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Camille RISI

 

Camille Risi est chercheure au Laboratoire de Météorologie Dynamique à l'Université Pierre et Marie Curie. En 2009, elle a soutenu sa thèse sur les isotopes de l'eau et obtenu un poste CNRS en 2011. Dans son enfance, cette future modélisatrice, spécialisée dans la composition isotopique de l'eau, n'imaginait pas faire un jour de la recherche. Aujourd'hui passionnée, Camille Risi multiplie les interventions auprès du grand public et des jeunes pour faire connaître le vrai visage des chercheurs et leur rôle dans la société.

 

 

Camille Risi, vous êtes chercheure au Laboratoire de Météorologie Dynamique . Qu’est-ce qui vous a poussé vers la recherche ? Quel est votre parcours ?

Je n’ai jamais rêvé d’être chercheure étant petite. Mon entourage familial n’était pas dans la recherche et on me disait d’ailleurs que c’était un domaine inaccessible dans lequel il était très difficile d’entrer sans un coup de pouce. En fait, j’avais envie de faire de longues études, d’aller le plus loin possible. Et me voilà ! Je suis très contente de ce que je fais, je suis passionnée par mon métier même si ce n'était pas ma vocation.

 

Après avoir obtenu mon baccalauréat S, j’ai fait une préparation aux grandes écoles, en biologie, non pas parce que la biologie me plaisait plus que les autres disciplines mais car il me semblait qu’il suffisait d’apprendre et que j’étais capable de le faire. Finalement, au bout de deux ans, je me suis rendue compte que je préférais les mathématiques et la physique. C'est ainsi qu'en entrant à l’ Ecole Normale Supérieure à Paris , je me suis orientée vers les sciences de la Terre, où la physique était appliquée de manière concrète. J’ai particulièrement apprécié le cours sur l’atmosphère dispensé par Frédéric Hourdin, du Laboratoire de Météorologie Dynamique. J’ai d'ailleurs fait mon stage de première année de licence de l’ENS avec lui au LMD et j’ai décidé de me spécialiser dans les sciences de l’atmosphère. En 2005, j’ai obtenu mon agrégation en Sciences de la vie et de la terre et en 2006, mon Master 2 OACT (océan atmosphère climat télédétection). J'ai alors commencé à travailler sur ma thèse intitulée « Les isotopes de l’eau : applications à l’étude du cycle de l’eau et des variations du climat », sous la direction de Sandrine Bony, du LMD et de Jean Jouzel, du LSCE . J’ai soutenu ma thèse en 2009. Un post-doctorat de 18 mois à l’ Université du Colorado à Boulder a suivi. J’ai obtenu un poste de chercheure CNRS à ma seconde présentation, en 2011.

 

Je pense avoir eu beaucoup de chance car ma directrice de thèse m’a proposé un sujet porteur et m’a beaucoup épaulée et conseillée, elle m’a aussi incité à beaucoup publier.

 

 

Camille Risi



En quoi consiste votre travail ?

 

Le but général de mon travail est d'évaluer le réalisme des modèles utilisés pour les projections climatiques en utilisant les mesures de composition isotopiques de l’eau selon trois axes : (1) évaluer les processus atmosphériques (nuages, orages...) qui sont des sources majeures d'incertitude pour les projections climatiques, (2) étudier le cycle continental de l’eau (par exemple, la proportion de pluie qui part dans les rivières ou qui est recyclée par évaporation), et (3) exploiter la composition isotopique enregistrée dans les archives paléo-climatiques pour reconstituer les variations passées du climat et tester la capacité des modèles à simuler de telles variations.

 

En pratique, la plus grande partie de mon travail consiste à communiquer dans tous les sens du terme : je rédige des articles, je participe à des réunions, j'échange avec mes collaborateurs, je lis beaucoup d’articles et je conçois des posters ou des exposés. Etant modélisatrice et ne faisant pas de mesures, je dois être informée des recherches de mes collègues et collaborer avec eux pour obtenir des données. En retour, je suis en mesure de leur fournir les modèles qui leur permettront d’interpréter leurs données. Environ un quart de mon activité est consacré au développement des modèles numériques ou de programmes informatiques. Enfin, le reste est consacré à l’interprétation des résultats et à la recherche de pistes futures.

 

 

 

 

 

 

 

 

Au cours de la campagne AMMA ( Analyses Multi-disciplinaires de la Mousson Africaine ) nous avons étudié la ligne de grain (orage typique du Sahel) qui s'est propagée au-dessus de Niamey le 11 août 2006. Je commençais alors tout juste ma thèse. Cette ligne de grain a été observée par le radar pluie du MIT (animation). On y distingue une zone convective (de forte pluie) à l'avant, et une zone stratiforme à l'arrière. Cette ligne de grain a aussi été observée par le radar nuage ARM, révélant sa structure verticale (figure a). Nous avons échantillonné la pluie de cet orage toutes les 5 minutes pour en mesurer sa composition isotopique, quantifiée par l'anomalie de concentration en H218O en pour mille (figure b). Mes travaux de modélisation ont permis de comprendre ce signal (figure c). La concentration en H218O reflète les subsidences convectives et méso-échelles d'une part, et la ré-évaporation des gouttes de pluie d'autre part. En retour, nous essayons d'exploiter les mesures de composition isotopique de l'eau pour mieux évaluer la représentation des systèmes convectifs dans les modèles de climat.



Quelle a été est votre première expérience scientifique ?

Ma première expérience scientifique a été mon stage de licence au LMD. Il m’a tellement plu que j’y suis toujours ! J’y ai ensuite fait mon stage de M2, de thèse et je compte y rester un certain temps...

