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Une explication des cycles de changements climatiques abrupts des derniers 130 000 ans

06-11-2018

Une équipe internationale  1 a modélisé le couplage entre, d’un côté, l'étendue de la glace de mer et des plateformes glaciaires marines, et de l’autre, la température des eaux proches de la surface de l'Atlantique Nord. Ce modèle explique les variations abruptes de température au Groenland et en Atlantique Nord durant le dernier intervalle glaciaire, entre 130 000 et 15 000 ans. Il reproduit également le déphasage entre les températures des deux hémisphères durant cette période, telles qu’estimées à partir de mesures dans les carottes de glace au Groenland et en Antarctique. Ces travaux devraient aider à évaluer le risque de tels changements abrupts dans le proche avenir.

Le dernier intervalle glaciaire a été marqué par des changements climatiques abrupts appelés événements de Dansgaard-Oeschger (DO). Ces événements se sont notamment manifestés par des augmentations rapides suivies par des diminutions plus lentes d'un rapport isotopique de l'oxygène (18O/16O) ou δ18O, marqueur de la température, dans des carottes de glace du Groenland. Ces événements, caractérisés par des augmentations importantes de température sur le Groenland jusqu'à 15°C en quelques décennies et un retour aux conditions glaciaires en plusieurs siècles, se sont répétés à de nombreuses reprises durant le dernier cycle glaciaire. Toutefois, la cause de ces transitions et leur relation déphasée avec des événements correspondants en Antarctique restent peu claires. En effet, malgré des avancées importantes ces dernières années dans leur observation, une théorie satisfaisante des cycles de DO, avec leurs augmentations et décroissances répétées du δ18O manquait toujours.


En se basant sur des hypothèses émises à la suite d'observations dans différents enregistrements, l'équipe a réalisé un modèle dynamique afin d'expliquer ces événements DO au Groenland, mais aussi leurs homologues observés en Antarctique. Ce modèle se focalise sur les interactions entre les plateformes de glace issues des calottes de l'hémisphère nord (et plus précisément le Groenland), la glace de mer et les courants océaniques. Il démontre que le caractère répétitif et la rapidité de la phase de réchauffement des événements DO reposent sur les retraits rapides et les régénérations plus lentes d'épaisses plateformes glaciaires marines, de plusieurs centaines de mètres, et de la glace de mer bien plus fine, de quelques mètres seulement autour des calottes de l'hémisphère nord. Cette variabilité est synchrone avec un changement de la température des eaux proches de la surface de l'Atlantique Nord, affectées par des variations de l'ensoleillement liées à l'étendue variable de la couverture de glace.

 

Variabilité du dernier intervalle glaciaire telle qu'exprimée par les variations du rapport isotopique de l'oxygène δ 18 O obtenues à partir de deux carottes de glace : en bleu au Groenland (carotte NGRIP–North Greenland ice core project) et en orange en Antarctique (carotte WAIS – West Antarctic ice sheet divide project). Âge en milliers d’années précédant l’an 2000.


Le modèle proposé reproduit avec succès les caractéristiques observées dans les variations du rapport isotopique de l'oxygène, comme la forme en dents de scie des cycles DO (avec un réchauffement brutal et un refroidissement plus lent vers les conditions glaciaires), les intervalles entre événements DO successifs durant les derniers 130 000 ans, et aussi le déphasage du signal climatique observé dans les carottes de glace du Groenland et en Antarctique : quand le Groenland se réchauffait, l'Antarctique se refroidissait, et inversement, les réchauffements abrupts observés au Groenland n'ayant pas toutefois leurs homologues en Antarctique.


Ces résultats montrent que les caractéristiques propres aux événements DO sont dus uniquement à des mécanismes de rétroaction intrinsèques au système climatique et que le réchauffement des eaux proches de la surface en Atlantique Nord pourrait avoir contribué au déclenchement des événements de Heinrich. Ces événements, avec leurs débâcles massives d'icebergs dans l'Atlantique Nord, se sont répétés eux aussi à plusieurs reprises, principalement dans l'Atlantique Nord, en purgeant les immenses calottes recouvrant l'Amérique du Nord, la Scandinavie et le Groenland. Le modèle de cette équipe internationale offre ainsi un cadre unifié pour expliquer les caractéristiques majeures de la variabilité climatique multimillénaire pendant les intervalles glaciaires observés durant les derniers cycles climatiques.


Par ailleurs, cette étude propose une explication de tels changements climatiques abrupts et pourrait ainsi aider à évaluer plus précisément le risque de transitions climatiques brusques dans un avenir proche.



Note

  1. Les laboratoires et instituts impliqués sont les suivants : Laboratoire de météorologie dynamique (LMD/IPSL, CNRS / ENS / École Polytechnique / Sorbonne Université), Potsdam institute for climate impact research (Germany), Grantham institute (Imperial college, UK), University of California (USA) et Columbia University (USA)



Références 

Boers, Niklas, Michael Ghil and Denis-Didier Rousseau. ”Ocean circulation, ice shelf and sea ice interactions explain Dansgaard-Oeschger cycles”. Proceedings of the National Academy of Sciences USA (2018) www.pnas.org/cgi/doi/10.1073/pnas.1802573115



Contacts

Michael GHIL , LMD-IPSL, Tel : 01 44 32 22 44

Denis-Didier ROUSSEAU , LMD-IPSL, Tel : 01 44 32 27 24



Source : CNRS-INSU

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