Bilan mondial du méthane 2024 : un record d’émission par les activités humaines


qui ne peut plus durer si nous voulons conserver un climat habitable.

Le bilan mondial de méthane 2024 livré le 16 juillet 2024, dans le cadre du Global Carbon Project (GCP), montre que les activités humaines ont émis un record de 400 millions de tonnes métriques de méthane en 2020 et contribuent désormais aux deux tiers des émissions mondiales de méthane. Une équipe de climatologues de plusieurs laboratoires, dont le Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL) souligne les points clefs du bilan.

Les concentrations de méthane ont augmenté plus rapidement au cours des cinq dernières années qu’au cours de n’importe quelle période depuis le début de l’enregistrement des données. Comprendre où et pourquoi cela se produit est un objectif central du Global Methane Budget, une étude menée au sein du GCP. Les deux tiers des émissions mondiales de méthane sont désormais d’origine anthropique, un résultat qui ne peut plus durer si nous voulons conserver un climat habitable.

Les températures moyennes à la surface du globe ont battu tous les records en 2023, à 1,45 ± 0,12 °C au-dessus des niveaux préindustriels (OMM 2024). Le monde n’a pas atteint le seuil de 1,5°C d’augmentation de la température moyenne. Les estimations récentes de Forster et al. (https://essd.copernicus.org/articles/16/2625/2024/) donnent un réchauffement (dû aux activités humaines) estimé de l’ordre de 1,26°C en 2023, auquel se superpose une fluctuation qui pourra possiblement faire temporairement dépasser 1,5°C en 2024, mais on ne le sait pas encore.

Le méthane (CH4) est le deuxième gaz à effet de serre le plus important après le dioxyde de carbone (CO2). Il a contribué à un réchauffement de 0,5 °C dans les années 2010 par rapport à la fin des années 1800, soit un réchauffement correspondant à la moitié de celui lié aux émissions de CO2 (GIEC 2021). Le méthane augmente plus rapidement en termes relatifs que tout autre gaz à effet de serre majeur et est aujourd’hui 2,6 fois plus élevé qu’à l’époque préindustrielle.

 

Sources et puits mondiaux de méthane

Malgré l’attention croissante portée par les politiques au méthane en tant que puissant gaz à effet de serre, les émissions de méthane continuent d’augmenter. Les sources d’émissions les plus importantes sont : les zones humides et les milieux aquatiques (lacs, étangs, rivières, réservoirs…), l’agriculture et les déchets, ainsi que l’extraction, le transport et l’utilisation de combustibles fossiles. Les émissions anthropiques directes issues des estimations utilisant les mesures atmosphériques représentent aujourd’hui environ 65 % des émissions mondiales.

Presque tous les principaux secteurs d’émissions anthropiques ont augmenté de manière substantielle entre 2000 et 2020. Les émissions de méthane provenant de l’extraction, du transport et de l’utilisation des combustibles fossiles sont désormais comparables aux émissions directes de méthane provenant des vaches et d’autres ruminants au niveau mondial, mais les émissions provenant de l’agriculture et des déchets, y compris les décharges, restent environ deux fois supérieures à celles associées aux combustibles fossiles.

 

Mesurer les émissions pour conserver un climat habitable

Le méthane fait l’objet d’une attention croissante de la part des politiques en raison de son potentiel de réduction du réchauffement au cours des prochaines décennies. Une meilleure quantification et attribution des sources de méthane sont nécessaires pour soutenir ces efforts d’atténuation au niveau local, régional et mondial. Des estimations plus proches en temps réel des sources de méthane, par exemple, seront facilitées par de nouveaux satellites tels que MethaneSAT et CarbonMapper, pour identifier et quantifier les superémetteurs de méthane.

Dans le cadre des efforts à venir du Global Methane Budget, il est probable que soient produits des budgets nationaux de méthane pour des pays clés. Les incertitudes concernant les émissions de méthane restent très importantes pour les sources naturelles, telles que les zones humides, les systèmes d’eau douce et les sources géologiques naturelles.

Il est nécessaire de procéder à des évaluations des émissions de CH4 dans les eaux douces intérieures à l’aide de modèles basés sur les processus et reposant sur des délimitations de systèmes et des protocoles de simulation communs.

