connue vers la fin de l’Oligocène, il devient puissant et proche de son état actuel. Il faut donc un climat déjà froid pour initier un courant circumpolaire semblable à l’actuel.


Les chercheurs expliquent qu’un gradient horizontal de densité Nord-Sud est nécessaire dans l’océan de l’hémisphère Sud pour équilibrer le transport des masses d’eaux vers le Nord sous l’influence des vents d'ouest (transport d’Ekman 4 ). Ce gradient existe uniquement dans les simulations à faible CO2 (<700ppmv) et trouve sont origine dans la formation de saumures sur le pourtour antarctique. Ces saumures se forment lors de la mise en place de la glace de mer qui est très faible, voire inexistante, dans les simulations où le CO2 est à des taux élevés (>700ppmv). Ces résultats inédits répondent à un grand nombre de questions concernant l’implication de la dynamique océanique et du forçage radiatif dans les perturbations climatiques de grande échelle.


Dans le contexte du Cénozoïque, le courant circumpolaire n’a donc pu s’initier qu’à partir de l’Oligocène moyen, bien après les premières accumulations de glace sur l’Antarctique et bien après l’ouverture des passages océaniques. De plus, les auteurs montrent que le courant atteint son débit maximum à la fin de l’Oligocène. Ces conclusions, en accord avec plusieurs études basées sur l’analyse des carottes de sédiments, tendent à démontrer que le CO2 est le principal forçage responsable de l’entrée en glaciation au cours de l’Oligocène, reléguant la mise en place de l’ACC au poste de rétroaction potentiellement positive (non décrite dans l’étude). Reste à la communauté scientifique de déterminer le(s) processus géologique(s) à l’origine de cette diminution de CO2.




Notes : 

  1. GCM : General Circulation Model.
  2. FOAM : Fast Ocean Atmosphere Model.
  3. Partie par million par unité de volume.
  4. Déplacement des couches d’eau sous l’effet de la friction engendré par les vents en surface et de la force de Coriolis (variable selon les hémisphères).


Source : 

Deciphering the role of southern gateways and carbon dioxide on the onset of the Antarctic Circumpolar Current. Vincent Lefebvre1, Yannick Donnadieu1, Pierre Sepulchre1, Didier Swingedouw1, Zhong-Shi Zhang2
1Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement CEA-CNRS
2Bjerknes Centre for Climate Research, UniResearch, Bergen, Norvège



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