L’éventail des climats possibles


Les événements extrêmes sont, par définition, de nature météorologiques, localisés et ponctuels. Pourtant, les climatologues s’approprient ces données individuelles pour en tirer des conclusions sur l’état du climat présent et les possibilités du climat futur.

« Si on considère un événement seul, on n’étudie pas le climat, on est dans le domaine de la météorologie », affirme Davide Faranda, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL). Chef de l’équipe ESTIMR, ses travaux visent à comprendre les variations du climat sur différentes échelles : « notre but est de mettre les événements extrêmes dans un contexte climatique », précise-t-il. Si les météorologues prédisent la pluie et le beau temps des prochains jours, l’objet d’étude des climatologues ne leur permet pas d’atteindre un tel degré de précision : « On ne cherche pas à savoir s’il y aura une vague de froid le 4 décembre 2050, mais plutôt combien il y en aura en moyenne durant la décennie 2050-2060. Même si le climat n’est pas prévisible, les statistiques du climat le sont », illustre Davide.

Ainsi, climat et météo trouvent un terrain commun. En conduisant des analyses statistiques sur les données météorologiques depuis des dizaines d’années, les climatologues s’accordent à dire que la fréquence des événements extrêmes a clairement augmenté : « peu importe la variable étudiée, l’échelle ou le modèle choisi, on voit que la probabilité de ces événements dans le monde actuel est plus importante que dans un monde sans impacts humains », affirme le chercheur. Pour faire les prédictions sur l’évolution des événements extrêmes, les climatologues gardent constamment un œil sur les données accumulées par le passé. Elles permettent de tester la fiabilité des modèles, mais aussi d’avoir un point de comparaison avec les données que l’on enregistre aujourd’hui.

L’œil dans le rétro

Malgré l’amélioration de la surveillance de notre planète avec l’apparition des satellites, les données incomplètes du passé plus lointain laissent un vide difficile à combler. De cette lacune, les chercheurs héritent de difficultés à prédire l’évolution de certains phénomènes : « Par exemple, même si on sait que l’intensité des ouragans va augmenter, on a du mal à prédire l’évolution de la fréquence de ces événements, parce que même si on arrive à les simuler avec les modèles climatiques, on n’a pas de bonnes statistiques du passé », explique Davide. De fait, avant d’avoir une vue globale de notre planète, il était simplement impossible de connaitre l’existence des ouragans qui ne touchaient pas terre. Dans ce cas, l’amélioration de la détection de ces dernières dizaines d’années pourrait-elle être à l’origine de cette tendance à percevoir plus d’événements extrêmes ? Pour Davide, « ce biais existe. Mais en réalité on ne valide les modèles qu’avec de très longues séries de données, qui viennent de stations météo historiques. Ensuite, pour les analyses on ne s’en réfère qu’aux modèles, qui sont donc dépourvus de ce biais. »

Malgré certaines incertitudes, l’amélioration récente des modèles climatiques dévoile aux chercheurs des éléments précis sur le futur : « Par exemple, les vagues de chaleur vont devenir plus intenses à cause de l’élévation globale des températures, explique Davide, mais il y a un effet supplémentaire qui s’ajoute à cela : le ralentissement de circulation atmosphérique en été fait que les anticyclones deviennent plus persistants sur l’Europe. » L’addition de ces deux phénomènes augmentent la fréquence et l’intensité de ces épisodes. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres : « ces prédictions sont l’un des aspects les plus importants du dernier rapport du Giec », nous dit Davide. Ainsi, à mesure que le temps passe et que les techniques s’améliorent, notre futur se dessine aux yeux des chercheurs qui savent décrypter notre passé climatique.

Par Marion Barbé pour l’IPSL

Pour en savoir plus

Retrouvez l’ensemble du projet Mozaïka : Vous avez dit extrême ?

Découvrez EDIPI, un projet doctoral européen visant à étudier les événements extrêmes, dont la partie française du projet est coordonnée par Davide Faranda (sur Twitter : @edipi_project) et le projet BOREAS qui vise à mieux comprendre comment le changement climatique affecte les forts épisodes neigeux en Europe.

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Davide Faranda


LSCE-IPSL