 

 


 

Pour aller plus loin

Le Global Carbon Project (Projet mondial sur le carbone), créé en 2001, est un projet de recherche mondial qui vise à mobiliser la communauté scientifique internationale dans le but d’établir une base de connaissances commune sur le carbone. Il se concentre sur les cycles biogéochimiques mondiaux du dioxyde de carbone, du méthane et de l’oxyde nitreux, notamment sur leurs facteurs naturels et humains, ainsi que sur les possibilités de réduire les émissions de carbone. Le projet vise à soutenir le débat politique et les actions en ce sens.

 

Message clé 1
Les activités humaines sont aujourd’hui responsables d’au moins deux tiers des émissions mondiales de méthane.Message clé 2
Les concentrations de méthane dans l’atmosphère ont augmenté plus rapidement que jamais au cours des cinq dernières années.

Message clé 3
Les concentrations de méthane, le deuxième contributeur le plus important du réchauffement climatique, augmentent à une vitesse plus rapide que celles prévues par les scenarios du GIEC.

Message clé 4
À ce jour, nous n’avons pas encore réalisé de décroissance des émissions de méthane à l’échelle mondiale.

Message clé 5
Alors que les émissions mondiales de CO2 provenant des activités humaines (combustibles fossiles, et le changement d’utilisation des sols) sont restées stables au cours de la dernière décennie, les émissions mondiales de CH4 ont augmenté de manière substantielle en lien avec les secteurs des combustibles fossiles, de l’agriculture et des déchets.

Message clé 6
Les tendances des émissions de CH4 provenant des activités humaines suivent les scenarios proposés par le GIEC qui supposent des politiques d’atténuation minimales ou inexistantes, et ne sont pas compatibles avec l’engagement de réduction de 30% du Global Methane Pledge d’ici à 2030.

 

 

Points clés

Les émissions de CH4 provenant des activités humaines ont augmenté de 20% (61 millions de tonnes de CH4 par an) au cours des deux dernières décennies.

Les sources anthropiques directes de CH4 comprennent les émissions provenant de l’exploitation et de l’utilisation des combustibles fossiles, de l’agriculture, du traitement des déchets et de la combustion de la biomasse et des biocarburants. Ces sources représentent environ 60% des sources totales de CH4. En incluant les autres émissions indirectes liées aux activités humaines (par exemple des rivières, réservoirs, lacs…) l’ensemble des émissions liées aux activités humaines représentent au moins les deux tiers des émissions terrestres (naturelles et anthropiques) de CH4.

Les émissions de méthane provenant des combustibles fossiles sont désormais comparables aux émissions de méthane des vaches et autres ruminants à l’échelle mondiale, mais les émissions globales de l’agriculture et du secteur des déchets (par exemple, les ruminants, les rizières, les décharges) restent environ deux fois supérieures à celles associées aux combustibles fossiles.

L’accumulation de CH4 dans l’atmosphère s’est accélérée au cours de la dernière décennie, avec des taux de croissance des trois dernières années (2020-2022) plus élevées que tous les taux observés depuis 1986, date à laquelle des mesures atmosphériques fiables et régulières ont commencé à être faites.

La concentration de CH4 a atteint 1923 parties par milliard (en moyenne annuelle) en 2023, soit une augmentation d’un facteur 2.6 par rapport au niveau préindustriel (722 parties par milliards) et la valeur la plus élevée depuis au moins 800 000 ans.

Les concentrations atmosphériques de CH4 observées au cours de la dernière décennie suivent les tendances des trajectoires des gaz à effet de serres futures les plus pessimistes utilisées par le GIEC, conduisant à des températures moyennes mondiales supérieurs à 3°C d’ici la fin du siècle.

Pour des trajectoires d’émissions nettes nulles conformes à l’Accord de Paris (stabilisation des températures en dessous de 2°C) par rapport aux niveaux préindustriels), les émissions anthropiques de CH4 doivent diminuer de 45% par rapport aux niveaux de 2019 d’ici à 2050

Les cinq principaux pays émetteurs en volumes de CH4 anthropiques en 2022 sont la Chine (16%), L’Inde (9%), les États-Unis (7%), le Brésil (6%) et la Russie (5%). L’Union européenne des 27 est 6e et représente 4% des émissions anthropiques mondiales

L’Union Européenne et l’Australasie (Australie + Nouvelle Zélande) ont réussi à réduire leurs émissions anthropiques de CH4 au cours des deux dernières décennies.

