L’ascension renversante de l’inversion atmosphérique


L’inversion atmosphérique, une technique prometteuse

L’inversion atmosphérique, présentée ici par Frédéric Chevallier du Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL), a le vent en poupe. Cette approche émerge fortement pour surveiller les émissions et les absorptions de gaz à effet de serre à la surface du globe. Elle bénéficie de développements numériques, de l’extension des systèmes d’observations et d’une attente sociétale croissante à la suite des accords de Paris.

« Quand on parle d’inversion atmosphérique, ce qui est inversé, c’est un modèle de chimie-transport atmosphérique » définit Frédéric Chevallier (F.C.), « on essaie de remonter le temps, en partant des conséquences (les concentrations atmosphériques observées) pour remonter aux causes (les émissions et les absorptions du gaz étudié), en connaissant les champs de vent et les lois de la physique » ajoute-t-il. En amont du processus d’inversion, on peut deviner l’influence de certaines émissions sur les concentrations, avec la présence de panaches (valeurs plus fortes localement) dans les champs de concentrations observées. De même, l’absorption d’un gaz par un écosystème tend à diminuer les concentrations de ce gaz en aval du vent. « On ne peut identifier avec certitude la configuration des flux de gaz à effet de serre qui ont généré les observations, mais on peut identifier la configuration la plus probable, avec une barre d’erreur autour de celle-ci » explique F.C. L’inversion atmosphérique s’inscrit dans une approche statistique générique qui a été initiée au XVIIIe siècle par Pierre-Simon Laplace et qui guide aujourd’hui les principales méthodes d’assimilation de données. Le sens du temps est inversé dans un modèle numérique de chimie-transport pour estimer les puits et les sources d’un constituant (dioxyde de carbone, méthane, polluant, etc.).

Cette méthode d’estimation se place progressivement aux côtés des méthodes comptables dites “montantes”, plus classiques. Dans le cadre de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), les pays développés ont l’obligation légale de rapporter leurs émissions de gaz à effet de serre chaque année, suivant un protocole défini par le GIEC, Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Ce protocole inclut l’inversion atmosphérique parmi les méthodes souhaitables pour le contrôle de la qualité des feuilles de rapportage. L’inversion atmosphérique apparaît aussi dans les contributions au premier “Bilan mondial” mis en place par l’accord de Paris sur le climat, et qui sera finalisé en 2023.

La place de l’inversion atmosphérique dans les rapports et les synthèses de la CCNUCC n’est pourtant pas évidente. L’inversion s’intéresse aux flux entre la surface du globe et l’atmosphère, mais les rapports de la CCNUCC décrivent les changements de stocks. L’inversion atmosphérique repose aussi sur la direction du vent, qui ne connaît pas les frontières administratives des rapports.  Par ailleurs, des contraintes numériques et instrumentales limitent encore la résolution spatiale des estimations inverses, donnant plus difficilement accès aux bilans des émissions et des absorptions des pays de taille moyenne ou petite, ou aux sous-divisions administratives nationales. Enfin, seules les activités anthropiques sont mentionnées dans les rapports du la CCNUCC: « on ne prend en compte que les forêts gérées par l’Homme » illustre F.C, « pour autant, toutes les forêts contribuent aux concentrations observées ». « Il y a des progrès lents, mais nets sur tous les défis qui se présentent pour renforcer l’utilité des inversions » affirme F.C.

Les chercheurs de l’Institut Pierre-Simon Laplace (IPSL) ont besoin de données très précises sur les concentrations, en très grande quantité et disponibles rapidement, afin de cartographier les émissions et les absorptions par inversion. Ils développent notamment une approche originale par réseaux de neurones pour analyser les spectres électromagnétiques mesurés par satellite et en déduire les concentrations atmosphériques. Surtout, le  Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL), mène un effort international pour mutualiser les développements des systèmes inverses et favoriser les inter-comparaisons, sous la forme d’un logiciel collaboratif ouvert.

L’inversion atmosphérique est donc un domaine de recherche particulièrement actif et en expansion, qui a l’ambition d’être utilisé bien au-delà du cercle scientifique.

 

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Frédéric Chevallier


Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement