Le réchauffement de l’océan Austral, une conséquence du changement climatique, menace la viabilité de 60% des plateformes glaciaires antarctiques


Une équipe internationale pilotée par des scientifiques de l’Université Grenoble Alpes et du CNRS au sein de l’Institut des géosciences et de l’environnement de Grenoble (IGE – CNRS/INRAE/IRD/UGA – Grenoble INP-UGA), démontre, dans une étude publiée le 29 octobre 2025 dans le magazine Nature que 60% des plateformes de glaces flottantes situées sur le pourtour de la calotte glaciaire antarctique pourraient être vouées à disparaître sur le long terme.

Ces plateformes freinent aujourd’hui la contribution de la calotte à l’augmentation du niveau des mers. Sous des émissions anthropiques de gaz à effet de serre élevées représentant un réchauffement global de 12°C d’ici 2300, l’océan se réchaufferait, générant une forte fonte sous les plateformes. Ceci entraînerait leur disparition sur le long terme et réduirait donc drastiquement leur rôle de frein, avec des répercussions sur la vitesse de l’augmentation du niveau des mers. Dans un scénario de considérables réductions d’émissions limitant le réchauffement global à 2°C, 63 plateformes sur 64 auraient encore des chances de subsister jusqu’en 2300 voire au-delà.

Les plateformes de glace flottantes sont le talon d’Achille de la calotte Antarctique : elles freinent aujourd’hui l’écoulement de la glace continentale vers l’océan, mais restent extrêmement sensibles au réchauffement de l’atmosphère et de l’océan. Leur disparition accélérerait fortement l’élévation du niveau des mers, un enjeu majeur pour les siècles à venir. Grâce à une méthode inédite prenant en compte l’ensemble des incertitudes climatiques et glaciologiques, y compris les processus encore mal compris de fracturation de la glace ou le vêlage d’iceberg, les scientifiques ont estimé les dates au-delà desquelles certaines plateformes n’ont quasiment plus de chance de subsister à long terme.

Les résultats de cette étude sans précédent montrent que, sur les 64 principales plateformes d’Antarctique, 26 seront condamnées d’ici 2150 si les émissions continuent à augmenter, ce qui correspond à un climat planétaire de 8°C plus chaud que l’époque pré-industrielle. Dans ce même scénario, le réchauffement global atteindrait environ 12°C en 2300 et trente-huit plateformes glaciaires seraient alors condamnées. La cause principale : le réchauffement de l’océan qui ferait fondre les plateformes par en dessous, au-delà de leur seuil de résistance. La perte de ces plateformes retirerait le frein naturel qui retient aujourd’hui d’immenses portions de la calotte glaciaire, ouvrant la voie à une élévation du niveau des mers pouvant atteindre jusqu’à 10 mètres en quelques siècles.

À l’inverse, dans un scénario de réduction drastique des émissions permettant à la planète de rester à moins de 2°C du climat pré-industriel, 63 plateformes sur 64 auraient encore des chances de survivre jusqu’en 2300 voire au-delà. Cette étude confirme donc que les choix d’aujourd’hui en matière de réduction des gaz à effet de serre détermineront directement le futur de l’Antarctique – et celui du niveau des mers dans le monde entier.

 

Pour en savoir plus

Référence
Burgard, C., Jourdain, N., Mosbeux, C., Caillet, J., Mathiot, P. and Kittel, C. Ocean warming threatens the viability of 60% of Antarctic ice shelves. Nature.

Contact scientifique
Clara Burgard
Première auteure et post-doctorante UGA au sein de l’Institut des géosciences et de l’environnement (CNRS/INRAE/IRD/UGA) pendant l’étude, aujourd’hui chercheuse CNRS à l’Institut Pierre Simon Laplace et au Laboratoire d’océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN-IPSL, CNRS/IRD/MNHN/Sorbonne Université)

Clara Burgard


Laboratoire d'océanographie et du climat : expérimentations et approches numériques (LOCEAN)