Le principal émetteur de CH4 provenant de l’exploitation du charbon est la Chine (53%).  Les principaux émetteurs de CH4 provenant du secteur du pétrole et du gaz sont le Moyen-Orient (24%), la Russie (18%) et les États-Unis (12%).

 

Méthane 101

1. Le méthane (CH4) est le second gaz à effet de serre anthropique le plus important (après le dioxyde de carbone CO2) à l’origine du réchauffement climatique induit par l’Homme.
2. Le CH4 est un gaz à effet de serre 28 fois plus puissant que le CO2 à un horizon de 100 ans, et 80 fois plus puissant que le CO2 à un horizon de 20 ans.
3. La durée de vie du CH4 dans l’atmosphère est d’environ 9 ans, ce qui signifie que sur une tonne de CH4 émise aujourd’hui, environ la moitié sera oxydée (disparue) de l’atmosphère dans 9 ans. Seulement 10 % des émissions resteront dans l’atmosphère 30 ans après le rejet initial, et le CH4 aura presque entièrement disparu après 50 ans. Cela fait du CH4 une bonne cible pour l’atténuation climatique à court terme.
4. Les émissions de CH4 dues aux activités humaines sont responsables de 16 % du forçage radiatif effectif des gaz à effet de serre et ont contribuer à environ 0,5°C du réchauffement climatique actuel.
5. En raison de l’augmentation des émissions anthropiques de CH4, les concentrations de CH4 dans l’atmosphère sont désormais 2,6 fois supérieures à leur niveau préindustriel (1750).
6. Au-delà de ses impacts climatiques, le CH4 est un précurseur de l’ozone troposphérique, un gaz à effet de serre et un polluant pour la qualité de l’air, nocif pour la santé et les écosystèmes.

 

Références et liens utiles

  • Saunois, M., Martinez, A., Poulter, B., Zhang, Z., Raymond, P., Regnier, P., Canadell, J. G., Jackson, R. B., Patra, P. K., Bousquet, P., Ciais, P., Dlugokencky, E. J., Lan, X., Allen, G. H., Bastviken, D., Beerling, D. J., Belikov, D. A., Blake, D. R., Castaldi, S., Crippa, M., Deemer, B. R., Dennison, F., Etiope, G., Gedney, N., Höglund-Isaksson, L., Holgerson, M. A., Hopcroft, P. O., Hugelius, G., Ito, A., Jain, A. K., Janardanan, R., Johnson, M. S., Kleinen, T., Krummel, P., Lauerwald, R., Li, T., Liu, X., McDonald, K. C., Melton, J. R., Mühle, J., Müller, J., Murguia-Flores, F., Niwa, Y., Noce, S., Pan, S., Parker, R. J., Peng, C., Ramonet, M., Riley, W. J., Rocher-Ros, G., Rosentreter, J. A., Sasakawa, M., Segers, A., Smith, S. J., Stanley, E. H., Thanwerdas, J., Tian, H., Tsuruta, A., Tubiello, F. N., Weber, T. S., van der Werf, G., Worthy, D. E., Xi, Y., Yoshida, Y., Zhang, W., Zheng, B., Zhu, Q., Zhu, Q., and Zhuang, Q.: Global Methane Budget 2000–2020, Earth Syst. Sci. Data Discuss. [preprint], https://doi.org/10.5194/essd-2024-115, in review, 2024.
  • Jackson RB, M Saunois, A Martinez, JG Canadell, X Yu, M Li, B Poulter, PA Raymond, P Regnier, P Ciais, SJ Davis, PK Patra. Human activities now fuel two-thirds of global methane emissions
  • Global Methane Budget paper en pre-print. Journal : Earth System Science Data (2024). Accès libre : https://essd.copernicus.org/preprints/essd-2024-115/ 2024.
  • Pour plus de ressources sur cette version et la disponibilité des données, visitez Global Carbon Project :
    https://www.globalcarbonproject.org/methanebudget/
  • Données sur les émissions et interface d’affichages des émissions nationales dans le Global Carbon Atlas: https://globalcarbonatlas.org/

 

Contact

Marielle Saunois


Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement (LSCE-IPSL)