Soutenance

Dans le contexte des changements globaux (réchauffement et acidification des océans) potentiellement couplés à des facteurs anthropiques locaux (ex : pollution, eutrophisation, surpêche, etc…), les récifs coralliens sont parmi les écosystèmes marins les plus menacés. Ces changements affectent à la fois les coraux constructeurs de récifs, et les agents de la bioérosion (principale force de dégradation), en particulier la microflore perforante, agent clé de la dissolution biogénique des carbonates. Ainsi la calcification corallienne et par là même, la calcification récifale, tend à diminuer alors que la dissolution des carbonates augmente. Des études et modèles suggèrent que d’ici la fin du siècle, de plus en plus de récifs coralliens pourraient basculer vers un bilan des carbonates négatif (dissolution > calcification) conduisant à des pertes physiques de récifs, et ce, d’autant plus rapidement que les processus de dissolution récifale semblent plus sensibles à l’acidification des océans que la calcification récifale. Ceci aurait bien évidemment des conséquences majeures pour les populations dont la survie dépend de ces écosystèmes (1/15 de la population mondiale), la biodiversité marine (1/4 se trouve dans ces écosystèmes) et l'érosion des côtes (les barrières récifales protégeant le littoral et les îles de l'assaut des vagues, cyclones et autres évènements catastrophiques).

Globalement, les organismes calcifiants et l’accrétion récifale ont reçu une large part de l’attention de la communauté scientifique, surtout depuis l’intensification des phénomènes de blanchissement corallien (avec mortalité corallienne importante) et l’émergence de la problématique ‘acidification des océans’. A l’inverse, les processus de dissolution récifale ont été bien moins étudiés et généralement considérés comme négligeables. C'est en ce sens que j'ai développé mes recherches depuis ma thèse et qu'au cours des 10 dernières années j'ai contribué à montrer l’importance du processus de bioérosion et surtout de dissolution dans le bilan des carbonates et le maintien des récifs. Parmi les processus de dissolution, - dissolution chimique liée au pH de l’eau de mer, dissolution induite par l’activité bactérienne et dissolution biogénique liée au métabolisme des microflores et macrofaunes perforantes-, la variabilité spatio-temporelle du processus de dissolution biogénique due à la microflore perforante a reçu le moins d’attention.

Lors de ma soutenance, Je montrerai le rôle important joué par cette microflore composée de cyanobactéries, micro-algues et champignons perforants, dans le cycle biogéochimique du carbone et des carbonates via son implication dans (i) la production primaire et (ii) la dissolution récifale, en synergie avec les bioérodeurs brouteurs (ex: oursins et poissons perroquets). Je présenterai des résultats obtenus principalement dans l'océan Pacifique à différentes échelles spatio-temporelles (de l'holobionte corail à l'écosystème, et de la journée à l'année) et sous diverses conditions environnementales (pH, T°C, eutrophisation, turbidité,...), ainsi que les nouveaux développements dans l'océan Indien. L'un des principaux objectifs de mes recherches est de mieux comprendre l'influence de la dissolution biogénique sur le cycle biogéochimique des carbonates afin d'améliorer les modèles prédictifs du devenir des récifs coralliens, mais aussi leur préservation et leur conservation.