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Des lycéens découvrent l’océanographie à l’IPSL

Une des missions des laboratoires de recherche est de sensibiliser les jeunes, quelque soit leur âge, au monde de la science. En plus des événements publics et des nombreuses rencontres en classes, l’Institut Pierre-Simon Laplace accueille des stagiaires à partir de la 3e. Fin juin, c’était au tour de 5 lycéens de seconde de découvrir le monde de la recherche à l’IPSL et au LOCEAN et, en particulier l’océanographie et la climatologie.

L’IPSL a accueilli, du 27 juin au 1er juillet, 5 élèves de seconde dans le cadre de leur stage de fin d’année (obligatoire pour certains, facultatif pour d’autres). Ainsi, Amandine, Audrey, Isidore, Léonor et Miguel, tous issus de lycées parisiens, ont découvert le monde universitaire et de la recherche sur le campus Pierre et Marie Curie de Sorbonne Université et la vie d’un laboratoire en rencontrant de nombreux interlocuteurs du Laboratoire d’Océanographie et du Climat : Expérimentations et Approches Numériques (LOCEAN). Le stage, dont le thème était « l’océanographie et les liens entre océan et climat », a été organisé par l’IPSL et le LOCEAN.

En plus des nombreux ateliers et rencontres prévus, une heure de réflexion quotidienne (en fin de journée) a été proposée aux stagiaires afin qu’ils mettent en commun les connaissances acquises et préparent une synthèse en fin de stage.

Lundi 27 juin

A 10 h, accueil des lycéens au LOCEAN : présentation du laboratoire (structure, tutelles, axes de recherche…) par Christophe Herbaut et Francesco d’Ovidio, chercheurs CNRS, qui expliquent également leur domaine d’étude : Christophe s’intéresse à l’Arctique et aux régions subpolaires (variabilité des glaces de mer et interactions des océans avec la glace de mer), Francesco étudie le couplage physique de l’océan, le phytoplancton et les interactions avec les courants océaniques (grâce à des données satellites notamment). Puis, Isabelle Genau (chargée de communication à l’IPSL) leur présente l’IPSL et les mène à la découverte du campus.

 

L’après-midi, entrée dans le vif du sujet avec des expériences sur des phénomènes physiques et chimiques en lien avec le climat.

Patricia Cadule est ingénieure de recherche CNRS à l’IPSL, spécialisée en modélisation des interactions entre le système climatique et le cycle du carbone. A travers une expérience sur l’acidification des océans, elle sensibilise les lycéens au rôle du carbone dans le changement climatique dans les océans. En effet, le changement climatique réchauffe les océans : de plus grandes quantités de CO2 sont absorbées par les eaux océaniques, elles deviennent ainsi plus acides.

 

Ensuite, Anne-Cécile Blaizot, ingénieure d’étude MNHN spécialisée en modélisation océanographique présente, à travers 4 expériences, 4 phénomènes physiques : l’albédo, la dilatation de l’eau, la circulation thermohaline et la fonte des glaces.

 

Mardi 28 juin

La matinée est consacrée à la visite de l’atelier de mécanique et de la salle de stockage du matériel de campagnes en mer du LOCEAN.

Nicolas Dumesnil est mécanicien : dans son atelier équipé de tours, fraiseuses et ensemble de soudures, il conçoit et répare les instruments nécessaires aux campagnes en mer. Il les dessine, les fabrique, les usine, les répare et participe parfois aux campagnes qui embarquent ses réalisations. Il effectue un travail pointu, indispensable au bon fonctionnement des missions en mer. La possibilité de se former tout au long de sa carrière a permis à Nicolas d’évoluer dans ce métier, en passant de la mécanique traditionnelle (BEP) à la mécanique numérique (bac professionnel).

 

Matthieu Labaste, ingénieur au LOCEAN, fait ensuite visiter les équipements du parc instrumental du département Développement Instrumental et Techniques Marines du laboratoire, immense hangar de stockage du matériel nécessaire aux campagnes en mer et aux lignes de mouillage. Les lignes de mouillage sont de longs câbles métalliques, pouvant atteindre plusieurs kilomètres, déployés en mer et le long desquels des instruments de mesure, des flotteurs et des lests sont installés pour étudier la colonne d’eau (courants, salinité, température, pression…).

 

L’après-midi, 3 rencontres, 3 thèmes différents.

Jacqueline Boutin, chercheure, s’intéresse aux interactions entre l’océan et l’atmosphère. Elle est une des responsables scientifiques du projet SMOS (Soil Moisture and Ocean Salinity), mission satellitaire lancée en 2009 pour une durée initiale de 3 ans, toujours en activité. Jacqueline explique la genèse de SMOS : à la fin des années 1970, l’idée de mesurer la salinité (l’étude de la salinité permet de surveiller les différentes masses d’eau et leur circulation ainsi que les quantités d’eau douce apportées à l’océan par les fleuves, glaces et précipitations) depuis l’espace germe mais la technique de l’époque (radiométrie) ne permet pas d’obtenir une résolution spatiale suffisante. Dans les années 1990, un nouveau concept basé sur l’interférométrie radio utilisée en astronomie est proposé en adaptant des techniques astronomiques (du Very Large Array notamment) à l’observation de la Terre.

