Soutenance de thèse
Nathan Stevenard
LSCE
Dynamique de la circulation profonde en Atlantique Nord subpolaire au cours des derniers 400 000 ans
Résumé
Français
Les modèles du climat simulent un ralentissement de la circulation méridienne atlantique de retournement (Atlantic Meridional Overturning Circulation, AMOC) au cours du 21e siècle. Cependant, de grandes incertitudes demeurent sur l’ampleur de ce ralentissement. Les mécanismes contrôlant l’AMOC, dont notamment les interactions océan-atmosphère-glace associées, sont encore mal compris et mal représentés dans ces modèles climatiques. L’AMOC consiste en la dérive nord-atlantique des eaux chaudes et salées du Gulf Stream, qui plongent lors de la formation hivernale de glace de mer dans les mers nordiques. Elles débordent ensuite vers le Sud dans le bassin Atlantique, en franchissant les seuils basaltiques entre le Groenland, l’Islande et l’Écosse. Ces courants de débordement forment par la suite les eaux les plus profondes de l’Atlantique Nord, appelées North Atlantic Deep Water (NADW).
Mon projet de thèse vise à étudier, au cours des derniers 400 000 ans, les variations d’intensité de l’une des masses d’eau de débordement (l’Iceland-Scotland Overflow Water ou ISOW), qui constitue l’une des deux branches profondes de l’AMOC en Atlantique Nord. Une approche multi-traceurs incluant des analyses par fluorescence aux rayons-X, de granulométrie et de magnétisme environnemental, a été appliquée sur les fractions détritiques de trois archives sédimentaires (MD03-2673, MD03-2679 et MD03-2685) situées le long du passage de l’ISOW actuel (Björn et Gardar drifts).
À l’échelle glaciaire-interglaciaire, l’ISOW est caractérisée par deux régimes distincts : intensité forte durant les périodes interglaciaires au sens large, intensité faible (mais non nulle) durant les périodes glaciaires. Les transitions entre ces deux régimes semblent être déclenchées par des évènements millénaires. L’état du régime d’intensité suite à cet évènement semble dépendre du volume des calottes glaciaires de l’hémisphère Nord, notamment lorsqu’une valeur seuil de δ18O benthique de 4 ‰ est franchie.
À l’échelle millénaire, les variations d’intensité de l’ISOW montrent un fort couplage entre les températures de surface du gyre subpolaire, celles du Groenland, et les décharges d’eau douce en Atlantique Nord. Un schéma complexe semble émerger de ces couplages, suggérant que les variations d’intensité de l’ISOW (ralentissement/renforcement) agissent comme une conséquence d’une extension/rétraction du gyre subpolaire et de la quantité d’eau douce déversée en Atlantique Nord, mais également comme une cause de refroidissement/réchauffement de l’hémisphère Nord.
Les optima climatiques passés, parfois plus chauds qu’aujourd’hui, montrent les intensités les plus fortes des derniers 400 000 ans. Elles ont lieu à la fin des optima climatiques, soit plusieurs milliers d’années après les maxima de température de surface et de gaz à effet de serre. Ces maxima tardifs d’intensité de l’ISOW semblent être liés à un contexte orbital particulier, influençant le climat régional en mer nordiques, proche des zones de convection.
À toutes ces échelles de temps, les changements de l’intensité de l’ISOW semblent être gouvernés par des changements de densité entre l’amont (Gulf Stream, dérive Nord Atlantique) et l’aval (zones de convection dans les mers nordiques) du système hydrologique nord-atlantique de surface/subsurface. La prise en compte de l’importance de tels mécanismes dans les modèles climatiques pourrait permettre d’améliorer et mieux représenter les changements océanographiques futurs.
English
Climate models simulate a slowdown of the Atlantic Meridional Overturning Circulation (AMOC) over the 21st century, but major uncertainties still remain as to the extent of this slowdown. The mechanisms controlling AMOC, including the associated ocean-atmosphere-ice interactions, are still poorly understood and represented in these climate models. The AMOC consists of a northward drift of the warm and salty waters to the Nordic Seas, due to winter sea ice formation, these waters densify and sink. They return southward into the Atlantic basin, passing over the basaltic sills between Greenland, Iceland and Scotland. These overflow currents then form the deepest waters of the North Atlantic, known as North Atlantic Deep Water (NADW).
The aim of my PhD project is to study, over the last 400,000 years, the variations in the strength of one of the overflow water masses (the Iceland-Scotland Overflow Water or ISOW), which constitutes one of the two deeper branches of the AMOC in the North Atlantic. A multi-proxy approach, including X-ray fluorescence, grain size and environmental magnetism analyses, was applied to the detrital fractions of three sedimentary archives (MD03-2673, MD03-2679 and MD03-2685) located along the present-day pathway of ISOW (Björn and Gardar drifts).
On glacial-interglacial timescales, the ISOW is characterized by two distinct regimes: strong intensity during interglacial periods (s.l.), weak (but not absent) intensity during glacial periods. The transitions between these two regimes appear to be triggered by millennial scale events. The state of the intensity regime following this event then seems to depend on the Northern Hemisphere ice-sheet volume, particularly when a benthic δ18O threshold value of 4 ‰ is crossed.
On millennial timescales, ISOW intensity variations show a strong coupling between surface temperatures of the subpolar gyre, of Greenland, and freshwater discharges in the North Atlantic. A complex pattern seems to emerge from these couplings, suggesting that variations in ISOW intensity (slowdown/strengthening) act as a consequence of an extension/retraction of the subpolar gyre and the amount of freshwater discharged into the North Atlantic, but also as a cause of cooling/warming in the Northern Hemisphere.
Past climate optima, sometimes warmer than today, show the strongest intensities of the last 400,000 years. They occur at the end of the climatic optima, several thousand years after the surface temperature and greenhouse gas maxima. These late maxima in ISOW intensity appear to be linked to a particular orbital context, influencing regional climate in the Nordic Seas, close to convection areas.
Changes in ISOW intensity appear to be, on all time scales, dominated by density changes between the upstream (Gulf Stream, North Atlantic drift) and downstream (convection areas in the Nordic seas) North Atlantic surface/subsurface hydrological system. Considering the importance of such mechanisms in climate models could help to improve and better represent future oceanographic changes.
Informations supplémentaires
Lieu/Place
La soutenance se déroulera dans l’amphi Claude Bloch, bâtiment 772, CEA, Orme des Merisiers, le mardi 28 novembre à 14h.
The defense will take place in the Claude Bloch auditorium, building 772, CEA, Orme des Merisiers, on Tuesday, November 28th at 2 PM.
Visio
https://cnrs.zoom.us/j/98233069893?pwd=eGpKQndBamY5bHpoSkkrc3RrLzdxUT09
Composition du jury
- Didier Paillard LSCE : Examinateur
- Mary Elliot Université de Nantes : Rapporteur et Examinatrice
- Samuel Jaccard Université de Lausanne : Rapporteur et Examinateur
- Samuel Toucanne IFREMER : Examinateur
- Catherine Kissel LSCE : Directrice de thèse
- Aline Govin LSCE : Co-encadrante de thèse