 

 

Des rencontres ont-elles orienté votre parcours ?

La rencontre décisive pour moi a été celle avec ma directrice de thèse, Sandrine Bony, en 2006. C’est une personne que j’admire et que je considère comme un modèle. Elle est brillante, très diplomate et humaine. Au cours de ma thèse, elle a toujours su répondre précisément à mes questions, même quand elles n’étaient pas très clairement formulées. Elle m’a permis d’avoir une certaine liberté dans mon travail et de prendre des initiatives. Si un jour j’ai des thésards, j’essaierai de suivre son exemple.

 

 

Vous a-t-il semblé difficile d’en arriver là ?

J’ai eu beaucoup de chance tout au long de mon parcours. Toutefois, je pense qu’il est moralement difficile de faire des études si longues et d’attendre si longtemps pour avoir un poste. Il en est certainement de même pour tous ceux qui s’engagent dans cette voie. Personnellement, mon post-doctorat a été une période très stressante car c’était une période de transition le temps de trouver un poste permanent. Ceci dit, j’avais l’agrégation en poche. J’ai aussi eu la chance qu’on me pousse à me présenter aux différents prix que j’ai obtenus suite à ma thèse, ce qui me donnait plus de chances d’être embauchée dans la recherche.

 

 

Qu’est-ce qui vous plaît dans votre travail ?

Mon travail me procure une très grande liberté, aussi bien dans le choix des sujets, qu’au niveau de l’organisation de mon planning et de la flexibilité de mes horaires. J’aime comprendre : je suis frustrée lorsque je n’arrive pas à comprendre certaines choses et cela me pousse à vouloir avancer. Je suis satisfaite quand toutes les pièces du puzzle sont rassemblées en un ensemble cohérent.

 

J’ai aussi un grand besoin de me rendre utile à la société en général. Mon travail me permet de le faire à travers les actions de vulgarisation auxquelles je participe : je donne des conférences en lycées et en primaire, j’anime la fête de la science et j’encadre des stagiaires.

 

 

Qu’aimeriez-vous changer dans votre métier ?

J’en suis au stade où je n’ai pas encore trouvé mon rythme de croisière et je n’ai pour le moment rien à revendiquer. En fait, c’est ma façon de m’organiser et de travailler que je souhaiterais améliorer. Je dois apprendre à mieux me gérer car j’ai tendance à me disperser en faisant trop de choses et je ne trouve pas le temps d'avancer dans mon travail de recherche et de le publier autant que je le voudrais. Contrairement à la majorité de mes collègues qui ont plus d’ancienneté que moi, je ne suis pas encore obligée de consacrer une partie importante de mon temps à chercher des financements de projets plutôt qu'à travailler sur ma recherche, mais ça viendra !

 

 

Quelles qualités faut-il avoir pour travailler dans la recherche ?

Il faut être persévérant et patient. Par exemple, le développement d'un modèle ou d'une partie de modèle est un travail de longue haleine qui peut prendre des mois, voire des années. Il arrive aussi parfois qu’on travaille plusieurs mois sur des pistes qui n’aboutissent pas ou sur des idées que d'autres collègues publient avant nous.

 

Il faut aussi avoir de bonnes qualités relationnelles et diplomatiques : la collaboration entre chercheurs est essentielle. Certains collègues sont spécialisés dans les données, d’autres - c’est mon cas - dans les modèles. Il est important d'interagir avec des collègues aux compétences variées pour pouvoir tirer profit de manière optimale des différents moyens d'observation et de modélisation disponibles. Lorsque la poursuite d'un objectif scientifique nécessite de synthétiser différents types de données et modèles, les échanges et collaborations deviennent indispensables.

 

 

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui veut faire carrière dans la recherche publique ?

Je lui dirais qu’il doit être avant tout déterminé et courageux. Les études sont très longues, il faut trouver un poste, ce qui n’est en général pas facile. Moralement, il n’est pas facile de se dire qu’on va être dans une situation instable jusqu’à 28 ou 30 ans, ce n’est pas du tout anodin au niveau de sa vie privée.

 

 

Si vous n’étiez pas chercheure, que seriez-vous ?

J’aime bien enseigner, je serais donc professeur agrégé.

Enfant, je rêvais d’être artiste peintre ou sportive de haut niveau. Finalement, j’ai pris une voie différente car je voulais faire de longues études. Dès mon entrée à l’ENS, j’ai su que je voulais être fonctionnaire et, à partir de ce moment-là, je n’ai pas imaginé travailler un jour dans le privé. Je me sens plus utile en travaillant dans la fonction publique en cherchant, en enseignant ou en communiquant auprès du grand public.

 

 

Quelle est votre conclusion ?

Bien que je n’aime pas tellement me mettre en avant, j’ai accepté ce portrait car je pense qu’il est important pour les chercheurs de communiquer auprès du public. J’ai le sentiment que parfois les chercheurs ne sont pas bien perçus par un public qui ne sait ni qui ils sont, ni ce qu’ils font, ni pourquoi ils le font. Il faut casser le cliché du chercheur enfermé dans sa bulle, déconnecté de la réalité et montrer, au contraire, que les chercheurs sont des personnes comme les autres et qu'ils ont un vrai rôle à jouer dans la société. C’est ce que je m’efforce de faire lorsque j’interviens dans des conférences ou auprès des jeunes.

 

 

 

Lien utile

Sim-Climat , logiciel pédagogique de simulation du climat développé par Camille Risi et Nicolas Gama.

 

 

 

 

 

 

 




 

 

 

 

 

 

 

 

Entretien fait à Paris, le 17 février 2012

Propos recueillis par Isabelle Genau et Catherine Senior

Rédaction : Isabelle Genau

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