Premières preuves de l’existence d’une exoplanète océan grâce au télescope spatial James Webb
Une équipe de planétologues du CNRS1, en collaboration avec des astronomes de l’Université de Montréal, vient d’apporter les premières preuves tangibles montrant que l’exoplanète tempérée LHS1140b pourrait être une planète océan.
Cette planète, située à environ 48 années-lumière du système solaire dans la constellation de la Baleine, avait été observée ces dernières années par les télescopes spatiaux Hubble, Spitzer, TESS et l’instrument ESPRESSO situé sur le télescope VLT au Chili. Ces observations, sur lesquelles les équipes du CNRS et de l’Université de Montréal avaient déjà collaboré, avaient alors permis de mesurer avec précision la masse et le rayon de LHS1140b, révélant la faible densité de la planète. Cette faible densité suggère la présence d’une épaisse enveloppe d’hydrogène et d’hélium et/ou d’une importante quantité d’eau sur la planète.
En observant LHS1140b en décembre 2023, le télescope spatial James Webb (JWST) et son instrument NIRISS ont démontré2 que la planète a aujourd’hui perdu son enveloppe d’hydrogène et d’hélium. Ce résultat surprenant a été confirmé par une analyse indépendante et simultanée réalisée avec un autre instrument du JWST, le NIRSpec, opérant à des longueurs d’onde différentes de celle du NIRISS. Cela implique donc que la faible densité de la planète est due à une quantité d’eau bien plus importante que sur Terre3. Compte tenu de la distance entre la planète et son étoile, cette eau a toutes les chances de se trouver au moins en partie sous forme liquide4, formant des océans en surface et/ou dans la sous-surface de la planète.
Cette conclusion, qui constitue le premier résultat prometteur du JWST dans l’étude des planètes potentiellement habitables5, est publiée le 8 juillet dans la revue The Astrophysical Journal Letters.
De futures observations devraient permettre de caractériser la composition chimique de l’atmosphère de cette planète de type « super-Terre », qui est 1,7 fois plus grande que la Terre et 5,6 fois plus massive.
Pour en savoir plus
1. Les laboratoires français travaillant sur cette étude sont le Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS/École Polytechnique/ENS – PSL/Sorbonne Université), le Laboratoire d’astrophysique de Bordeaux (CNRS/Université de Bordeaux) et le Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris – PSL/CNRS/Sorbonne Université/Université Paris Cité).
2. Pour caractériser l’atmosphère d’exoplanètes, les scientifiques utilisent la méthode de la spectroscopie de transit.
3. Si la composition rocheuse de LHS1140b est similaire à celles des planètes du système solaire, l’eau représenterait environ 10 à 20 % de la masse de la planète (quand l’eau des océans sur Terre représente environ 0,02 % de sa masse).
4. Dans le cas où LHS1140b possèderait une atmosphère semblable à celle de la Terre, des simulations numériques du climat montrent que la température de surface de cet océan extraterrestre pourrait atteindre des températures de l’ordre de 30 degrés Celsius.
5. Le télescope JWST cible depuis deux ans déjà le système planétaire TRAPPIST-1, composé de sept planètes rocheuses de tailles, masses et températures similaires à la Terre. Depuis, les scientifiques ont montré que certaines de ces planètes avaient perdu leur atmosphère, rendant impossible l’existence d’océans et donc de vie sur ces planètes. Cela n’est très probablement pas le cas de la planète LHS1140b, qui, grâce à sa masse cinq fois plus importante et donc à sa gravité presque deux fois plus élevée, est bien plus à même d’avoir conservé son atmosphère. De ce point de vue, elle s’avère ainsi plus intéressante encore à étudier que les planètes du système TRAPPIST-1, dans la recherche de planètes habitables.
Référence
Transmission Spectroscopy of the Habitable Zone Exoplanet LHS 1140 b with JWST/NIRISS. Charles Cadieux, René Doyon, Ryan J. MacDonald, Martin Turbet, Etienne Artigau, Olivia Lim, Michael Radica, Thomas J. Fauchez, Salma Salhi, Lisa Dang, Loïc Albert, Louis-Philippe Coulombe, Nicolas B. Cowan, David Lafreniere, Alexandrine L’Heureux, Caroline Piaulet-Ghorayeb, Björn Benneke, Ryan Cloutier, Benjamin Charnay, Neil J. Cook, Marylou Fournier-Tondreau, Mykhaylo Plotnykov et Diana Valencia. The Astrophysical Journal Letters, le 8 juillet 2024.
Contacts
Martin Turbet • LMD-IPSL •