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Anne COZIC


Anne Cozic est ingénieure de recherche CEA au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement, à Gif sur Yvette, depuis 2004. Elle travaille principalement sur le modèle de climat de l'IPSL et sur le modèle de chimie atmosphérique INCA, couplé au modèle de circulation générale LMDz de simulation des gaz à effet de serre.

 

Anne COZIC, vous êtes ingénieure de recherche au CEA, quel a été votre parcours ?

J’aimais les mathématiques et, en seconde, je voulais à tout prix être professeure de mathématiques. Après le bac, j’ai fait un DEUG MIAS (mathématiques informatique appliquées aux sciences) et je me suis finalement dirigée vers une école d’ingénieur en mathématiques appliquées au calcul scientifique. Il était alors évident pour moi que le calcul scientifique me plaisait énormément et j’ai abandonné mon rêve d’être professeure de mathématiques.


Je suis sortie de l’école en 2002 et j’ai été embauchée sur un poste temporaire à partir de janvier 2003 au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement pour travailler sur le cycle de l’azote et du carbone au-dessus des prairies européennes dans l’équipe de Nicolas Viovy. Mon travail m’a tout de suite beaucoup amusé et plu. Dassault, chez qui j’avais déjà fait un stage, m’a alors proposé un poste permanent. Je n’ai eu aucune peine à le refuser car ce que je faisais au LSCE me plaisait énormément, beaucoup plus que ce que j’aurais fait chez Dassault, même si c’était plus précaire. Je ne le regrette vraiment pas.


En décembre 2004, j’ai obtenu un poste permanent au LSCE dans l’équipe d’Olivier Marti sur le programme INCA (INteraction of Chemistry and Aerosol) et j’ai commencé à travailler avec Marie-Angèle Filiberti sur la chimie atmosphérique.


Je ne savais pas du tout que les mathématiques pouvaient mener à un travail sur l’environnement. Elles m’ont ouvert une voie que je n’aurais jamais imaginée et dans laquelle je me sens très bien.

 



Anne Cozic à son poste de travail



Certaines rencontres ont-elles été déterminantes dans votre orientation professionnelle ?

A l’école d’ingénieur j’avais un professeur d’informatique qui faisait un cours sur la parallélisation, qui m’a beaucoup impressionné dans la façon de faire ses cours. Il n’était pas charismatique du tout, mais ses cours étaient vraiment très intéressants et motivants. J’ai peu à peu pris conscience que je voulais travailler sur le même sujet que lui. J’ai appris par la suite qu’il était chercheur et je l’ai même rencontré dans le milieu professionnel, plus tard.


Aussi, lorsque j’étais enfant, mes parents avaient un ami scientifique que nous voyions parfois. Il travaillait souvent à l’étranger et son métier me faisait rêver. Il se trouve que je travaille dans le même milieu que lui. Est-ce le hasard ?



En quoi consiste votre travail ?

En une foultitude de choses !


Mon travail n’est pas facile à décrire. D’une façon générale, je travaille pour le modèle de climat de l’IPSL et pour la communauté qui travaille avec ce modèle. Au quotidien, je fais beaucoup de support aux utilisateurs et de développement de codes, pour améliorer la façon dont les codes sont faits et les performances du code, pour garder le modèle stable.


Parallèlement, je travaille sur quelques projets à moi en rapport avec le développement du modèle. J’intègre notamment la chimie atmosphérique dans le modèle de climat couplé de l’IPSL et je m’attache à faire évoluer ce modèle de chimie en parallèle avec le modèle d’atmosphère, par exemple lorsque celui-ci évolue, il faut faire des calculs à plus haute altitude. Je tiens à jour des notes techniques pour restituer ces avancées dans une documentation utilisable et visible par tous.


Lorsque j’en ai le temps, je travaille sur des projets de développement numérique sans financement. J’ai notamment beaucoup travaillé pour intégrer le modèle de chimie atmosphérique INCA au modèle couplé de l’IPSL et je fais le lien entre INCA et le reste de l’IPSL. Je suis également webmaster du site du modèle INCA.



Est-ce par affinité pour la chimie que vous travaillez sur le modèle de chimie atmosphérique, ou bien est-ce un hasard ?

C’est tout à fait par hasard, mais si c’était à refaire, je referai exactement la même chose.



Que préférez-vous dans votre métier ?

