Le rayonnement émis par le Soleil représente à lui seul plus de 99.99% de l’apport énergétique à notre environnement terrestre. Quoi de plus normal alors que de le rendre responsable des changements climatiques ?

Or le Soleil a longtemps été un symbole d’immuabilité. À tel point que la puissance rayonnée dans tout le spectre (appelée irradiance totale) porte aujourd’hui encore le nom de constante solaire. Il aura fallu attendre le début de l’ère spatiale pour réaliser que cette constante varie. Toutefois, sa variation relative sur un cycle solaire de 11 ans ne dépasse guère 0.4 ‰, ce qui est bien trop faible pour rendre compte des variations de température observées sur Terre. Le débat fait aujourd’hui rage pour trouver des mécanismes physiques susceptibles d’amplifier de telles variations.

Parmi les mécanismes couramment invoqués, il y a l’absorption de certaines gammes de longueurs d’onde du spectre solaire. La contribution du Soleil ne peut pas en effet être réduite à celle de l’irradiance totale car les différentes longueurs d’onde du spectre diffèrent fortement en variabilité et en impact sur l’atmosphère : le rayonnement ultraviolet en particulier, dont la contribution à l’irradiance totale ne représente que 8 %, mais dont la variabilité peut facilement dépasser 10% sur un cycle solaire. L’absorption de ce rayonnement dans la haute stratosphère modifie notamment la concentration en ozone, qui affecte à son tour le bilan radiatif de la Terre. La partie la plus énergétique du spectre solaire quant à elle est absorbée à plus haute altitude, où les variations relatives des conditions du milieu (densité, température) sont encore plus importantes. Il reste cependant à trouver par quels mécanismes ces variations pourraient se coupler efficacement avec les couches inférieures de l’atmosphère.

Irradiance spectrale solaire moyenne (figure du haut), avec l’altitude à laquelle elle est majoritairement absorbée (figure du milieu) et sa variabilité relative sur un cycle solaire (figure du bas). Cette figure est basée sur 7 années de mesures par les satellites SORCE et TIMED. La courbe rouge en traits pointillés sur la figure du haut représente le spectre d’émission d’un corps noir à 6000°.

Les autres pistes invoquent non plus le rayonnement électromagnétique, mais l’effet bien plus ténu du champ magnétique solaire ou du flux de matière émis par le Soleil. La physico-chimie de la haute atmosphère, par exemple, est influencée par le circuit électrique global associé à la magnétosphère terrestre, qui est à son tour affecté par le vent solaire. Une autre piste, fort controversée, fait appel au rayonnement cosmique. Ce dernier est constitué de particules de très haute énergie et son flux est modulé par l’activité solaire ; par son action sur les processus de nucléation dans l’atmosphère il pourrait influencer le taux de nébulosité. Tous ces mécanismes sont couplés, et il est fort difficile d’isoler leur contribution.

L’impact du Soleil sur le climat est aujourd’hui indéniable ; l’omniprésence de la période de 11 ans dans de multiples données climatiques l’atteste. Toutefois, si plusieurs mécanismes peuvent expliquer cette modulation de 11 ans ainsi que les variations de température antérieures au XXe siècle, l’évolution récente du climat demeure bien plus difficile à reproduire. Une forte majorité de scientifiques estime donc aujourd’hui que la contribution solaire, bien que réelle, est devenue secondaire face aux effets anthropiques.

Dans cette recherche, l’un des défis majeurs consiste à compenser notre manque criant d’observations directes en remontant dans le passé grâce à des traceurs d’activité solaire. Le nombre de taches solaires est une des très rares mesures directes d’activité qui couvre plus d’un siècle ; ses premières observations régulières remontent à 1610. Parmi les traceurs indirects les plus fiables figurent les radioisotopes cosmogéniques. La figure ci-dessous illustre la reconstruction de l’irradiance totale à partir de C14 et montre que le Soleil a récemment connu une phase de regain activité. Le dernier cycle solaire, qui devrait s’achever en 2010, a cependant été exceptionnellement long et calme ; ceci constitue une aubaine pour ceux qui cherchent à comprendre et à modéliser la dynamique interne de notre astre.

Reconstruction du flux magnétique ouvert émis par le Soleil. L’irradiance totale est proportionnelle à ce flux, qui est déduit ici du taux de production du C14. La courbe en vert représente une mesure directe du flux et l’axe du temps est exprimé en années. Figure tirée de : L. Vieira & S. Solanki, Evolution of the solar magnetic flux on time scales of years to millenia, Astronomy & Astrophysics (2010).

Pour aller plus loin


  • E. Bard and M. Frank, Climate change and solar variability: What's new under the Sun? Earth and Planetary Science Letters 248, 1-14 (2006).
  • T. Dudok de Wit and J. Watermann, Solar forcing of the terrestrial atmosphere, Comptes-Rendus Geoscience 342 (2009), sous presse.
  • J. D. Haigh, The Sun and the Earth's Climate , Living Reviews in Solar Physics 4, 2-65 (2007).
  • E. Nesme-Ribes et G. Thuillier, Histoire solaire et climatique, Editions Belin (2000).
  • G. Usoskin, A History of Solar Activity over Millennia , Living Reviews in Solar Physics 5 (2008).

Thierry Dudok de Wit est professeur à l'Université d'Orléans et chercheur au Laboratoire de Physique et Chimie de l’Environnement et de l’Espace, CNRS et Université.

Jürgen Watermann est chercheur associé, Le STUDIUM.