En marge du paysage médiatique, le climat…


…peine à s’imposer dans le débat public

Alors que l’urgence climatique se fait toujours plus pressante, les problématiques climatiques restent peu traitées par les grands médias. Pourtant, une information de qualité et accessible à tous est nécessaire pour la tenue d’un débat démocratique éclairé.

Durant les deux mois précédant le premier tour de l’élection présidentielle, le changement climatique a été le grand absent du débat public. Alors que le GIEC a publié le troisième volet de son rapport et que la campagne présidentielle préparait les citoyens à un choix dessinant la politique de ces cinq prochaines années, ce thème n’a représenté que 3.6% du temps médiatique en moyenne (baromètre de l’association l’Affaire du siècle). C’est un constat que partage depuis plusieurs années Jeanne Gherardi-Scao, enseignante-chercheuse au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE-IPSL) : « Le traitement de la question dans les grands médias est anecdotique ou superficiel. Ce qui fait la une, ce sont les événements extrêmes, où le contexte du changement climatique peut être mentionné, mais même là ce n’est pas systématique », énonce-t-elle. Le sujet est-il trop anxiogène ou trop complexe ?
Sa lecture sur le temps long est-elle incompatible avec le besoin d’actualités des grands médias ?

Pour la chercheuse, un traitement de qualité est possible : « L’information existe », affirme-t-elle. « Personnellement, je consulte plusieurs médias qui couvrent le sujet, ce qui me donne parfois le sentiment qu’il est suffisamment évoqué. Mais en réalité nous avons tous tendance à nous créer une bulle cognitive par le choix de nos sources d’informations. » Ainsi, les personnes déjà sensibilisées aux enjeux environnementaux savent où chercher ces informations, tandis que d’autres s’en trouvent entièrement privées. « Je suis souvent frappée quand je parle de climat avec des personnes en dehors de mon cercle socio-professionnel : les informations que j’ai ne sont pas les mêmes que les leurs », ajoute la chercheuse.

Le journaliste, un lien entre science et société

Une part du problème se jouerait alors à une échelle réduite. Un enjeu, selon Jeanne Gherardi-Scao, serait de « réussir à identifier la manière de sensibiliser les rédactions et valoriser ce sujet, car le choix de s’en saisir ou non varie beaucoup en fonction du rédacteur en chef. » Amener les journalistes à informer sur la réalité du changement climatique, tel est l’objectif qui, en 2017, a motivé la création du master Climat et médias dans lequel enseigne Jeanne Gherardi-Scao. Créée conjointement par l’Institut Pierre Simon Laplace, l’Université Paris-Saclay et l’Ecole Supérieure de Journalisme de Lille, cette formation vise à former les professionnels de l’information sur les enjeux climatiques et à imaginer les nombreuses manières d’aborder ce thème.

Car pour la chercheuse, le regard journalistique possède une réelle plus value : « Il permet d’aborder le sujet dans sa globalité et d’évoquer des enjeux sociétaux assez larges. Ce n’est pas une chose simple à faire mais la capacité des journalistes à synthétiser l’existant est précieuse. » De fait, le changement climatique s’invite dans une très large diversité de domaines, de l’agriculture aux transports en passant par l’urbanisme ou l’énergie : il bouleverse profondément nos sociétés et demande des évolutions conséquentes impliquant le débat démocratique. « De manière générale, je trouve dommage que les sujets liés au changement climatique soient déconnectés des enjeux sociétaux. Je pense qu’il y a un travail considérable à faire de ce côté-là », commente Jeanne Gherardi-Scao.

Par Marion Barbé pour l’IPSL

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