En fait, j’aime beaucoup coder et faire tourner les modèles, cela m’amuse et j’espère que cela m’amusera encore longtemps. Le côté relations humaines a une place importante : j’aide mes collègues à avancer au quotidien dans leur travail, en m’assurant que le modèle fonctionne bien, en aidant les thésards à résoudre des problèmes ponctuels. Cela me plaît et me motive beaucoup. Par contre, je n’ai pas toujours la curiosité d’aller voir les résultats des modèles de près, même si je m’y intéresse assez pour pouvoir répondre à mon entourage à la question "alors, ça se réchauffe ?"



Anne Cozic


Qu’aimeriez-vous changer dans votre métier ?

Je n’aime pas qu’on me considère comme la personne qui va résoudre tous les problèmes techniques, petits et grands, sous prétexte que je peux tout faire. Parfois, il m’est impossible de le faire pour la bonne raison que je suis concentrée sur une tâche. Mais en général, je trouve dommage de laisser les gens attendre longtemps une réponse que je peux leur donner rapidement.



D’après vous, quelles qualités sont nécessaires pour réussir dans votre métier ?

Le travail de calcul scientifique requiert une logique certaine. L’organisation de mon travail demande beaucoup de rigueur, il faut savoir faire accepter son point de vue et mettre des priorités. Il faut aussi savoir être « souriant » dans le côté relationnel avec les autres et accepter de discuter pour faire évoluer les codes et les modèles.



Quelle est votre plus grande fierté en tant qu'ingénieure ?

Au tout début d’INCA, j’ai mis en place un projet de A à Z avec Sophie Szopa, chercheure au LSCE : une chaîne en temps réel qui consistait à faire de la prévision météorologique au jour le jour (Global chemical weather forecast) . C’était en fait de la simulation de données météorologiques : il fallait récupérer les données de vents diffusées par le centre européen, forcer le modèle de chimie atmosphérique avec ces données, faire des prévisions journalières et voir comment le modèle évoluait. Nous avons aussi créé une interface web pour la surveillance. Il y avait tout un suivi derrière qui m’intéressait beaucoup. Ce projet a abouti à un partenariat avec l’Espagne. Sa mise en place m’a énormément plu et j’avoue avoir été assez fière du résultat obtenu. Alors que la plupart des chercheurs ne manisfestait pas d’intérêt particulier pour ce travail, une fois qu’il a commencé à donner des résultats, certains chercheurs ont rapidement été intéressés. Cela avait un côté très valorisant et j’en étais fière. Cette chaîne d’acquisition de données tourne toujours et maintenant je m’en occupe occasionnellement.


J’ai aussi beaucoup travaillé sur l’intégration de la partie forçage des aérosols dans le modèle couplé pour le 5e rapport du GIEC (AR5) et sur l’adaptation du code simulant la chimie atmosphérique INCA à celui de la dynamique atmosphérique  LMDZ . L’IPSL est un des seuls groupes de recherche à aborder tous ces domaines d’études dont la chimie atmosphérique, en particulier la rétroaction des aérosols sur le climat qui est un élément nouveau en matière de modèles. Pour ces raisons, je suis assez fière d’avoir apporté ma contribution à l’élaboration du futur 5e rapport du GIEC.



Quel conseil pourriez-vous donner à un jeune qui voudrait faire votre métier aujourd’hui ?

En fait, je n'inciterais pas un jeune à travailler dans la recherche, mais plutôt à persévérer dans le privé car le milieu de la recherche est assez précaire et aboutit peu souvent à un poste permanent. Il faut être très motivé, accepter d’être non permanent pendant des années et penser constamment à la valorisation de son CV. Pour avoir travaillé dans le privé, je peux dire que j’adore le milieu de la recherche car le cadre de travail est en général agréable, les gens apprécient leur métier et la hiérarchie n’est pas trop lourde. Techniquement, le travail est très valorisable mais en même temps, une expérience dans la recherche est moins reconnue sur le marché du travail que dans le privé. Je trouve cela très dommage.


Mais je ne connais personne qui est entré dans la recherche et est retourné dans le privé par la suite. Cela pourrait être un argument pour inciter un jeune à entrer dans la recherche !



Si vous n'étiez pas ingénieure, que seriez-vous ?

Je serais professeure de mathématiques ou bibliothécaire, car j’ai longtemps hésité entre la filière scientifique et la filière littéraire en seconde.



Votre conclusion, en quelques mots ?

Je suis très contente de mon travail et de ce que j'y fais, car cette passion que j’avais pour les mathématiques est toujours là, à travers le développement de codes informatiques et le calcul scientifique, dans un domaine de recherche valorisant et porteur.



Entretien fait à Paris, le 10 février 2011

Propos recueillis par Isabelle Genau et Catherine Senior

Rédaction : Isabelle Genau

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