Les premières mesures de la mission SMOS (proposée au CNES en 1998 puis à l’ESA en 1999, lancée en novembre 2009) dans l’espace à la longueur d’onde de 1,4 Ghz sont obtenues fin décembre 2009. SMOS couvre la surface de la Terre tous les 3 jours avec une résolution de l’ordre de 50 km. SMOS permet d’étudier certains processus océaniques, notamment le lien entre salinité de surface et El Niño, la propagation de tourbillons de 100 à 200 km de diamètre transportant des eaux douces de la côte vers le large par exemple en Atlantique. Deux successeurs à SMOS : le projet CMIR qui devrait être lancé vers 2028 (mesures multifréquences (salinité, température, vitesse du vent) avec une résolution spatiale moins bonne que SMOS et, SMOS-HR, projet avec une résolution spatiale de 10 km, en cours  d’étude au CNES et de recherche de financeurs.

 

Après avoir obtenu son bac scientifique, fait une école d’ingénieur, un master 2 en climatologie, Kenza Himmich s’est orientée vers un doctorat. Elle est actuellement en seconde année au LOCEAN où elle prépare une thèse intitulée « réponse saisonnière de la banquise à l’augmentation anthropique de CO2 ». Kenza présente d’abord le cycle saisonnier de la banquise des pôles dans le but d’expliquer son sujet de thèse, tout en transmettant quelques points de culture cryosphérique (présentation de quelques généralités sur la cryosphère pour s’assurer que les lycéens peuvent reconnaître chacun de ses composants). Puis, elle explique comment le couvert de la banquise évolue au fil des saisons et présente les changements de cycle saisonnier liés au réchauffement climatique.

 

Robin Rolland, en première année de doctorat au LOCEAN, s’intéresse à la mesure du niveau de la surface des océans à partir des données satellites. Il est notamment impliqué dans le projet SWOT (Surface Water Ocean Topography), satellite qui sera lancé en décembre 2022 pour mesurer le niveau des mers, des rivières et des grands lacs afin d’estimer la quantité d’eau douce à la surface de la Terre. SWOT permettra de balayer toute la surface de la Terre (sauf les pôles) en 21 jours.

En 2023, Robin participera à la campagne BIOSWOT (soutenue par le LOCEAN, le CNES et le MIO) en Méditerranée, destinée à mieux comprendre le rôle des courants marins dans la structure et la dynamique phytoplanctonique.

 

Mercredi 29 juin

Pour commencer la journée, visite de la salle blanche du LOCEAN avec Mustapha Benrahmoune, chimiste : charlottes, blouses et chaussons propres de rigueur pour tous. Les échantillons d’eau prélevés lors de campagnes en mer y sont préparés pour analyse du silicium, un spectromètre à UV est utilisé pour en déterminer la concentration.

Ensuite, au laboratoire de chimie organique, Mustapha et Vincent Klein, responsable du laboratoire, expliquent aux lycéens comment, dans le cadre de l’étude des climats passés, les échantillons sédimentaires sont analysés. Les carottes sédimentaires sont d’abord découpées en plusieurs sections, centimètre par centimètre, chaque section est écrasée méthodiquement puis pesée. L’utilisation de solvants permet ensuite d’extraire les molécules recherchées. Divers appareils sont utilisés pour l’analyse de l’échantillon, entre autres un lyophilisateur, un appareil à ultrasons, une centrifugeuse (pour récupérer la partie liquide), un évaporateur, un chromatographe en phase gazeuse (qui permet de quantifier les molécules).

 

L’après-midi, dans le cadre de la semaine Climactions de l’IPSL, les stagiaires ont participé, en compagnie d’une dizaine d’autres joueurs de l’IPSL, à une partie de ClimaTicTac, le jeu de plateau sur le changement climatique créé par l’IPSL et l’ASTS. Objectif : élaborer ensemble une stratégie pour lutter contre les périls qui menacent la planète, en particulier en lien avec la hausse du taux de CO2. Sur 3 équipes en lice, l’équipe des stagiaires a obtenu le meilleur score ! Merci à François Dulac, chercheur au LSCE-IPSL, pour l’animation.

 

Jeudi 30 juin

Julie Deshayes, chercheure océanographe au CNRS, est spécialisée en modélisation des courants océaniques. Elle aborde plusieurs sujets : son métier de modélisatrice et l’importance de la modélisation numérique (configuration d’un modèle, conditions aux limites, incertitudes, couplages…), l’importance des océans pour le climat (régulation des fluctuations thermiques de la planète, le transfert de la chaleur de l’équateur vers les pôles, l’absorption de 30% du carbone anthropique mais aussi l’effet de serre, la circulation méridienne de retournement  (MOC), les observations océaniques (insitu, par satellite). Au final, deux heures d’exposé et d’échanges très riches dans la matinée, dont un discours de sensibilisation vers un mode de consommation plus sobre en carbone (moyens, actions).

 

L’après-midi, rencontre avec Anne-Marie Lézine, palynologue, qui étudie des pollens vieux de plusieurs milliers d’années (jusqu’à –12000 avant JC) collectés au large de l’Afrique et dans les déserts, tel le Sahara. La palynologie étudie les séries continentales et permet de reconstituer les environnements végétaux et les climats du passé.

Les microfossiles organiques, comme les dinoflagellés (organismes marins) et les algues, sont également étudiés. Par le biais de pollens, cette science permet non seulement de connaître l’étendue des zones de végétation source et leurs variations dans le temps mais aussi les variations d’intensité des modes de transport du pollen vers le milieu marin. L’étude de dinoflagellés dans les mêmes échantillons, permet de comprendre l’impact de ces variations sur la productivité océanique. Application avec une séance d’observation de pollens d’arbres et de graminées avec des microscopes grossissant 1000 fois.

 

Vendredi 1er juillet

Vincent Echevin, océanographe, est spécialiste en modélisation physique de l’océan à fine échelle, le couplage avec les cycles biogéochimiques et l’impact du changement climatique. Il aborde le cycle du carbone dans l’océan, les cycles biogéochimiques et les éléments chimiques présents dans l’océan. Il présente ensuite les systèmes d’upwelling, remontées d’eau froide des fonds marins vers les côtes, riches en apport de nutriments, dont les upwellings de bord Est, très poissonneux, en particulier au large du Pérou.

 

Clara Azarian est en première année de doctorat au LOCEAN. Au cours de son intervention, elle traite principalement des impacts du changement climatique sur la biodiversité marine, notamment en terme de réchauffement et de vagues de chaleur marine, et sur le besoin d’avoir une régionalisation des aléas liés au changement climatique à des échelles plus fines et plus pertinentes pour la gestion. Elle présente les aires marines protégées ainsi que les autres mesures de gestion existantes (notamment les quotas de pêche) et les objectifs internationaux sur le sujet (ex. objectif de 30% de protection des zones terrestres et marines d’ici 2030, traité BBNJ – Biodiversity Beyond National Jurisdiction).

Faut-il prendre en compte les impacts du changement climatique dans ces outils de gestion ? Et si oui, comment ?  Des questions auxquelles les lycéens répondent en s’appuyant sur l’exemple de la région de l’océan indien sud pour ce qui concerne la conservation d’espèces patrimoniales (manchots royaux, éléphants de mer, albatros…) et la gestion de ressources de pêche (ex : légine australe).

 

L’après-midi est consacré à une synthèse du stage. Les lycéens présentent :

  • un bilan individuel du stage (déroulement, intérêt, points forts, points faibles, connaissances acquises…)
  • une synthèse globale de ce qu’ils ont appris au cours du stage en développant 5 points (et en se basant sur de la littérature scientifique) :
    • Définition du climat
    • Rôle des humains dans la modification du climat (comment ? depuis quand ?)
    • Importance de l’océan et de la cryosphère pour l’espèce humaine
    • Impact du changement climatique sur l’océan
    • Lien entre les activités de recherche abordées pendant le stage et le climat

Il ressort de cette synthèse que :

  • une cohérence s’est vite installée entre les 5 jeunes, d’où des échanges conviviaux, riches et des débats assez poussés entre eux et les intervenants
  • en raison de la diversité des rencontres et ateliers proposés, des thèmes abordés, chacun a appris beaucoup pendant cette semaine, sur le plan scientifique et aussi sur la découverte d’un laboratoire de recherche
  • collectivement, ils ont acquis des connaissances solides sur le climat et une bonne perception des problèmes liés au changement climatique

Les organisateurs du stage, Francesco D’Ovidio, Christophe Herbaut (LOCEAN) et Isabelle Genau (IPSL) tiennent à remercier :

  • les intervenants pour leur disponibilité et enthousiasme :

IPSL : Patricia Cadule

LOCEAN : Clara Azarian, Mustapha Benrahmoune, Anne-Cécile Blaizot, Jacqueline Boutin, Julie Deshayes, Nicolas Dumesnil, Vincent Echevin, Kenza Himmich , Vincent Klein, Mathieu Labaste, Anne-Marie Lézine, Robin Rolland

LSCE : François Dulac pour la session de ClimaTicTac organisée dans le cadre de la semaine Climactions

  • l’administration du LOCEAN pour la prise en charge des conventions de stage
  • Amandine, Audrey, Isidore, Léonor et Miguel pour leur confiance, intérêt et bonne humeur.

Retrouvez le stage et d’autres photos sur Instagram et sur Facebook (#stage2e)

Photos : IPSL

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Isabelle Genau - IPSL