Coraux en déclin : un renforcement inattendu du puits de carbone océanique
Un travail publié dans PNAS révèle que la réduction future de la calcification corallienne, conséquence du changement climatique, pourrait paradoxalement renforcer l’absorption du CO2 par l’océan. Cette rétroaction climatique négative, encore absente des modèles actuels, pourrait légèrement modifier les estimations du budget carbone mondial.
Véritables piliers de la biodiversité marine, les récifs coralliens sont particulièrement vulnérables au réchauffement et à l’acidification des océans. Leur calcification (formation du squelette en carbonate de calcium), essentielle à la formation des structures récifales, est en déclin rapide.
Lorsqu’ils se calcifient, les coraux sécrètent du carbonates et relarguent du CO2 dans l’eau de mer, ce qui réduit légèrement la capacité de l’océan à absorber du CO2.
Si cette tendance se poursuit, leur dissolution nette pourrait survenir même dans des scénarios d’émissions modérées. Malgré leur importance écologique, ces écosystèmes ne sont pas représentés dans les modèles climatiques actuels du cycle du carbone.
Les auteurs ont utilisé des estimations récentes sur la sensibilité de la calcification corallienne au changement climatique. Ils ont ainsi pu déduire les modifications de la chimie de l’eau de mer résultant de la baisse anticipée de la calcification des récifs à l’échelle mondiale. Ensuite, à l’aide d’un modèle biogéochimique océanique, ils ont simulé l’impact de ces changements chimiques sur l’absorption de carbone par l’océan dans différents scénarios d’émissions, tout en tenant compte de l’incertitude des taux historiques de calcification.

Carbon uptake enhancement extends beyond the regions of coral reefs. The (A), mean ocean anthropogenic carbon uptake in 2081 to 2099 of RCP4.5 and the (B), coral reef-driven anomaly in ocean anthropogenic carbon uptake in 2081 to 2099 of RCP4.5Stippling indicates the distribution of coral reefs. D. R.
Un mécanisme à double tranchant pour la planète
Selon l’étude, cette baisse à venir de la calcification corallienne pourrait augmenter le puits de carbone océanique jusqu’à 1,25 gigatonne de CO2 par an d’ici 2050. Cela représenterait une hausse de 5 % de l’absorption cumulée de carbone par l’océan au cours du XXIe siècle par rapport aux estimations actuelles.
L’augmentation de l’absorption de carbone océanique liée au déclin de la calcification corallienne constitue une rétroaction climatique négative, concept que les modèles climatiques actuels ne prennent pas en compte. Cela pourrait conduire à une révision à la hausse du budget carbone restant, notamment dans la perspective de l’objectif de +2°C fixé par l’Accord de Paris.
Mais cet effet « bénéfique » potentiel sur le climat ne saurait compenser la perte d’écosystèmes essentiels. « Même si ce travail montre que la dégradation des récifs coralliens peut avoir certains effets bénéfiques sur le climat, il ne faut pas oublier que cela a un coût énorme en termes de biodiversité, de protection côtière et de pêche. Les décisions en matière de politique environnementale doivent manifestement prendre en compte bien plus que le seul aspect du carbone. » rappelle Alban Planchat, co-auteur principal. Un avertissement à prendre en considération dans toute politique environnementale.
Pour en savoir plus
Référence
Declining coral calcification to enhance twenty-first-century ocean carbon uptake by gigatonnes. PNAS, 2025
Contact
Laurent Bopp, Laboratoire de météorologie dynamique (LMD-IPSL) •
Source : CNRS Terre & Univers.